TRANSITION ÉNERGÉTIQUE. Dans une lettre ouverte adressée à la Première ministre, une quinzaine d'organisations représentatives de la filière - essentiellement dans les métiers du génie climatique - proposent des "solutions concrètes" pour garantir de manière pérenne le confort thermique des bâtiments. Les professionnels mettent en avant les moyens "passifs" permettant d'améliorer la performance et demandent à ce qu'ils soient intégrés aux dispositifs de soutien actuels.

Comment faire pour assurer un confort thermique idéal aux usagers des passoires thermiques ? "La chaleur est tout aussi redoutable que le froid : l'été est devenu synonyme de souffrance thermique pour de nombreux Français", assènent 14 organisations représentatives de la filière - essentiellement dans les métiers du génie climatique (*) - qui ont pris une plume commune pour écrire une lettre ouverte à la Première ministre Élisabeth Borne.

 

 

Et tous ces professionnels de citer un chiffre issu d'une étude de l'institut Ifop datant de juillet 2022 : 69% de nos compatriotes disent souffrir de températures trop élevées dans leur logement. Face à la multiplication des vagues de chaleur causée par le changement climatique - l'été 2022 a été l'un des plus chauds jamais enregistrés -, la capacité des occupants des bâtiments mal isolés à supporter des températures intérieures élevées va effectivement être remise en question.

 

D'où une liste de "solutions concrètes" pour tenter de répondre à cette problématique de la surchauffe des bâtiments - les signataires préfèrent d'ailleurs parler de "souffrance thermique" que de "confort d'été" au vu de l'évolution de la situation. Car aux yeux de la filière, les politiques publiques actuelles ne prennent pas suffisamment en compte ces enjeux sanitaires.

 

"Si la lutte contre le réchauffement climatique se joue sur tous les fronts, la décarbonisation du secteur du bâtiment constitue un levier essentiel", peut-on lire dans la lettre ouverte. Les segments résidentiel et tertiaire sont particulièrement voraces en énergie, et sont responsables de 17% des émissions de gaz à effet de serre de l'Hexagone.

 

Rénovation globale et utilisation "raisonnée" de la climatisation

 

Le mot d'ordre du courrier est celui de la rénovation globale, "piste indispensable" dans ce dossier épineux, où le recours à la climatisation ne peut être la seule solution. L'usage de celle-ci doit être "raisonné et adapté", mais il s'est pourtant envolé à des niveaux stratosphériques (+78%) entre 2016 et 2020, selon une étude de l'Ademe (Agence de la transition écologique) de juin 2021.

 

La climatisation pèse déjà 5% des émissions d'équivalent CO2 (dioxyde de carbone) du bâtiment - et cela risque de continuer à progresser dans les prochaines années - et a consommé 4,9 térawatts-heure dans le résidentiel, et 10,6 TWh dans le tertiaire en 2020.

 

Martelant une nouvelle fois que "l'énergie la moins chère et la moins polluante est celle qu'on ne consomme pas", les signataires de la lettre ouverte appellent à utiliser des systèmes de rafraîchissement aux "technologies performantes" et "en combinaison avec les mesures passives, non consommatrices d'énergie, qui permettent d'en limiter l'impact énergétique". Le recours à un professionnel est à ce titre préconisé "pour le bon dimensionnement et la bonne installation" de l'équipement.

 

Améliorer l'isolation et l'inertie thermique

 

Le sujet passe aussi par la bonne isolation des bâtiments. Dans ce domaine, un certain nombre d'équipements et de solutions techniques existent : par exemple, des protections solaires "motorisées ou automatisées" peuvent être installées, en complément des traditionnels stores et volets. L'inertie thermique des bâtiments peut en outre être améliorée, via des matériaux isolants pour les murs et toitures capables "d'absorber la chaleur ou le froid" et ensuite de "restituer le flux thermique en phase de déphasage".

 

L'ouverture des fenêtres est également susceptible d'être pilotée automatiquement par des systèmes intelligents qui rafraîchissent l'habitation aux heures les moins chaudes. De même, les concepteurs et utilisateurs des bâtiments sont invités à veiller au choix de la ventilation afin de préserver la qualité de l'air intérieur. À l'extérieur, "la végétalisation du bâti, toitures et façades" présenterait l'avantage de prodiguer de la fraîcheur "à l'échelle du quartier" mais aussi "au sein-même du bâtiment".

 

 

Valoriser les solutions passives dans les aides à la rénovation

 

Les professionnels recommandent par ailleurs d'appliquer des revêtements d'étanchéité réfléchissants sur les toitures-terrasses. La couleur claire dispose en effet "d'un fort pouvoir de réflectivité et d'émissivité" contre le rayonnement solaire, permettant là aussi au quartier comme au bâtiment de mieux respirer. Autant de "solutions passives peu consommatrices d'énergie" que les organisations signataires souhaitent voir valorisées "dans les politiques d'incitation à la rénovation énergétique" ; elles demandent par conséquent à ce que les dispositifs de soutien actuels soient étendus à ces mesures.

 

En ligne de mire des acteurs : la première loi de programmation quinquennale sur l'énergie et le climat, dont l'adoption est censée avoir lieu "avant le 1er semestre 2023", mais aussi les troisièmes versions de la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et du Plan national d'adaptation au changement climatique - "une fenêtre de tir idéale" dans le cadre de la Stratégie française sur l'énergie et le climat (Sfec).

 

Les 14 signataires de la lettre demandent donc à Élisabeth Borne "d'intégrer au plus vite les moyens passifs d'amélioration de la performance thermique d'été dans les dispositifs d'aide à la rénovation" à l'aide de ces différentes législations.

 

 

(*) La Fédération française du bâtiment (FFB) compose la majorité des signataires, avec ses groupements Actibaie, UMB (Union des métiers du bois), UMGCCP (Union des métiers du génie climatique, de la couverture et de la plomberie) et UMPI (Union des métiers du plâtre et de l'isolation).

 

Le comité technique AICVF (Association des ingénieurs et techniciens en climatique, ventilation et froid), l'organisation Ico (Ingénierie du confort objectif 2050), le Cercle Promodul Inef 4, le Cinov (Fédération des syndicats des métiers du conseil, de l'ingénierie et du numérique), la Fédération française de la construction passive, la structure Ignes (Alliance des industriels de l'électricité et du numérique), le SFJF (Syndicat français des joints et façades), le SNFA (Syndicat national de la construction des fenêtres, façades et activités associées), l'Adivet (Association des toitures et façades végétales) et la CSFE (Chambre syndicale française de l'étanchéité) ont également paraphé le courrier envoyé à Matignon.

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