TRIBUNE. Près d'une vingtaine d'organisations professionnelles, représentant l'intégralité de la filière bâtiment/énergie, demandent des conditions de marché "favorables" autour de la rénovation énergétique.

Est-ce du nombre de signataires d'une tribune contestataire que l'on peut déduire la fragilité d'un secteur ? Quoi qu'il en soit, ce sont pas moins de 18 organisations professionnelles (1) qui ont paraphé, en ce mois de mai 2025, un "Manifeste de la filière pour créer les conditions de marché favorables à la rénovation énergétique". Il contient, lui, plus de vingt propositions transmises aux pouvoirs publics pour faire mieux (voir encadré ci-dessous).

 

Le constat est simple : "Les rénovations des logements en France sont en perte de vitesse, notamment les rénovations énergétiques, alors même qu'elles devraient constituer la locomotive du secteur." Pour rappel, les objectifs français en la matière sont censés nous faire parvenir rapidement à plusieurs centaines de milliers de rénovations d'ampleur, chaque année. Ainsi, alors que les pouvoirs publics sont en train de repenser le soutien public et privé à ce secteur, comme en témoignent ses projets en matière de politique CEE, la filière tout entière en appelle à la concertation. Elle ne souhaite pas "être exclue de ces réflexions majeures qui structureront l'avenir du secteur et qui ne peuvent pas uniquement porter sur les enjeux budgétaires".

 

Les 18 signataires appellent ainsi à s'appuyer sur le savoir-faire de la filière élargie et le tissu économique industriel franco-européen, améliorer la lutte contre la fraude, simplifier le cadre administratif et les dispositifs d'aides, et financer la rénovation de manière pérenne et cohérente avec les ambitions de la stratégie nationale bas-carbone.

 

Les 23 propositions du manifeste

 

I. Relancer le marché de la rénovation énergétique

 

1. Pérenniser un haut niveau de soutien à la rénovation énergétique, qu'elle soit par geste ou globale, au-delà de 2025, sans augmentation du reste à charge, dans le but de maintenir une dynamique de marché durable.

 

2. Dans le cadre de la rénovation par geste, maintenir le parcours actuel des ménages, en préservant les périmètres de financement des travaux par les CEE d'une part et par MaPrimeRénov' d'autre part.

 

3. Dans le cas des rénovations d'ampleur, permettre à tous les ménages d'obtenir le versement progressif de l'aide de l'Anah lors de la réalisation de chaque geste et non en fin de chantier afin de soulager la trésorerie des ménages et des entreprises.

 

4. Créer un parcours incitatif de rénovation globale en plusieurs étapes (logique de passeport propre à chaque logement pour aller progressivement vers une rénovation globale via une succession de gestes ou bouquet de travaux). A chaque étape réalisée, le versement des aides serait progressif et incitatif et permettrait éventuellement un bonus en fin de parcours pour inciter les ménages à finaliser la démarche de rénovation.

 

5. Créer un parcours digital et sécurisé de la rénovation pour limiter les fraudes et rationnaliser les contrôles.

 

6. Accélérer la rénovation des logements y compris ceux disposant d'un chauffage électrique peu performants, grâce au déploiement de toutes les solutions performantes et bas carbone. Pour cela, intégrer ces solutions dans les dispositifs d'aide, et rendre ces opérations éligibles au taux réduit de TVA.

 

7. Inciter les acquéreurs de passoires énergétiques à réaliser des travaux de rénovation en agissant sur une réduction des droits de mutation.

 

8. Lancer une campagne nationale d'information grand public sur les bénéfices de la rénovation obtenus grâce aux systèmes thermiques performants, au pilotage énergétique et à l'isolation.

 

9. Maintenir le fonds vert à un niveau élevé et proposer un plan d'actions pour la décarbonation des collectivités en garantissant une part dédiée dans la rénovation des bâtiments.

 

10. S'appuyer sur la filière professionnelle et souveraine (fabricants, distributeurs professionnels et entreprises du bâtiment) pour réaliser les objectifs de décarbonation du secteur.

 

11. Soutenir dès 2026 les ménages aisés engagés dans des actions de rénovation énergétique efficaces.

 

12. Concrétiser les gains attendus de performance obtenus après les rénovations par l'accompagnement des occupants au pilotage énergétique pour la sobriété, et à la maintenance et l'entretien des équipements.

 

13. Simplifier encore les obligations administratives pour engager des travaux de rénovation dans les copropriétés.

 

II. Développer des leviers innovants de financement de la rénovation en complément des aides de l'État

 

14. Favoriser la rentabilité des travaux de rénovation grâce à des gains de surface sur le bâti existant, par exemple en autorisant par principe la vente des droits à bâtir en surélévation.

 

15. Mobiliser de nouveaux instruments financiers de marché dédié à la rénovation pour alléger le reste à charge des ménages, notamment avec le concours des banques.

 

16. Réaliser une évaluation des politiques de soutien à la rénovation mesurant notamment le respect des obligations d'interdiction de location des passoires énergétiques, l'obligation d'isoler en cas de travaux importants, la mise en accessibilité du bâtiment et l'obligation d'établir un plan pluriannuel de travaux. Le cas échéant, prendre des mesures pour en assurer la bonne application.

III. Adapter les dispositifs existants aux transitions environnementales, énergétiques et
démographiques

 

17. Faire évoluer l'Audit énergétique afin qu'il propose si possible au moins 2 scénarios avec des solutions bas carbone différentes avec des performances énergétiques équivalentes.

 

18. Encourager la transformation du bâti, dans le respect du bâti ancien et de ses caractéristiques, au regard des impératifs d'adaptation des logements liés aux enjeux cruciaux : de confort d'été, d'accessibilité, de vieillissement, de risques majeurs, d'adaptation au changement climatique, etc.

 

19. Développer massivement la décarbonation des usages (mobilités, chauffage, eau chaude sanitaire) pour concrétiser les objectifs fixés par la PPE.

IV. Mieux contrôler et lutter plus efficacement contre les fraudes

 

20. Créer une base de données commune (PNCEE, Obligés, ANAH, OPQ…) des demandes d'aides et des chantiers aidés afin que les organismes de qualification aient pleinement la capacité d'effectuer de réels contrôles aléatoires dans le cadre du RGE.

 

21. Faciliter et accroître le partage d'information entre les services de lutte contre les fraudes, les organismes qui versent les aides (ANAH, Obligés, collectivités…), les organismes de qualification et la DGCCRF.

 

22. Sanctionner davantage le démarchage abusif et les publicités mensongères qui par téléphone, message électronique ou sur les réseaux sociaux, visent la vente d'équipements ou de travaux pour l'efficacité énergétique, les énergies renouvelables, ou l'adaptation des logements.

 

23. Permettre à la DGCCRF de suspendre ou retirer la qualification RGE en cas d'anomalies graves détectées lors des contrôles, afin de neutraliser les grands fraudeurs, et rendre publique la liste des contrevenants (name and shame)

 

(1) Afpac, AFPG, Capeb, Coédis, Energies et avenir, Enerplan, Fieec, FFB, FFQ, FND, Gifam, GPCEE, Ignes, Uniclima, UFE, Sycabel, SFCB, Propellet.

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