PRÉSIDENTIELLE 2022. Le prochain quinquennat doit répondre à trois priorités pour le secteur du bâtiment : l'équité entre les différentes tailles d'entreprises, la stabilité des mesures fiscales et sociales, et la simplification administrative, affirme la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment. Marchés publics, inflation, transition numérique, RE2020, Ma prime rénov', RGE, REP, apprentissage, micro-entrepreneurs... En vue de l'échéance électorale d'avril, l'organisation formule ses propositions à destination des candidats.

C'est devenu un exercice quasi-rituel auquel aucune organisation professionnelle ne veut se soustraire, et pour cause : à l'approche de l'élection présidentielle d'avril prochain, la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) formule ses propositions à destination des candidats à la magistrature suprême, dans le but de mettre en avant les enjeux actuels et futurs du secteur tout en faisant valoir les intérêts des professionnels. Le livre blanc rédigé pour l'occasion par l'organisation membre de l'U2P (Union des entreprises de proximité) liste ainsi une série de mesures structurées autour de trois priorités : l'équité entre toutes les tailles d'entreprises, la stabilité des mesures fiscales et sociales, et la simplification administrative.

 

 

Un taux réduit de TVA à 5,5% pour l'ensemble des travaux de rénovation

 

Vaste programme, mais qui se décompose en une importante salve de mesures concrètes. Sur le plan économique, la Capeb demande tout d'abord que les très petites entreprises (TPE) bénéficient d'un accès direct et équitable aux marchés publics, qui se traduirait par une garantie systématique de la règle de l'allotissement, l'abaissement du coût de candidature et de gestion des marchés publics, le maintien du seuil des marchés publics de travaux sans formalités à 100.000 € hors taxes et la limitation de la sous-traitance à un rang.

 

L'organisation patronale souhaite de plus un taux réduit de TVA (taxe sur la valeur ajoutée) à 5,5% pour l'ensemble des travaux de rénovation, incluant l'enlèvement des déchets de chantiers, ainsi que l'intégration des critères des entreprises allant jusqu'à 10 salariés d'une part, et jusqu'à 20 salariés d'autre part, dans les publications statistiques.

 

Un "bouclier tarifaire du coût de l'énergie"

 

Dans un contexte de pénuries et d'inflation des matériaux, elle souhaite aussi le maintien du comité de crise et de la médiation de filière spécialement mis en place par Bercy pour le secteur du bâtiment, le temps que les choses reviennent à la normale. Mais l'artisanat ne s'arrête pas là : il préconise l'instauration d'un "mécanisme de bouclier tarifaire du coût de l'énergie aux niveaux européen et français" ainsi que le "réajustement automatique du niveau des aides à la rénovation énergétique, notamment pour les ménages les plus précaires".

 

La promotion des labels Handibat et Silverbat, dédiés à l'accessibilité des logements et au maintien à domicile des aînés, ainsi que l'intégration de la thématique du vieillissement dans la politique locale de la ville constituent deux autres propositions.

 

À l'heure de la transition numérique, la Capeb souhaite par ailleurs que les plateformes Internet s'adaptent aux TPE en offrant un accès "rapide et simple", et que le principe "Dites-le nous une fois" soit systématisé. Explication : d'après l'organisation, ce principe consiste à "éviter de demander aux entreprises de produire à l'Administration à chaque fois des documents ou des informations qu'elles ont déjà produites". Dans le cadre du plan BIM 2022, le maintien d'un accompagnement des professionnels du bâtiment au déploiement de la maquette numérique est également préconisé.

 

Vigilance sur l'application de la RE2020

 

Dans son livre blanc, l'organisation patronale revient par ailleurs sur la Réglementation environnementale 2020, pour laquelle elle regrette que "les pouvoirs publics n'aient pas tenu compte du fait que plusieurs solutions énergétiques ainsi que tous les matériaux de construction pouvaient permettre d'atteindre des performances ambitieuses". Ce qui l'amène à demander à ces mêmes pouvoirs publics de prendre en compte les analyses de l'observatoire sur le suivi et l'application de la RE2020, censé être mis en place au 1er trimestre 2022. Pour aider les professionnels du bâtiment à se conformer au fur et à mesure à ce nouveau texte, il est aussi suggéré d'instituer une clause de revoyure.

 

Toujours dans le domaine de la transition écologique, la Capeb souhaite que les "accompagnateurs rénov'" voient leur mission limitée à "l'accompagnement des particuliers sans intervention de leur part pour le choix des travaux, le suivi de chantier, l'assistance à la réception des travaux...". Dans le même registre, l'artisanat plaide pour une réduction des délais de contrôle "qui retardent le paiement des aides pour les entreprises et les particuliers".

 

 

Simplifier "immédiatement" les CEE pour les mettre "en cohérence" avec le RGE

 

La qualification RGE (Reconnu garant de l'environnement), qui fait régulièrement l'objet de critiques, pourrait quant à elle être obtenue sur l'évaluation prioritaire de la qualité des travaux réalisés. Des référents et des contrôles "variant en fonction de l'activité, de la taille de l'entreprise et de son chiffre d'affaires" pourraient en parallèle être instaurés, en complément d'une réduction "au strict minimum" des formalités administratives et d'une organisation simplifiée des contrôles RGE, qui pourraient même s'articuler avec les contrôles CEE (Certificats d'économie d'énergie).

