ÉVÉNEMENT. L'Institut de France a accueilli la cérémonie d'installation d'Anne Démians dans la section architecture de l'Académie des beaux-arts. Avec ses confrères, elle s'attèlera au sein de l'institution artistique à croiser les connaissances des différences disciplines.

Elle est la première femme architecte installée dans la section architecture de l'Académie des beaux-arts. À 59 ans, Anne Démians siège au fauteuil IV, qui était précédemment occupé par Roger Taillibert, célèbre pour la conception de la piscine de Deauville et le Parc des princes de Paris. À la fois architecte et urbaniste, Anne Démians a été élue à l'Institut de France en juin 2021. Son installation, intervenue le 18 janvier 2022 sous la Coupole du Palais de l'Institut de France, a été menée par son confrère, le photographe et académicien franco-brésilien Sebastião Salgado. Ce dernier est réputé pour ses actions en faveur de la protection de la forêt amazonienne et des peuples indigènes.

 

Dans un long discours, il a retracé le parcours et l'engagement de la nouvelle "immortelle" et a salué le partage de leurs préoccupations communes "sur l'évolution de la planète et sur nos façons de l'écouter, de l'explorer, de l'habiter, d'en valoriser les richesses". "Vous recherchez à installer de la transversalité partout où c'est possible", a-t-il salué, ajoutant que son apport aux projets de rénovation et de refonte des patrimoines restait contemporain. "La ville abandonne ses repères d'îlots, convenus et fermés, elle devient, avec vous, une forme disponible qui repousse les effets de mode et se dirige vers l'idée de ne rien figer trop tôt pour ouvrir le champ des possibles."

 

 

Un hommage à son prédécesseur

 

Anne Démians a ensuite été appelée à prendre la parole. Vêtue d'un habit vert et argent clair finement brodé, confectionné par Nicolas Ghesquière, le directeur artistique des collections femme chez Louis Vuitton, Anne Démians s'était préalablement entretenue avec le styliste pour permettre l'élaboration de cette tenue. Créée sur mesure, cette pièce tisse le lien entre les habits traditionnels des académiciens et une ancienne collection du créateur, qui s'était à l'époque inspiré du vestiaire masculin du XVIIIe siècle.

 

Institut de France
La coupole de l'Institut de France. © L-A Fournier

 

Sous la coupole, Anne Démians a d'abord remercié Sebastião Salgado pour son travail, puis a rendu un long hommage à Roger Taillibert. L'architecte, décédé en octobre 2019, avait réalisé une cinquantaine de réalisations majeures, dont beaucoup consacrées au sport. Il a notamment signé la conception du stade olympique de Montréal, en 1976. "La plupart de ses réalisations furent construites comme des œuvres à part entière. Elles se développaient dans l'espace selon des schémas organiques, souvent empruntés à des espèces marines, à des crustacés, à des vertébrés ou à des coléoptères. Pour les réaliser, il eut recours au béton brut, à la précontrainte, à la toile étirée et aux câbles déployés, éléments d'expression d'une modernité radicale", a-t-elle célébré.

 

L'élue a également rappelé l'action menée par ses confrères et elle au sein de l'Académie des beaux-arts. Celle de s'ouvrir aux autres disciplines et de croiser les connaissances de l'Académie avec les autres académies de l'Institut de France. "A nous donc, artistes, philosophes, écrivains, musiciens, photographes, scientifiques, chorégraphes et architectes de cette académie de rapprocher nos disciplines, d'additionner nos compétences et de mettre en commun nos aventures."

 

Une épée en forme de stylet plutôt que celle d'une arme

 

Marie-Christine Labourdette, présidente de l'établissement public du château de Fontainebleau, lui a ensuite remis son épée d'académicienne. Celle-ci a été dessinée par Anne Démians et réalisée par des maîtres d'art. L'architecte préférait donner à cette épée une allure de stylet plutôt que celle d'une arme de duel, pour souligner l'importance de l'écriture et du dessin. Cette pièce fine en carbone forgée, d'1,15 kilo, est composée d'une pointe à deux bouts, et équipée d'un capuchon en carbone-acier ajouré.

 

Diplômée de l'École nationale supérieure d'architecture de Versailles, Anne Démians a travaillé sept ans au sein de l'agence de Henri Gaudin avant de fonder son premier cabinet d'architecture en 1995. Dix ans plus tard, elle crée l'agence Architectures Anne Démians qui compte aujourd'hui une trentaine de salariés. Durant sa carrière, l'architecte s'est vue confier le projet de l'école de physique et chimie industrielle de Paris, la gare de distribution ferroviaire de Vilnius (Lituanie), la réhabilitation et l'extension des Thermes de Nancy ou encore la restructuration de la partie sud de l'Hôtel-Dieu de Paris.

 

Anne Démians appelle à un changement profond de l'acte de construire et d'aménager le territoire. L'architecture est, pour elle, à la fois un art d'usage et de beauté. Elle ne se définit ni par un style ni par un courant de pensée. Elle aime plutôt travailler sur une variété d'ouvrages. L'académicienne prône la création de bâtiments réversibles, qui pourraient répondre à plusieurs usages et se transformer. Une philosophie qu'elle a appliquée dans la création du projet Black Swans, livré à Strasbourg en 2019.

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