RÉFLEXION. Le Grand prix de l'urbanisme 2022 considère que c'est la morphologie des bâtiments et la géographie d'une ville qui permettent de la rafraîchir. Il dessine plusieurs pistes pour s'adapter au réchauffement climatique et refroidir les édifices.

"C'est dans le sud du continent que nous voyons notre avenir", a déclaré Franck Boutté. Le Grand prix de l'urbanisme 2022 et fondateur de l'atelier d'ingénierie créative et de co-conception environnementale FCB était l'invité du salon Batimat, à Paris, pour parler des enjeux de surchauffe des bâtiments. S'inspirer des constructions du Sud est, selon lui, l'une des meilleures stratégies pour s'adapter au réchauffement climatique. "Au sud, le climat, l'Histoire et la culture s'entremêlent. Là-bas, existe une écologie territoriale native et un savoir-faire que nous avons perdu ces dernières décennies", a-t-il continué. Celui qui est intervenu sur l'Arbre blanc, à Montpellier, ou encore sur le Grand Palais (Paris) établit une stratégie en trois grands volets, celui de se protéger, de disperser et de réguler.

 

Des jeux d'ombre et de hauteurs, des matériaux clairs...

 

La protection passe par le fait de dessiner des formes urbaines que Franck Boutté qualifie d'"autoprotectrices". Les bâtiments doivent être construits avec des morphologies qui produisent de l'ombre afin de ne pas trop capter le soleil. Les professionnels de la construction doivent trouver les "bons rapports entre les hauteurs des bâtiments et les espaces vides", a-t-il expliqué. La position des terrasses d'un immeuble de logements peut faire la différence. "Dans un des projets sur lesquels j'ai travaillé, des grandes terrasses permettent, en période chaude, que le soleil ne tape pas directement sur les surfaces vitrées." Il encourage aussi l'utilisation de matériaux clairs car ils possèdent "un coefficient de réflexion important" et évitent la création d'îlots de chaleur. "Dans le Sud, l'ombre et le vent sont des valeurs positives. Ces éléments changent considérablement la façon de faire la ville", a-t-il pris pour exemple. Il avise par ailleurs de travailler sur l'épaisseur des façades, et sur des "espaces tampons", qui donnent aux habitants des espaces d'usages, entre l'intérieur et l'extérieur. "On réinvente ainsi l'idée de la façade habitée."

 

 

Pour le Grand prix de l'urbanisme, la trame urbaine doit aider les vents à circuler naturellement. Pour cela, il propose d'orienter les voies selon le sens des vents dominants mais aussi de repenser la morphologie des bâtiments. "On a longtemps fait des bâtiments très épais car c'était plus économe. Il faut faire des édifices fins pour que le vent passe d'une façade à une autre", a-t-il assuré. L'aménagement intérieur doit également être retravaillé, comme les dispositifs de ventilation des constructions, pour que les courants d'air circulent d'une pièce à une autre. Cela peut être possible grâce, par exemple, à une grille de ventilation installée entre une chambre et un couloir. Des conduits de cheminée qui ne sont plus utilisés peuvent aussi l'être pour ventiler une habitation. Une proposition plus radicale est celle de désengorger l'espace public ou détruire un bâtiment pour permettre aux vents de circuler.

 

Travailler sur toutes les échelles

 

"Les trois ingrédients du rafraîchissement passif, qui ne coûtent pas cher, sont le végétal, l'eau et le vent. Ce sont les moteurs pour changer la façon de dessiner la ville", a indiqué Franck Boutté. Il a esquissé plusieurs actions, dont celle de changer les matériaux, de végétaliser et de redonner de l'importance à l'eau pour travailler les sols fertiles. "On peut améliorer la thermique des bâtiments anciens sans alterner leur qualité d'inertie. Sur le bâtiment historique de Sciences Po, on a utilisé un enduit chaux-chanvre qui corrige la paroi et qui garde exactement la même inertie et sa fonction hydrothermique", a-t-il raconté. La réussite de l'adaptation au changement climatique ne pourra se faire "sans penser la cohérence à toutes les échelles, de la ventilation d'un logement à la circulation des vents dans un quartier".

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