 

Favorable à la qualification "chantier par chantier" pour les entreprises non-titulaires du label RGE qui peuvent malgré tout faire bénéficier leurs clients des aides publiques à la rénovation énergétique, la Capeb aimerait que France Rénov' muscle sa communication sur le dispositif, et se penche même sur son éventuelle pérennisation. Intimement liée à ces sujets, la lutte contre la fraude pourrait pour sa part passer par un encadrement strict des acteurs intervenant sur ce type de chantiers, des contrôles qui ne se limiteraient pas aux seules entreprises labellisées RGE et des sanctions spécifiques envers les "éco-délinquants".

 

Dans la foulée, il pourrait être envisagé de simplifier "immédiatement" le système des CEE pour le mettre "en cohérence" avec le système RGE, tout en déployant des outils "adaptés" aux artisans pour faciliter leur compréhension des aides. Les CEE pourraient d'ailleurs financer des "accompagnateurs pros", chargés d'aider les TPE en manque d'effectifs dans le montage de leurs dossiers.

 

Plus d'incitations à la rénovation

 

Considérant que les chantiers "étapes par étapes" sont "souvent les seuls techniquement et financièrement envisageables" mais qu'ils ne doivent pas pour autant être "opposés" aux offres globales, la Capeb appelle à l'instauration de dispositifs plus incitatifs pour les particuliers, tant pour la rénovation énergétique que pour l'autoconsommation.

 

Si elle souhaite en outre voir les TPE du bâtiment instituer des démarches RSE (responsabilité sociétale des entreprises), l'organisation souligne cependant que le tout doit se faire "dans une logique collaborative" avec toutes les parties prenantes du secteur, au même titre que la réalisation d'études d'impacts qui permettraient d'éviter des décisions pénalisantes pour les artisans, à l'image de la limitation d'accès aux centres-villes pour les véhicules diesel.

 


Face à la mise en place de zones à faibles émissions (ZFE) dans les agglomérations de plus de 150.000 habitants, que propose l'artisanat du bâtiment ?

 

En instaurant ces ZFE, les collectivités pourraient de fait être amenées à limiter, voire interdire l'accès des véhicules des professionnels. Pour ne pas pénaliser leur activité, la Capeb plaide, entre autres, pour qu'un nombre suffisant de bornes de recharge (électriques comme à hydrogène) soit installé dans les métropoles, et que les pouvoirs publics incitent les constructeurs à proposer "rapidement" une offre de véhicules conformes à la nouvelle réglementation, tout en étant "économiquement viables et techniquement adaptés" aux besoins des artisans.

 

Dans le même registre, un sur-amortissement pourrait être mis en place pour acquérir des utilitaires légers électriques, hybrides ou au gaz, pendant que le calendrier de mise en place des mesures pourrait être adapté afin de laisser le temps aux professionnels de renouveler leurs flottes.

 


Une "veille" sur l'impact de la REP

 

S'agissant de l'économie circulaire, les acteurs du bâtiment se disent depuis longtemps très vigilants quant à l'application de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec) qui consacre la création d'une filière de responsabilité élargie du producteur (REP) de déchets pour les entreprises.

 

Sans surprise, la Capeb insiste donc une nouvelle fois sur plusieurs points : éviter de nouvelles contraintes "inapplicables", garantir sur l'ensemble du territoire un maillage des points de collecte de déchets basé sur "le réseau des négoces en matériaux et des déchetteries existantes", et assurer une "veille" sur l'impact de la REP sur les coûts des matériaux et des travaux. La même loi Agec prévoit en outre le renforcement du réemploi des matériaux de construction, sujet sur lequel il est demandé une étude associant toutes les parties prenantes "et notamment les assureurs", en amont de tout "projet réglementaire".

 


La délicate question de la représentativité patronale

 

La question de la représentativité patronale, qui a vu s'opposer les deux organisations du bâtiment - Fédération française du bâtiment (FFB) et Capeb -, est abordée dans le livre blanc de la seconde, avec plusieurs mesures à la clé.

 

Tout d'abord, "l'adoption d'une disposition législative permettant la prise en compte 'symétrique' du nombre d'entreprises au même titre que du nombre de salariés pour déterminer le droit d'opposition", ainsi qu'un "changement de process" de l'Administration au moment de la mesure de la représentativité "pour tout multiple compte d'une même entreprise dans la comptabilisation des entreprises adhérentes à une organisation professionnelle ou interprofessionnelle".

 

La confédération plaide aussi pour que le principal critère de calcul soit "prioritairement le nombre d'entreprises, à hauteur de 70% (contre 30% aujourd'hui), et secondairement le nombre de salariés des entreprises adhérentes, à hauteur de 30% (contre 70% aujourd'hui)". Elle est aussi favorable à un "système de double validation des accords", citant l'exemple du droit d'opposition symétrique, dans l'optique de "valider les dispositions visant les entreprises de moins de 50 salariés qui doivent figurer désormais dans tout accord de branche".

