TERRITOIRES. A l'aube de l'année 2020 et de ses élections municipales, la Fédération nationale des travaux publics enjoint les pouvoirs publics à réinvestir dans les infrastructures du pays, pour garantir le "bien-vivre" de nos compatriotes. Routes, éclairage, VRD, fibre optique... les professionnels du secteur font le point sur leur activité tout en listant les "bonnes raisons" pour moderniser les réseaux.

Alors que 2019 s'achève et que 2020 se profile à l'horizon, la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) publie son rapport d'activité de l'année écoulée. Un document qui a un double objectif : dresser le bilan et esquisser les perspectives du secteur, tout en invoquant l'impérieuse nécessité de réinvestir dans les infrastructures du pays. Les élections municipales prévues en mars prochain représentent un évènement important pour les entreprises de travaux publics, qui sont dans l'attente des résultats du scrutin et des nouvelles orientations des élus locaux en termes d'aménagement du territoire. Enjoignant les collectivités territoriales ainsi que l'Etat à faire de la modernisation des réseaux et infrastructures une priorité, la FNTP rappelle que les routes, l'éclairage, les VRD ou encore la fibre optique participent du "bien-vivre" des Français. Cela dans un contexte économique et social délicat pour la profession, qui doit composer avec des difficultés de recrutement et des mesures économiques défavorables, à l'instar de la suppression du taux réduit de fiscalité sur le gazole non-routier (GNR).

 

 

"Il faudra donc éviter un coup de frein brutal en 2020-2021", analyse le président de la FNTP, Bruno Cavagné. "Les communes représentent près d'un tiers de notre chiffre d'affaires et leur dynamisme conditionne la survie de nos entreprises et le maintien de l'emploi. Cependant, avec des collectivités locales dont la situation financière est globalement saine, nous voulons être optimistes sur les évolutions futures."

 

Un chiffre d'affaires global de 41 milliards d'euros en 2018, en hausse de 6,4%, porté par les travaux routiers, les terrassements et les VRD

 

Pour l'heure, les quelque 8.000 entreprises de TP peuvent compter sur un bilan solide : en 2018, la croissance de leur chiffre d'affaires s'est élevée à 6,4%, pour s'établir à 41 milliards d'euros. Employant environ 300.000 collaborateurs à l'échelle nationale, ces entreprises réalisent un chiffre d'affaires de 32 milliards d'euros à l'international. Au niveau de la composition de ces structures, 60% d'entre elles ont entre 1 et 10 salariés, 30% entre 11 et 50 salariés, 9% entre 51 et 500 salariés, et seulement 1% ont plus de 500 salariés. Des entreprises dont plus des deux tiers de l'activité dépendent de la commande publique : 44% de l'activité du secteur proviennent des collectivités territoriales (dont 33,5% des communes et intercommunalités, 8,6% des départements et 1,9% des régions), 32,8% du secteur privé et 17,6% des grands opérateurs (dont 6,9% provenant d'EDF, RTE, Enedis, Engie, GRT et GRDF, et 5,7% de SNCF Réseau, RATP et des Sociétés d'économie mixte pour les transports collectifs urbains). Les concessions et les contrats de partenariat ne pèsent que pour 2,9% dans l'activité des TP, et l'Etat s'octroie la plus petite part du gâteau, avec 2,7%.

 

En termes de chantiers, les professionnels du secteur se distinguent par la diversité des travaux réalisés : 14 milliards d'euros sont consacrés au travaux routiers, 7,3 milliards aux terrassements, 6,9 Mds€ pour les systèmes d'adduction d'eau, d'assainissement et autres types de canalisations ; les travaux électriques représentent une enveloppe de 5,8 Mds€, les ouvrages d'art et les équipements industriels 3,5 Mds€, les voies ferrées 1,2 Md€. S'agissant des travaux spécialisés, les fondations, sondages et autres forages se chiffrent à 1,2 Md€, les travaux souterrains à 700 millions, et les travaux maritimes ou fluviaux à 400 M€.

 

L'Île-de-France et l'Auvergne-Rhône-Alpes en tête des marchés tricolores, l'Europe et l'Amérique du Nord à la pointe des marchés internationaux

 

Les entreprises françaises de travaux publics, qui réalisent donc 73 Mds€ de chiffre d'affaires aux plans national et international cumulés, sont bien implantées dans l'Hexagone, avec un maillage territorial homogène. L'année dernière, les régions de France les plus dynamiques ont été l'Île-de-France, avec 8,1 Mds€ (19,8% du total), suivie par Auvergne-Rhône-Alpes, avec 5,7 Mds€ (13,9%). Viennent ensuite la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, avec 4 Mds€ (9,7%), l'Occitanie avec 3,9 Mds€ (9,7%), la Nouvelle-Aquitaine avec 3,7 Mds€ (9%), les Hauts-de-France avec 3,3 Mds€ (8%) et le Grand-Est, avec 3,1 Mds€ (7,6%). Le dernier wagon de régions se compose des Pays de la Loire, qui réalisent 2,2 Mds€ (5,3%), la Normandie avec 2 Mds€ (4,8%), la Bretagne avec 1,9 Md€ (4,7%), la Bourgogne-Franche-Comté avec 1,7 Md€ (4,1%) et enfin, en queue de peloton, le Centre-Val-de-Loire, avec 1,4 Md€ (3,4%).

