PATRIMOINE. Le mois d'avril 2021 sera marqué par le triste "anniversaire" de l'incendie qui a ravagé une partie de la cathédrale Notre-Dame de Paris : il y a deux ans, les flammes emportaient de nombreux et précieux éléments structurels de l'un des symboles de la capitale et de l'histoire de France. Retour sur les travaux qui ont été accomplis depuis, et sur ce qui reste encore à faire.

Le 15 avril 2019, un incendie ravageait une partie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, suscitant stupéfaction et tristesse chez les Parisiens habitués à apercevoir cet édifice symbolique dans leur paysage, et transformés le temps d'une soirée en spectateurs atterrés et impuissants face à une déflagration qui a fait s'effondrer la fameuse flèche de Viollet-le-Duc et obscurci le ciel de la capitale. Dans la foulée du drame, Emmanuel Macron prenait l'engagement - jugé très audacieux par certains - de reconstruire ce lieu de culte et de tourisme pour les Jeux olympiques de 2024, et créait à cet effet l'Établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, dirigé par le général d'armée Jean-Louis Georgelin. Alors que la date "anniversaire" de ce malheureux évènement approche, où en est le projet deux ans après le début des travaux ?

 

 

"Le chantier a bien avancé malgré les triples contraintes auxquelles il est soumis : le plomb, la crise sanitaire et l'arrêté de péril", résume l'Établissement public dans un communiqué spécial sur l'avancement des travaux. Avant de détailler : "La phase de sécurisation, commencée au lendemain de l'incendie, est désormais en voie d'achèvement et des opérations importantes ont été réalisées depuis deux ans : la dépose de l'échafaudage sinistré (de juin à novembre 2020), qui entourait la flèche au moment de l'incendie, dont il a patiemment fallu scier un à un les 40.000 tubes de métal qui avaient fondu ; la dépose et l'évacuation du grand orgue (d'août à décembre 2020), dont il fallut déposer les 8.000 tuyaux répartis en 115 jeux ; le chantier-test mené sur deux chapelles - Saint Ferdinand et Notre-Dame de Guadalupe (de septembre 2020 à janvier 2021) pour définir un protocole de nettoyage et de restauration qui sera généralisé à l'ensemble des 24 chapelles que compte la cathédrale ; l'évacuation des vestiges, le nettoyage et l'aspiration de l'ensemble des voûtes du chœur, de la nef et de la croisée des quatre voûtes adjacentes du transept."

 

La sécurisation du site sera terminée cet été

 

Tout n'est cependant pas encore achevé, puisque la sécurisation des voûtes est toujours en cours : pour cette opération importante, les équipes installent des échafaudages à l'intérieur-même de l'édifice ainsi que des cintres en bois en-dessous des voûtes, afin de consolider ces dernières. De plus, un parapluie doit encore être posé au niveau de la croisée du transept pour garantir la mise hors d'eau du bâtiment. Des travaux complémentaires qui devraient se terminer cet été, pour un budget total de 165 millions d'euros dédié à la sécurisation du site. Parallèlement, il ne faut pas oublier tout le travail de protection et de mise à l'abri des oeuvres conservées au sein de la cathédrale : reliques, éléments du Trésor, tableaux et autres statues ont ainsi été déplacées dans des lieux sûrs.

 

Bien que le chantier de restauration à proprement parler n'a pas encore commencé, deux opérations présentées comme "majeures", et indispensables à la conduite de la reconstruction, ont d'ores-et-déjà été réalisées : le protocole de nettoyage et de remise en état expérimenté sur les chapelles Saint Ferdinand et Notre-Dame de Guadalupe "a donné des résultats très satisfaisants", ce qui doit ouvrir la porte à la généralisation de ce dispositif aux 22 autres chapelles de l'édifice. La sélection et la récolte des 1.000 chênes nécessaires à la reconstruction représente l'autre actualité symbolique : comme Batiactu l'avait déjà expliqué, les arbres serviront à rebâtir la flèche, le transept et les travées adjacentes. La totalité des chênes a d'ailleurs été offert, la moitié d'entre eux provenant de forêts publiques, l'autre moitié de massifs privés. Les études préalables à la phase de restauration sont en outre "bien avancés".

 

Pas de remise en cause de l'objectif fixé par Emmanuel Macron

 

La reconstruction en tant que telle devrait donc débuter à l'hiver 2021 et se finir durant l'année 2024. "La décision de restituer l'architecture extérieure à l'identique, flèche et couverture du grand comble, dont les grands principes ont été approuvés par le président de la République, a été prise le 9 juillet 2020, suite à un avis unanime de la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture (CNPA)", rappelle l'Établissement public, qui ajoute que ce choix a été ensuite "unanimement partagé par le conseil scientifique de [la structure], réuni le 23 juin 2020". Une information sur laquelle Batiactu a eu l'occasion de revenir, de même que pour l'avis favorable donné par la CNPA sur "un dessin proche de celui de la charpente disparue", un projet qui "[donnerait] à voir les qualités formelles de la charpente médiévale et sa profondeur historique, laquelle témoigne de l'émergence de l'art du trait de charpente, classé au patrimoine mondial de l'Humanité". Attention toutefois, l'idée n'est pas de reconstituer à l'identique l'ouvrage qui a été dévoré par les flammes mais de rester fidèle à la conception médiévale tout en intégrant "les seules réparations pertinentes au plan structurel ou patrimonial".

 

D'une manière générale, les architectes et compagnons s'affairant sur le site se dirigent donc vers une reconstruction de Notre-Dame "dans son dernier état 'complet, cohérent et connu', comme le préconise la charte de Venise quand cet état est parfaitement documenté et que sa restitution est réalisable", souligne l'Établissement public. Pour l'heure, certains appels d'offres de travaux ont déjà été lancés, et les équipes sont en train d'examiner les études de diagnostic réalisées par l'architecte en chef des monuments historiques Philippe Villeneuve et ses collègues. Une validation qui permettra ensuite de mettre au point le programme d'ordonnancement des travaux, le calendrier ainsi que le budget. Et il semblerait que le timing fixé par Emmanuel Macron reste tout à fait jouable : "Le calendrier précis des travaux permet de tenir l'objectif de rendre la cathédrale au culte en 2024", réaffirme au passage la structure dirigée par le général Georgelin.

 

 

833 millions d'euros de dons

 

Côté finances, cette dernière parle par ailleurs d'un élan de générosité "sans précédent dans l'histoire de la philanthropie française", avec quelque 340.000 donateurs issus de 150 pays, qui se sont engagés au total sur 833 millions d'euros de dons. Enfin, pour ne pas oublier toutes celles et ceux qui sont à pied d'oeuvre chaque jour pour rebâtir ce symbole de l'histoire de France, des actions de communication valorisant les métiers et savoir-faire des compagnons ont été initiées. Au-delà des Journées européennes du patrimoine, les Journées européennes des métiers d'art ont été l'occasion de proposer une visite exclusive du chantier ainsi qu'une série de vidéos focalisées sur ces compétences particulières, en complément des expositions affichées sur les palissades du chantier. Charpentiers, cordistes, échafaudeurs, grutiers, maîtres-verriers, tailleurs de pierre, maçons, mais aussi archéologues, chercheurs et conducteurs de travaux sont ainsi mis en lumière pour leur travail rigoureux et précieux.

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