TRÉSORERIE. Dans une étude, le Trésor public se penche sur l'impact de la crise du Covid sur la situation financière des entreprises françaises. Avec une chute plus ou moins importante de leur chiffre d'affaires et un endettement accru, celles-ci sont évidemment de plus en plus nombreuses à se retrouver illiquides ou insolvables. Également touchée, la construction parvient néanmoins à limiter la casse.

Quel a été l'impact de la pandémie de Covid et de la crise économique qui s'en est suivie sur la situation financière des entreprises françaises ? Voilà la question à laquelle la Direction générale du Trésor (rattachée au ministère de l'Économie) tente de répondre dans une étude parue en ce mois d'avril 2021. D'une manière générale, l'écrasante majorité des secteurs d'activité ont été frappés de plein fouet par cet évènement mondial, qui a fait chuter plus ou moins brutalement le chiffre d'affaires de nombreuse entreprises, les obligeant du même coup à réduire leurs charges et à emprunter davantage pour pouvoir honorer leurs échéances. En parallèle, une batterie d'aides a été mise en place par Bercy pour leur apporter une bouffée d'oxygène - au risque de les placer sous perfusion en attendant, un jour, de les débrancher…

 

 

Des aides sans doute salutaires… pour le moment

 

En se basant sur "un modèle de micro-simulation" qui "permet d'étudier l'évolution de la situation financière de près de 2 millions d'entreprises françaises en réponse au choc d'activité", le Trésor public a intégré dans son étude des données diverses observées en 2020, comme l'évolution du chiffre d'affaires et de la masse salariale ou le recours aux dispositifs de soutien (activité partielle, Fonds de solidarité et reports de cotisations sociales). On notera cependant que les Prêts garantis par l'État, présentés par certaines organisations professionnelles comme une bombe à retardement pour les finances des entreprises, n'ont pas été pris en compte dans cette analyse.

 

Le dit-modèle fournit ainsi une estimation du nombre d'entreprises devenues illiquides, c'est-à-dire dont la trésorerie a été épuisée en l'absence de nouvel endettement, ou devenues insolvables, autrement dit celles dont le mondant de dettes s'avère supérieur au montant des actifs, mais qui pour autant ne font pas automatiquement faillite. Il en ressort que la part d'entreprises illiquides, tous secteurs confondus, a augmenté de 8,4 points de pourcentage sur l'exercice 2020 par rapport à une année standard, atteignant 24% (contre 16% sans crise et 36% avec crise mais sans soutien de l'État), pendant que la proportion d'entreprises insolvables a quant à elle progressé de 3 points de pourcentage. Aux dires de Bercy, la situation aurait été encore plus catastrophique sans les aides : "Les résultats montrent l'efficacité du soutien public pour réduire l'impact de la crise : sans ce soutien, la hausse du nombre d'entreprises devenant insolvables (par rapport à une année sans crise) aurait été de 8,3 points", indique l'étude. L'insolvabilité concerne cependant bien plus de PME et d'ETI que de micro-entreprises et de grands groupes.

 

La construction bien moins impactée que l'hôtellerie-restauration

 

Qui plus est, tous les secteurs ne subissent pas les mêmes conséquences. Sans les dispositifs d'aide, l'Administration considère que la crise aurait entraîné une relative augmentation du nombre d'entreprises insolvables dans le bâtiment et les travaux publics, de l'ordre de 0,11% des entreprises du BTP initialement solvables. Grâce au soutien de Bercy, ce taux oscillerait actuellement entre 0,06% et 0,07% (contre 0,04% si la pandémie ne s'était pas déclenchée). Des chiffres largement inférieurs à ceux de l'hôtellerie-restauration par exemple…

 

Pour autant, les sociétés en situation d'insolvabilité à la suite du Covid affichent en moyenne une productivité plus élevée que celles qui deviennent insolvables "en temps normal". Ce qui fait dire au Trésor public que les mesures de soutien n'auraient pas "discriminé" les entreprises en fonction de leur productivité - comprendre qu'elles se sont appliquées en priorité aux secteurs les plus en difficulté. Le discours de Bercy est toutefois plus alarmant au sujet de l'après-crise : la trésorerie des entreprises au moment de la reprise ne leur permettra très certainement pas de mener tous les investissements qu'elles auraient souhaité.

 

 

Répercussions sur l'investissement et la R&D

 

Ainsi, l'endettement supplémentaire engendré par la pandémie - estimé à 76 milliards d'euros avec les aides, contre 96 milliards sans - pourrait diminuer d'environ 2% le niveau d'investissement à moyen terme (soit 4 milliards d'euros), ce qui, pour le ministère, "justifie des mesures spécifiques, comme celles qui ont été prises dans le cadre du Plan de relance" (prêts participatifs, obligations…). Mais l'endettement varie aussi selon les tailles d'entreprises : alors que les TPE-PME ont bénéficié d'un soutien présenté comme "déterminant", les grands groupes, eux, ont beaucoup plus emprunté. Quant aux dépenses de Recherche & Développement, qui sont d'habitude moins dépendantes des cycles et aléas économiques, elles se montreraient plus "résilientes". À voir ce qui adviendra réellement lors de la reprise...

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