 

Enfin, la Capeb souhaite que les arrêtés de représentativité publiés par l'État "soient complets et exhaustifs en indiquant le nombre d'entreprises adhérentes de l'organisation professionnelle et le pourcentage correspondant, et pas uniquement les seuls chiffres relatifs au droit d'opposition".

 


Limiter à deux ans le régime de la micro-entreprise

 

Concernant le volet santé-sécurité, la Capeb milite pour un crédit d'impôt pour les travaux de désamiantage conditionné à l'intervention d'une entreprise certifiée amiante, cela pour éviter que l'entreprise confrontée à de l'amiante sur un chantier de rénovation ne dépense tout son financement initial pour des travaux de désamiantage et non d'amélioration. Plus généralement sur la réglementation européenne, l'organisation membre de l'U2P souhaite que les seuils d'exposition relatifs à l'amiante, à la silice ou encore aux poussières soient fixés "sur la base d'études scientifiques et après réalisation d'études d'impact", et que ces mêmes seuils soient compatibles "avec la mise en oeuvre, par les entreprises, de solutions techniques simples (...)".

 

Au vu des records historiques des chiffres de l'apprentissage enregistrés en 2020 puis en 2021, la Capeb veut logiquement continuer à sensibiliser les jeunes vers les métiers artisanaux tout en sécurisant les financements du système de l'apprentissage. Pour assurer la féminisation des métiers du bâtiment, un "plan d'actions co-construit avec le Gouvernement" est aussi proposé, particulièrement pour encourager les femmes à entreprendre, par exemple en réalisant une reprise d'entreprise.

 

Plus largement, le dispositif AFPR, pour Action de formation préalable au recrutement, devrait aux yeux de la Capeb être amplifié et simplifié, ce qui permettrait selon elle d'aider davantage d'entreprises à recruter des profils correspondant à leurs besoins. De même, la confédération rappelle que le régime de la micro-entreprise doit uniquement "servir de tremplin" pour créer une entreprise "pérenne et de droit commun", et demande donc à ce qu'il soit limité à 24 mois "en activité principale".

 

Méfiance envers les plateformes numériques

 

Dans la même veine, le prochain gouvernement est attendu au tournant sur la question de la régulation et du contrôle des plateformes numériques, accusées de "contribuer au développement d'activités dissimulées et à l'émergence de travailleurs exerçant sans qualifications professionnelles" et "échappant aux obligations fiscales et sociales". Consciente du problème, une commission sénatoriale avait d'ailleurs auditionné des acteurs du bâtiment il y a quelques mois au sujet de cette "uberisation" des métiers.

 

Dans la continuité de ces mesures, la Capeb refuse donc la création d'un "troisième statut" de travailleur, qui serait à mi-chemin entre celui d'indépendant et celui de salarié, en insistant sur le fait qu'un travailleur doit s'inscrire soit dans l'un, soit dans l'autre.

 


Quelles propositions pour la lutte contre la fraude au travail détaché ?

 

Alors que la France préside pour six mois le Conseil de l'Union européenne, la problématique de la fraude au travail détaché refait d'autant plus surface dans l'esprit des acteurs du BTP.

 

Sur ce point, la Capeb souhaite davantage de "moyens humains et financiers" pour les contrôles sur site, des contrôles qui devraient s'appliquer partout et à toute heure, quel que soit le chantier concerné.

 

"La suppression du détachement au travers de sociétés d'intérim étrangères", "le renforcement des sanctions applicables aux maîtres d'ouvrage ayant recours à des entreprises ne respectant pas les règles existantes" ainsi que "l'obligation pour les maîtres d'ouvrage, les maîtres d'oeuvre et les entreprises de vérifier que les travailleurs détachés intervenant pour leur compte aient suivi les formations obligatoires [...] et que ces derniers interviennent dans le respect des conditions de travail applicables en France" font partie des autres mesures préconisées.

 


Créer un ministère "de plein exercice" entièrement consacré à l'artisanat

 

Alors que la réforme des retraites est un sujet récurrent dans les débats de la campagne présidentielle, la confédération appelle à son niveau à la "pérennité" des régimes de retraite par répartition et veut que l'emploi des plus de 55 ans soit facilité au cas où un allongement de la durée de cotisation serait acté lors du prochain mandat.

 

Tout aussi logique, il est demandé de maintenir le dispositif de carrières longues pour le calcul de l'âge de départ à la retraite mais aussi de sauvegarder le régime spécifique des travailleurs indépendants ; le tout sans augmentations de charges pour les uns comme pour les autres. Toujours sur le plan fiscal, une modification de l'assiette de cotisations sociales des indépendants est exigée, de sorte que celles-ci "soient uniquement calculées sur leurs rémunérations et non plus sur le bénéfice global de l'entreprise, dont tout ou partie peut être réinvesti dans l'entreprise".

 

Dernière proposition de la Capeb, qui rejoint celle de la FFB : créer un ministère "de plein exercice" entièrement consacré à l'artisanat.

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