INFRASTRUCTURES. Organisées ce 15 octobre 2019 à Paris, les Rencontres Transports & Mobilités sont revenues sur les enjeux des infrastructures et des modes de déplacement, ainsi que sur les leviers que les acteurs publics et privés peuvent actionner pour faciliter la transition écologique. Mais comme souvent, ces derniers se reposent sur l'Etat pour impulser le mouvement, tout en attendant des innovations technologiques majeures.

"De fait, l'étalement urbain et la dépendance au transport individuel progressent." C'est ce qu'a admis la députée européenne Fabienne Keller, lors de la 26e édition des Rencontres Transports & Mobilités qui se tenait ce 15 octobre 2019 à Paris. Acteurs publics et privés se sont retrouvés pour échanger autour des enjeux relatifs aux infrastructures et aux modes de déplacement, à l'heure où la loi d'orientation des mobilités (LOM) est en seconde lecture au Sénat, et sur fond de revendications économiques et sociales que le mouvement des Gilets jaunes a placées sur le devant de la scène. Il n'est effectivement pas toujours aisé pour des citoyens résidant dans des zones périurbaines voire rurales, de s'accorder avec les discours d'élus métropolitains appelant à utiliser davantage les transports en commun ou les "mobilités douces". Pour les participants aux débats, des solutions existent pourtant, à l'instar de l'hydrogène, dont le rôle et la place dans la transition énergétique seraient encore trop négligés. "Les gaz n'ont pas fini de nous étonner, et doivent être complémentaires à l'électricité", a notamment assuré Thierry Trouvé, directeur général de GRTgaz.

 

Il est cependant un moyen de transport qui peut se distinguer à l'heure où l'empreinte carbone est de plus en plus prise en compte : le train. Bernard Roman, président de l'ex-Arafer (Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières), devenue ART (Autorité de régulation des transports), est revenu sur les avantages de l'ouverture à la concurrence du réseau ferré tricolore, consacrée par la loi pour un nouveau pacte ferroviaire, adoptée en juin 2018 : "Les Français font en moyenne 1.000 milliards de kilomètres chaque année : 10% se font en train, 90% en voiture. Dans tous les pays où l'ouverture à la concurrence a eu lieu, l'opérateur historique arrive en tête des opérateurs. En Italie, le gestionnaire du réseau est en meilleure santé financière depuis que le nombre de trains roulants a augmenté, car les péages ont eux aussi augmenté."

 

Des leviers réglementaires et fiscaux

 

Les échanges ont également porté sur les choix d'investissements et, plus largement, d'aménagements du territoire que doivent faire les élus locaux et opérateurs de réseaux. Revendication régulièrement entendue, la gratuité des transports en commun ne fait clairement pas l'unanimité : "La gratuité est illusoire car le taux de report des voitures vers les transports publics est aujourd'hui très faible, et l'usager paiera autant, sinon plus, pour financer ces mêmes transports publics", pointe la députée LREM des Hauts-de-Seine Laurianne Rossi.

 

Si la gratuité des transports en commun a donc été écartée d'office par les intervenants, ceux-ci ont listé d'autres leviers d'optimisation : l'intermodalité, l'ouverture à la concurrence ou encore le Plan vélo - autant de sujets abordés dans la LOM - en font partie, aux côtés d'autres leviers qui dépassent toutefois le simple cadre des transports, comme l'autonomie énergétique et les technologies numériques. Et pour les ressources ? Laurianne Rossi propose une baisse de la TVA à 5,5% pour le secteur des transports publics, ainsi qu'une application ferme et exhaustive et du principe pollueur-payeur, en s'attaquant notamment à certaines niches fiscales, comme celle du transport maritime privé qui est pour l'heure exonéré de TICPE (Taxe intérieure de consommation des produits énergétiques). "Le transport est un investissement, pas une dépense", a martelé la député marcheuse.

 

"Renforcer les crédits, c'est bien mais pas suffisant"

 

Sur le plan législatif et réglementaire, et comme pour bien d'autres sujets, il s'agirait donc de trouver un juste milieu entre un laisser-aller poussé à l'extrême (comme les flottes de trottinettes électriques dans les métropoles) et une réglementation trop rigide. "On peut sans doute réconcilier pouvoir d'achat et transition énergétique", assure Pierre Aubouin, le directeur du département infrastructures et transports de la Banque des territoires (Caisse des dépôts). "La gratuité totale est une menace à long terme pour les transports publics", insiste de son côté Frédéric Baverez, directeur exécutif de Keolis France. "Une menace sur le versement mobilité et sur le financement des transports publics en lui-même. Ce qu'il faut, ce sont des tarifications sociales et solidaires."

 

A propos des financements, le secrétaire général de l'Agence de financement des infrastructures de transports de France, Jean Abèle, est revenu sur la composition des 13,5 milliards d'euros prévus pour le fonctionnement de son entité dans les 5 ans qui viennent : 30% dédiés au Contrats de plan Etat-régions (CPER), 23% pour l'entretien du réseau, 13% pour les Trains d'équilibre du territoire (plus fréquemment appelés Intercités) et 9% pour le report modal, les transports publics en agglomérations et les mobilités douces. "Renforcer les crédits, c'est bien mais pas suffisant", a-t-il nuancé. "Il faut bien cibler les dépenses et bien choisir les solutions. Sachant que l'essentiel, c'est la qualité de service. L'enjeu, c'est l'amélioration de l'offre et la baisse de la demande."

 

 

"Il faut arrêter d'avoir une vision par la taxe"

 

Enfin, au moment où les parlementaires discutent du projet de loi de Finances (PLF) 2020 sur les bancs du Palais Bourbon, Benoît Simian, député LREM de la Gironde, en appelle directement au Gouvernement pour prendre les décisions les plus efficaces qui soient : "Il faut arrêter de bricoler et de proposer des mauvaises idées. Le modèle économique des transports, il tourne, sauf qu'il paye aujourd'hui la dette." Pour le marcheur, l'innovation et l'économie circulaire constitueraient une bonne réponse globale aux difficultés rencontrées par le secteur des transports. Réclamant une "politique nationale ambitieuse" sur ces sujets et tirant la sonnette d'alarme sur les recettes de la TICPE, Benoît Simian formule ses propositions sans détours : "Il faut arrêter d'avoir une vision par la taxe. Il faut au contraire être incitatif et récompenser les comportements vertueux. Pour se pencher sur les transports du quotidien, il faut d'abord revenir sur les CPER. Et je le dis : ce PLF, c'est le PLF de tous les dangers. C'est la dernière fenêtre de tir de tout le quinquennat." A voir si le Gouvernement saura choisir ses cibles.

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