ANALYSE. Plusieurs acteurs souhaitent une révision urgente du dispositif des certificats d'économie d'énergie, système qui prend de plus en plus d'importance dans la politique énergétique de la France, mais qui n'est visiblement pas sans défauts.

L'absence de moyens pour lutter contre les éco-délinquants utilisant les certificats d'économie d'énergie (CEE) n'en finit plus d'inquiéter des acteurs du secteur. A commencer par Frédéric Utzmann, président d'Effy, se définissant comme acteur de la rénovation énergétique auprès des particuliers. "Nous sommes révoltés par le fait que les éco-délinquants fassent autant de ravage, au risque de discréditer l'ensemble de la filière", explique-t-il à Batiactu. Certes, le Gouvernement vient d'annoncer le lancement d'une campagne de sensibilisation au démarchage abusif en 2020 ; et des mesures figurent dans le projet de loi énergie climat. Mais cela ne suffit pas à satisfaire le professionnel. "Nous nous attendions à des annonces concrètes du Gouvernement pour lutter contre ce fléau, plutôt qu'une simple campagne de communication", regrette Frédéric Utzmann. "Il faut réagir plus rapidement, l'État doit détailler la manière avec laquelle il souhaite engager la lutte contre les fraudeurs, qui étaient les mêmes que l'on retrouvait dans le photovoltaïque ou les pompes à chaleur."

 

Risque d'amalgame entre les fraudeurs et les entreprises sérieuses

 

Effy milite pour sa part pour l'instauration d'une "task force" (groupe d'intervention) réunissant l'ensemble des acteurs engagés dans la lutte contre la fraude (DGCCRF, organismes RGE, Tracfin, etc.). Le projet de loi énergie climat prévoit d'améliorer la circulation d'informations entre ces différentes instances, mais cela ne serait qu'une étape. L'autre avancée serait la nomination d'un médiateur de la rénovation énergétique, idée qui fait son chemin. "Nous avons affaire à des fraudeurs expérimentés et agiles", complète le président d'Effy. "Le rythme de la justice fait qu'il est difficile de les repérer et les arrêter à temps." Si Frédéric Utzmann n'est pas inquiet pour le dispositif des CEE, qui brasse aujourd'hui des milliards d'euros, il craint les conséquences des fraudes sur la réputation de la filière de la rénovation énergétique et des offres à bas coût pour le client final. "Certains utilisent les travaux à un euro comme prétexte pour entrer chez les gens et leur vendre des canapés ou des bitcoins. Si les particuliers gardent cette image du secteur, c'est bien simple : ils ne feront plus de travaux !"

 

 

Le réseau pour la transition énergétique (Cler) s'inquiète également des dérives observées. "Il est nécessaire de revoir le pilotage et la gouvernance du dispositif", estime l'organisation dans une tribune publiée le 10 septembre 2019. "Il doit être réorienté vers les travaux les plus efficaces, les moyens alloués à l'évaluation, au contrôle et à la vérification renforcée de la réalité des économies d'énergie doivent être substantiellement augmentés."

 

Des obligés réaliseraient des "marges financières" grâce aux CEE

 

Un autre point d'alerte identifié par le Cler concerne des possibles plus-values financières que réaliseraient des obligés du fait du cour élevé du CEE actuellement. "Il faut empêcher la possibilité pour les énergéticiens de profiter de l'augmentation des prix du marché des CEE pour réaliser une marge financière au cours de la manœuvre en finançant des actions d'économies d'énergie à moindre coût." Le Cler donne un exemple, celui des CEE programme, "dont le prix est fixé par l'État à 5 €/MWh cumac alors que le cours sur le marché est autour de 9 €". De fait, "les obligés ou les agrégateurs qui achètent des CEE auprès des porteurs de programme peuvent bénéficier d'une marge de 4 € sans effort particulier".

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