ÉCONOMIE. Le secteur de la construction compterait en région parisienne un nombre croissant de très petites entreprises (TPE), d'après la Chambre de commerce et d'industrie d'Île-de-France. Près de trois sociétés sur quatre n'auraient d'ailleurs aucun salarié. Portée par le Grand Paris, la filière a néanmoins été durement frappée par la crise du Covid et son avenir reste précaire.

Le bâtiment et les travaux publics sont sur une dynamique assez favorable en Île-de-France, mais pour combien de temps ? Le secteur de la construction représente plus de 400.000 emplois en région parisienne - plus exactement 327.020 salariés (6,7% du total régional) et 105.590 indépendants -, qui se répartissent entre d'une part de très nombreuses TPE (très petites entreprises), et d'autre part quelques grands groupes. Les petites structures jouent donc un rôle crucial dans le tissu économique local puisque la moitié des emplois du BTP francilien se concentre en leur sein, nous apprend une étude de l'Observatoire économique régional de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) Paris Île-de-France.

 

 

Boom des micro-entreprises

 

Depuis une dizaine d'années, la filière a en outre profité d'une excellente dynamique sur Paris et sa région, voyant son nombre de salariés bondir de 19,7%, soit 54.000 postes supplémentaires. Alors que, sur la même période, elle en perdait 6,1% en province. Mais les créations d'emplois dans la région capitale s'observent principalement dans les TPE, c'est-à-dire les établissements de moins de 20 salariés, avec entre 2009 et 2019 une forte hausse de 25,6%, soit 32.590 postes créés. L'autre phénomène notable est celui de l'envolée stratosphérique du nombre de sociétés n'employant aucun salarié : +141%, à comparer au +7% du nombre de sociétés employant des collaborateurs.

 

"Depuis la création de l'auto-entrepreneur en 2009, 165.000 entreprises ont été créées dans la construction en Île-de-France ; un tiers de ces entreprises sont des auto- (puis micro-) entrepreneurs", commente la CCI Paris. "En comparaison, la progression des effectifs des autres catégories d'entreprises apparaît beaucoup plus limitée : les PME (entre 20 et 249 salariés) ont enregistré une hausse de 17.200 emplois salariés et les entreprises de 250 salariés et plus ont vu leurs effectifs croître de 4.060 salariés seulement sur la même période", poursuit-elle. Au bout du compte, le BTP francilien compte 141.780 structures, dont 71,8% n'emploient aucun salarié. Et si la croissance fulgurante des micro-entreprises explique donc pour partie ce résultat, il faut aussi y ajouter le tissu économique en lui-même, avec une filière qui était déjà majoritairement constituée de TPE avant même que ne soit créé le régime de l'auto-entrepreneur.

 

"Des TPE spécialisées dans un corps de métier qui oeuvrent souvent comme sous-traitantes pour des groupes plus importants"

 

L'étude s'est également intéressée à la répartition des établissements et des emplois dans les trois segments d'activité de la construction tels que définis par l'Insee (Institut national de la statistique et des études économiques). On apprend ainsi que les travaux dits "de construction spécialisés" (démolition, préparation de sites, installations électriques et de plomberie, travaux de finition...) regroupent en région parisienne 79,7% des entreprises et 70,3% des emplois. Très loin derrière se trouve la "construction de bâtiments" (promotion immobilière, construction de bâtiments résidentiels et non-résidentiels...), où évoluent 19,4% des établissements et 17,2% des salariés. Enfin, le "génie civil" (construction de routes, voies ferrées, réseaux, lignes électriques et de télécommunications, ouvrages maritimes et fluviaux...) représente seulement 0,9% des entreprises mais malgré tout 12,5% des emplois.

 

Cette répartition s'explique par le fait que les TPE-PME sont sur-représentés dans les "travaux de construction spécialisés" : on en trouve 79,5% contre 40,4% pour les ETI (entreprises de taille intermédiaire) et grands groupes. À l'inverse, les TPE-PME sont rares (moins de 1%) dans le tissu économique du "génie civil" alors que les sociétés de plus de 250 salariés s'octroient une part de 29,2%. "Toutes activités confondues, la construction en Île-de-France s'organise autour de grands groupes et d'un tissu de petites, voire très petites entreprises, spécialisées dans un corps de métier qui oeuvrent souvent comme sous-traitantes pour des groupes plus importants", résume l'étude.

