HABITAT INDIGNE. A Marseille, où deux immeubles se sont effondrés il y a deux ans, beaucoup reste à faire dans la lutte contre l'habitat indigne, même si plusieurs dispositifs sont en place. La Société publique locale d'aménagement d'intérêt national (SPLA-IN) devrait être enfin opérationnelle dans les prochaines semaines.

La Métropole Aix-Marseille-Provence n'entend pas laisser à la nouvelle maire de Marseille le sujet de la lutte contre le logement insalubre. A la date anniversaire de l'effondrement des deux immeubles de la rue d'Aubagne, qui a fait huit morts, le 5 novembre 2018, l'institution créée en 2016, en charge, pour partie, des politiques de l'habitat, a organisé une conférence de presse pour présenter les actions mises en œuvre dans la lutte contre l'habitat insalubre, mis en lumière par le drame.

 

La Métropole, dirigée par Martine Vassal, candidate malheureuse à la mairie de Marseille, est, pour rappel, restée à droite, de même que le Territoire Marseille Provence (l'ancienne intercommunalité de Marseille). La mairie, elle, a été remportée par le Printemps marseillais, rassemblement des forces de gauche et écologistes mené par Michèle Rubirola. Cette dernière fustige à la fois l'inaction de la majorité précédente, qui dirigeait auparavant tous les échelons locaux, sur la question du logement indigne, et l'absence de pouvoirs dont elle dispose sur cette question en tant que maire.

 

 


Une "Stratégie de lutte contre l'habitat indigne" venue de la Métropole

 

En effet, si beaucoup d'acteurs locaux s'accordent à dire que l'ancien maire, Jean-Claude Gaudin, n'avait pas mis cette politique en haut de ses priorités, la Métropole veut montrer qu'elle a agi dès le drame, et en y mettant des moyens. En décembre 2018, elle a mis en place une "stratégie de lutte contre l'habitat indigne". Celle-ci comprend, ou plutôt recense, les politiques menées, qu'a égrenées Lionel Royer-Perreaut, vice-président (LR) du Territoire Marseille-Provence à l'habitat, maire des 9e et 10e arrondissements de Marseille, et par ailleurs vice-président du département des Bouches-du-Rhône et président de 13 Habitat, le bailleur social départemental.

 

Ainsi, Par exemple, un programme de renouvellement urbain a été signé avec l'Anru, "le premier qui concernait un centre-ville", rappelle l'élu. 500 nouveaux logements ont été lancés dans l'hypercentre, plusieurs concessions d'aménagement ont été confiées, notamment à la Soleam, aménageur public local, dans le cadre de l'opération Grand centre-ville.

 

La difficulté : les propriétaires privés

 

13 Habitat a par ailleurs racheté 16 immeubles délabrés qui appartenaient à la ville (550.000 €), pour y créer des logements sociaux après de lourds travaux. 12 doivent faire l'objet d'un marché de conception-réalisation en un lot, "ce qui permet des économies d'échelle mais prend un peu plus de temps", explique le président du bailleur social. Les quatre immeubles restants seront réalisés dans un cadre plus classique : les architectes ont été désignés, assure-t-il, et les permis pourront prochainement être déposés. Cette opération représente 12M€ de dépenses publiques, pour créer 70 logements, "qu'il va falloir équilibrer en trouvant des montages".

 

Si ces transactions ont pu avoir lieu entre entités publiques, le travail auprès des propriétaires privés s'avère bien plus fastidieux, comme toujours dans ces configurations. Or, le but est précisément "que le privé intervienne, pas de créer un parc public", explique Frédéric Guinieri, vice-président de la Métropole chargé du logement. Une Opération programmée d'amélioration de l'habitat (Opah) "avec un régime très favorable puisque l'Anah et la Métropole financent études et travaux quasiment à 100%", a été lancée. Huit dossiers ont été engagés en 2019 (2,6 millions d'euros de travaux, dont 2,2 M€ de subventions Anah et 180.000 du Territoire Marseille Provence). En 2020, neuf nouveaux dossiers ont été ouverts avec approximativement les mêmes montants de travaux. D'ici la fin de l'année, la Métropole envisage "le financement 19 à 20 immeubles supplémentaires".

 

 


Un seul dossier d'expropriation en cours

 

Parallèlement à ce dispositif incitatif, un outil plus coercitif, l'Ori (opération de restauration immobilière) a été déployé. Celui-ci permet à la collectivité de procéder à l'expropriation si les travaux demandés ne sont pas effectués. Sur 96 dossiers, explique Lionel Royer-Perreaut, 34 ont été transmis en préfecture, dont huit ont généré une enquête et, à ce jour, un seul dossier d'expropriation est ouvert. C'est "le temps préfectoral", déplore le maire d'arrondissement. Des acquisitions à l'amiable, via les aménageurs concessionnaires, sont par ailleurs en cours.

 

La SPLA-IN bientôt enfin opérationnelle ?

 

Enfin, un Projet partenarial d'aménagement (PPA), outil de contractualisation né de la loi Elan de 2018, a été signé. La Société publique locale d'aménagement d'intérêt national (SPLA-IN), qui gèrera le PPA, a été créée en décembre 2019. Un conseil d'administration doit se réunir "très prochainement" pour désigner un directeur général. La SPLA-IN (59% Métropole, 35% Etat, 6% Ville de Marseille) aura des missions d'aménagement, mais aussi foncières et de construction.

 

"Le but est de rassembler plusieurs opérateurs : Caisse des dépôts, Etablissement public d'aménagement Euroméditerranée, Etablissement public foncier Paca, Anah, Anru, en plus des collectivités et de l'Etat", précise Frédéric Guinieri. Le PPA, intitulé "Marseille horizons", s'étend sur 1.000 hectares, avec quatre quartiers désignés comme prioritaires, dont deux ilots à Noailles et un ilot à la Belle de mai. "En concentrant nos actions sur ces ilots nous espérons que le savoir-faire acquis pourra diffuser sur le reste du périmètre", explique le vice-président de la Métropole. Un plan d'affaires de 150 millions d'euros a été voté.

 

Michèle Rubirola aurait critiqué la SPLA-IN comme étant "une coquille vide". "Les services de la Ville et de la Métropole travaillent bien ensemble", rétorque Lionel Royer-Perreaut. "L'ensemble des acteurs sont des acteurs nouveaux, à la ville mais aussi métropole. Cela montre une volonté des deux côtés : impulser une politique nouvelle. La SPLA permettra ce travail partenarial", assure-t-il. Les prochains mois seront décisifs.

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