ÉCONOMIE. La Fédération française du bâtiment (FFB), par la voix de son président Jacques Chanut, appelle l'Etat à trouver des solutions adéquates pour partager les surcoûts des reprises de chantiers, sans quoi les comptes des entreprises du secteur seront définitivement plombés. Mettre en place davantage d'incitations fiscales est une autre proposition qui revient une nouvelle fois sur la table.

La menace majeure guettant les entreprises du bâtiment résiderait bel et bien dans les surcoûts, ces dépenses supplémentaires incontournables que les professionnels du secteur doivent honorer pour respecter les mesures de sécurité sanitaire dans un contexte de lente reprise économique après l'épisode du confinement sanitaire. C'est l'un des sujets abordés par le président de la Fédération française du bâtiment (FFB), Jacques Chanut, au micro de LCI ce 18 mai : le patron de la construction a déclaré que la relance de l'économie "se fera au niveau européen ou ne se fera pas", en y intégrant notamment les investissements en faveur de l'environnement, quelques heures d'ailleurs avant qu'Emmanuel Macron et son homologue allemande Angela Merkel n'annoncent la mise en place d'un fonds européen de solidarité doté de 500 milliards d'euros.

 

 

Le président de la FFB qui a en outre salué la batterie de mesures budgétaires lancée par le Gouvernement dès le début du confinement pour soutenir le tissu économique français, même si selon lui les entreprises n'ont pas toujours le réflexe de les saisir : "On a des tensions sur la prise en compte du chômage partiel avec le ministère du Travail, mais les discussions avec Bercy étaient (pour une fois si j'ose dire) assez fluides concernant le Prêt garanti par l'Etat qui fonctionne bien, qui d'ailleurs n'est pas utilisé à mon avis assez par beaucoup de nos entreprises les plus petites du secteur", a-t-il observé. Et d'alerter, à l'image d'un nombre croissant d'acteurs économiques, sur le principe-même de ces PGE, qui devront un jour ou l'autre être remboursés par leurs bénéficiaires : pour ce faire, les chefs d'entreprises du bâtiment devront non seulement retrouver de l'activité mais également un certain niveau de rentabilité, les spécialistes considérant que le cash sera la seule manière de sauver les trésoreries.

 

Une clause d'imprévisibilité dans les contrats ou une baisse du taux de TVA du secteur ?

 

Pour financer la relance, Jacques Chanut prévient par ailleurs que la fiscalité ne devra pas être augmentée mais au contraire dotée d'incitations pour concilier marché de la construction, politique du logement et aménagement du territoire, le tout avec cohérence : "(..) il faudrait profiter de cette période pour revoir une fiscalité moindre sur l'immobilier, permettant de venir compenser des surcoûts de la construction liés à la crise sanitaire, qui permettrait de relancer le marché, de maintenir et de relancer le marché, de faire avec parcimonie - sans doute différemment lorsqu'on est dans une grande ville sur du neuf que sur de la rénovation dans une petite ville (...)", a-t-il expliqué. Ayant lui-même constaté une reprise de ses chantiers à hauteur de 80-90%, le président de la FFB prévient toutefois que le chiffre d'affaires ne permettra pas, d'une manière générale, de compenser les surcoûts : "Les chiffres sont têtus, voilà : le résultat moyen d'une entreprise de bâtiment, c'est 1 à 2% de résultat net. Le surcoût actuel sur nos chantiers, c'est entre 8 et 15%."

 

Pour y remédier, le secteur a proposé d'intégrer "une clause d'imprévisibilité avec une indexation automatique sur les chantiers en cours", déjà mise en place dans les années 1970 pour lutter contre le choc pétrolier, mais qui visiblement "n'a pas l'air d'avoir la faveur de la direction juridique de Bercy". Une autre piste de réflexion consisterait à ramener temporairement le taux de TVA du secteur de 10% à 5,5 voire 5%, notamment pour la rénovation, ce qui assurerait aux artisans de "maintenir un prix TTC prévu, normal, mais tout en bénéficiant évidemment de cet écart de TVA pour compenser en partie les surcoûts liés au Covid-19".

 

"Ce que je crains, c'est que si on n'a pas une mesure très rapide pour un partage de ce surcoût, un partage entre les différents acteurs, notre reprise ne sera pas durable : on va avoir des dépôts de bilan aux mois de septembre, octobre et décembre. [...] Je crois qu'on est dans une période exceptionnelle, on est dans une période particulière ; l'Etat a su montrer son efficacité [...] sur la partie trésorerie ; il faut maintenant qu'on s'attaque sur la partie compte d'exploitation. Je pense que ça va être une année catastrophique en termes de résultats ; vous ne perdez pas 20 à 25% de chiffre d'affaires et sur ce qui reste, des surcoûts de l'ordre de 10 ou 15%, vous ne vous en sortez pas indemnes."

 

 

Appel à la responsabilité sur les délais de paiements

 

Malgré tout, Jacques Chanut ne s'avoue pas particulièrement inquiet sur l'évolution du marché à moyen terme : "(...) les prix vont d'ailleurs augmenter dans la construction, il faut le dire, mais le marché va se rééquilibrer, il n'y aura plus besoin d'aides d'Etat (...)". En attendant, le président de la FFB en appelle à la solidarité de tous les acteurs de la construction, du promoteur à l'aménageur, et demande à l'exécutif d'amorcer une politique plus volontariste en matière de rénovation énergétique, en mobilisant l'épargne des Français pour relancer la machine économique et atteindre les objectifs de développement durable. Dans l'attente d'un projet de loi de Finances rectificative, la filière réitère donc son souhait d'instituer "un système de crédit d'impôt pour les travaux de rénovation thermique". Quant à l'épineuse question des délais de paiements, Jacques Chanut espère que toutes les entreprises qui sont en capacité de les honorer le fassent, affirmant que "c'est une recommandation que nous donnons et il faut absolument qu'elle soit tenue, parce que je crois que si en plus, le système de règlement se grippe dans notre secteur, c'est la catastrophe".

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