 

La Seine-Saint-Denis fait la course en tête en nombres d'entreprises et de salariés, les Hauts-de-Seine ont le nombre moyen de salariés par établissement le plus élevé

 

En analysant la répartition géographique des entreprises et des salariés de la construction dans la région capitale, on s'aperçoit par ailleurs que Paris en compte finalement peu : toutes activités confondues, 16% des établissements et 11,2% des emplois sont localisés dans la Ville lumière. "En effet, alors que pour l'ensemble de l'économie francilienne, le poids de Paris est très largement supérieur à celui des autres départements franciliens, fait rare, la répartition des activités de construction est très homogène parmi les 8 départements franciliens", souligne la CCI Paris, avec la Seine-Saint-Denis qui fait la course en tête en totalisant quasiment 8.500 entreprises et 55.000 salariés du BTP de la région. C'est par contre dans le département des Hauts-de-Seine que le nombre moyen de salariés par établissement est bien supérieur à celui observé dans les autres départements : 19, contre 9 à Paris et 13 dans l'Essonne, par exemple. Environ un tiers des structures employant plus de 5.000 salariés sont effectivement implantées dans les Hauts-de-Seine.

 

Mais le tableau pourrait bien changer à cause de la crise sanitaire et économique. Depuis mars 2020, le Covid a durement frappé le BTP francilien, mettant instantanément et totalement à l'arrêt l'ensemble des chantiers pendant deux mois (mars et avril 2020). Et la reprise d'activité qui s'en est suivie s'est faite "en mode dégradé", d'autant que les chiffres de la construction de logements montrent, sur Paris comme à l'échelle nationale, une chute de l'activité : "[...] en nombre de mètres carrés de logements commencés, l'activité a baissé de 19,2% par rapport à 2019 et, pour les logements autorisés, la chute est de 27,3%, l'Île-de-France se trouve plus affectée que le reste du pays", illustre l'étude. Ajoutées à cela les élections municipales, les professionnels du bâtiment comme des travaux publics ont donc vu leur activité reculer, malgré des vastes projets comme le Grand Paris qui fournissent de l'activité sur plusieurs années.

 

"Le secteur de la construction représente une part non-négligeable de l'économie francilienne grâce à son poids en termes d'emplois mais aussi par son effet d'entraînement"

 

 

Et pourtant, 74% des chefs d'entreprises franciliens du BTP jugent leur activité satisfaisante voire très satisfaisante, selon un sondage réalisé début 2021 par la CCI Paris et la Direccte () Île-de-France. Le soutien de l'État à travers les dispositifs d'aide n'y est pas étranger : 49% d'entre eux considèrent l'activité partielle comme un mécanisme essentiel, 41% pour les Prêts garantis par l'État (PGE) et 34% pour les reports et exonérations de charges. Il n'empêche que de lourdes incertitudes continuent à peser sur l'année 2021 : "Si le niveau d'activité actuel est jugé correct, le risque existe qu'il ne soit qu'un trompe-l'oeil : en effet, les carnets de commandes ne sont pas remplis pour le second semestre", prévient la CCI, qui ajoute : "Les problèmes de disponibilité des matériaux de construction et d'augmentation de leur prix inquiètent les professionnels, soucieux également d'un éventuel surcoût que pourraient induire de nouvelles normes environnementales", une très probable référence à la fameuse RE2020.

 

"Le secteur de la construction représente une part non-négligeable de l'économie francilienne grâce à son poids en termes d'emplois mais aussi par son effet d'entraînement sur le reste de l'économie régionale [...]", conclut l'étude. Si les chantiers peuvent certes se tenir sans difficulté depuis le déconfinement de mai 2020, les professionnels de la construction "souhaitent que le Plan de relance se traduise par des mesures concrètes après les annonces de ces derniers mois", citant, entre autres, "l'accélération de l'instruction des autorisations d'urbanisme" ou encore "le lancement des marchés de commandes publiques".

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