 

Par-delà les frontières de l'Hexagone, le secteur tricolore des TP a aussi de quoi s'occuper : le chiffre d'affaires à l'international représente tout de même 44% de l'activité totale des entreprises, en progression de 6,7% par rapport à 2017. Plusieurs marchés sont particulièrement porteurs, à commencer évidemment par l'Europe, qui pèse pour 15,9 Mds€ (49,6% du total), et qui a augmenté de 4,6% en comparaison à 2017. Mais l'envolée la plus fulgurante est en Amérique du Nord, avec +25%, pour un chiffre d'affaires de 5,5 Mds€ (17,2%). En troisième position vient l'Afrique, avec 3,9 Mds€ (12,3%), pendant que le marché asiatique draine 2,3 Mds€ (7,3%). A l'international, les spécialités des travaux routiers et des terrassements arrivent en pole position (12,2 Mds€, 38,3%), suivies par les travaux électriques (8,5 Mds€, 26,4%) puis par les fondations/sondages/forages/travaux souterrains (3,5 Mds€, 10,9%).

 

"Il n'est pas normal que nos concitoyens n'aient pas les mêmes chances de réussite selon que leur endroit de naissance est plus ou moins bien pourvu en infrastructures"

 

Mais si tout va visiblement pour le mieux sur le plan économique, tant au national qu'à l'international, les interrogations et les inquiétudes persistent, notamment sur la désagrégation des territoires et sur le ras-le-bol fiscal, qui s'est matérialisé par le mouvement des Gilets jaunes, apparu en novembre 2019. Une contestation populaire qui trouve ses racines dans l'abandon dont seraient victimes les régions de la "diagonale du vide" : "A l'origine de cette crise, il y a eu des revendications centrées sur les problématiques de mobilité. On peut entendre ce malaise quand on voit les difficultés rencontrées dans les transports au quotidien et l'état des infrastructures", note Bruno Cavagné. "La qualité des services aux citoyens n'est plus au niveau dans certains territoires. En France, 25.000 ponts nécessitent des réparations, la moitié des routes nationales sont endommagées, 20% des voies ferrées ont atteint leur durée de vie maximum..."

 

Et le président de la FNTP de conclure : "C'est une question de cohésion territoriale. Il n'est pas normal que nos concitoyens n'aient pas les mêmes chances de réussite selon que leur endroit de naissance est plus ou moins bien pourvu en infrastructures. Que l'on habite à la campagne, en centre-ville ou en périphérie d'une métropole, les citoyens aspirent à bénéficier des mêmes services de base." Pour les représentants de la profession, la réponse ne peut être que financière, impulsée par une décision politique. "Le financement, c'est le nerf de la guerre", assure Bruno Cavagné. "Tant que les moyens ne seront pas à la hauteur des besoins, nos réseaux continueront de se dégrader. Avec des besoins grandissants dans les territoires, les bonnes raisons d'investir ne manquent pas."

 

 

Les infrastructures, lien indéfectible entre les hommes et les territoires

 

Après avoir dressé ce constat, le secteur tente d'apporter sa pierre à l'édifice en présentant les principales "bonnes raisons" de flécher les investissements vers la modernisation et l'entretien-maintenance des infrastructures et réseaux, partout sur le territoire national. Partant du principe que ces derniers ont une utilité publique qui n'est plus à prouver, les enjeux sont multiples : accélérer les échanges d'informations, par le biais de la fibre optique notamment ; améliorer et entretenir les réseaux routiers, qui englobent aussi bien les autoroutes que les tunnels ; ou encore construire des infrastructures dédiées aux modes de transport collectif, du bus au métro en passant par le tramway, pour faciliter les déplacements et désenclaver les territoires. Le stockage, le transport et la distribution du gaz sont aussi à l'ordre du jour : la France compte 35.000 kilomètres de gazoducs et 200.000 km de canalisations de distribution, des équipements éminemment stratégiques.

 

La filière plaide également pour une relance du transport fluvial, comme l'illustre le dossier du canal Seine-Nord Europe. Rappelons que l'Hexagone comptabilise 8.500 km de voies navigables, soit le quart du réseau fluvial européen, mais que le fret qui y est associé ne représente que 2% du transport de marchandises. Dans le même ordre d'idées, les ports et aéroports jouent un rôle d'interconnexion prépondérant, et doivent à ce titre mobiliser les investissements - 200 millions de passagers ont fréquenté les aéroports français en 2018, tandis que 368 millions de tonnes de marchandises ont transité par les ports de l'Hexagone. De même, la régénération des 28.000 km de lignes ferrées dites classiques et des 2.590 km de LGV (lignes à grande vitesse) doit répondre aux problématiques de sécurité et de développement économique. Face à la multiplication des évènements climatiques violents, les professionnels des TP mettent par ailleurs en avant leurs compétences en génie écologique, comme la construction de digues, et en travaux électriques, que ce soit pour le déploiement des bornes de recharge pour véhicules électriques ou pour les éclairages publics performants. Enfin, la modernisation du réseau d'eau potable est régulièrement demandée par le secteur, qui dénonce des fuites massives : 1 litre sur 5 se perd dans la nature.

 

Partant de là, la FNTP liste les 10 "bonnes raisons" d'investir dans les infrastructures : "construire un monde plus respectueux de l'environnement ; renforcer la sécurité et la fiabilité des réseaux ; réveiller les opportunités de développement ; créer du lien dans les territoires ; se déplacer autrement ; connecter les Français au monde numérique ; concevoir les territoires de demain ; apporter les meilleures solutions partout ; former et employer dans les territoires ; et enfin proposer de véritables carrières professionnelles". Autant dire que la filière a encore de quoi s'occuper.

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