INTERVIEW. L'architecte Anne Démians, nouvellement élue dans la section architecture de l'Académie des beaux-arts, s'est prêtée au jeu de l'interview grand témoin avec Batiactu, partageant ses vues sur son métier d'architecte et un secteur de la construction en perpétuel mouvement.


Elle est l'une des grandes architectes françaises de son temps. À 59 ans, Anne Démians se voit élue à la section d'architecture de l'Académie des beaux-arts. C'est la première fois qu'une femme accède à une telle distinction. Elle sera installée le 18 janvier 2023 par le photographe franco-brésilien Sebastião Salgado, membre de la section de photographie de l'Académie. C'est durant cette séance, sous la coupole du palais de l'Institut de France, que Marie-Christine Labourdette, présidente du château de Fontainebleau, remettra à Anne Démians son épée d'académicienne.

 

Diplômée de l'École nationale supérieure d'architecture de Versailles, Anne Démians a créé son agence en 1995, qui compte aujourd'hui une trentaine de collaborateurs. Au cours de sa carrière, elle n'a eu de cesse de se réinventer, de questionner sa pratique et d'intervenir sur une grande variété de projets architecturaux. À Vilnius (Lituanie), elle imagine des panneaux photovoltaïques verticaux sur le toit de la gare. À Nancy, la restauration des thermes redynamise la ville. En cette journée de janvier, à l'heure où la lumière s'infiltre doucement à travers les baies vitrées pour illuminer les maquettes et livres de l'architecte, Anne Démians nous reçoit dans son cabinet du Xe arrondissement de Paris.

 

Avec ces entretiens "Grands Témoins", Batiactu vous invite à mieux connaître des personnalités aux horizons divers, mais qui contribuent aujourd'hui, par leurs visions, leurs réflexions et leurs actions, à expliquer, anticiper, façonner, faire exister notre cadre de vie et donc, la société dans laquelle nous voulons vivre.

ACTUALITÉS MARQUANTES

Batiactu : Vous êtes la première femme architecte à siéger dans la section architecture de l'Académie des beaux-arts à l'Institut de France. Que ressentez-vous ?

 

Anne Démians : Il est vrai qu'être la première femme à entrer à l'Institut, section architecture de l'Académie des beaux-arts, reste impressionnant. Mais, je tiens à préciser que, pour moi, ce ne fut jamais un plan de carrière, prenant plutôt l'opportunité qu'on me donnait de saisir comme une page nouvelle et fortifiante de mon engagement dans cette discipline. J'espère, en tout cas, que ce petit événement pourra nous détacher de l'idée que des différences s'installent entre les hommes et les femmes quand il s'agit d'accéder à des titres ou à des fonctions honorables. J'espère également qu'il pourra aider les femmes à se mettre moins de frein dans les diverses initiatives qu'elles se décideraient à prendre. Mon élection, car il s'agit bien d'une élection et pas d'une nomination, montre que rien n'empêche désormais une architecte de prétendre accéder à l'Académie des beaux-arts, sur un siège "d'immortel".

Quel message souhaitez-vous porter à l'Académie des Beaux-Arts ?

J'encourage ses membres à s'ouvrir, sans économie, aux autres disciplines, à sortir des limites de leur propre terrain de jeu et de leur expertise souvent trop enfermée sur elle-même. Je me suis toujours intéressée aux autres champs disciplinaires que le mien et mon travail d'architecte s'est souvent nourri de connaissances venant de l'extérieur. Mon grand-père était historien. Il m'a appris à regarder l'histoire comme un tamis à travers lequel passeraient quelques moments qui pourraient se reproduire une nouvelle fois. L'Académie se modernise et évolue en ce sens. On le doit surtout à son secrétaire perpétuel, Laurent Petitgirard, qui promeut depuis quelques années des moments d'échange fréquents entre les différentes académies des Beaux-Arts et des Sciences, par exemple. Les Sciences morales et politiques s'y mettent aussi et je m'en réjouis car, questions sociales, économiques ou environnementales, sujets scientifiques, esthétiques ou littéraires, ils favorisent, tous, quand ils se regardent, cet acte de transversalité que je juge nécessaire à l'enrichissement de la pensée nouvelle traduite par notre académie.

 

Rien n'empêche désormais une architecte de prétendre accéder à l'Académie des beaux-arts, sur un siège "d'immortel".

Y a-t-il d'autres idées que vous souhaitez porter au sein de l'Académie ?

J'ai eu l'occasion de rencontrer dernièrement des mathématiciens et des scientifiques sur la question de l'environnement, de l'intelligence artificielle et des rapports nouveaux mais possibles entre architecture, énergie et territoires.
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