CONJONCTURE. Patrick Liébus, le président de la Capeb, s'est exprimé au micro de France Info pour faire le point sur le contexte économique du bâtiment. Entre une inquiétude persistante et une méfiance des annonces gouvernementales, la profession reste sur ses gardes.

Le président de la Confédération des artisans et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), Patrick Liébus, était l'invité de France Info ce jeudi 4 octobre. Le dirigeant a notamment été interrogé sur la conjoncture du secteur du bâtiment, faisant le lien entre un bilan 2018 en demi-teinte et des perspectives 2019 loin d'être encourageantes : "Pour l'instant, il y a une forme de stabilité qui s'est mise en place, mais c'est quand même très inquiétant, parce que notre secteur était reparti, il y avait une forme de dynamique. Cela faisait plus de 8 ans qu'on était dans des conditions extrêmement difficiles, et là il y avait un redémarrage. Subitement, sur le 2e semestre, le redémarrage est en train de chuter. Ce qui nous inquiète, c'est le résultat sur la fin de cette année 2018. Pour l'instant, on a l'impression qu'on va continuer de baisser et que cela va continuer de poser des problèmes." Selon Patrick Liébus, les entreprises du secteur avaient recommencé à avoir une certaine visibilité et envisageaient des investissements ainsi que des embauches, mais cette tendance risque d'être compromise avec le retournement de conjoncture que la profession observe.

 

 

Inquiétude sur l'environnement économique

 

Autre motif d'inquiétude pour le dirigeant de la Capeb : la chute des permis de construire, qui atteignent 474.600 autorisations en août 2018, soit un recul de 5% par rapport aux 12 mois précédents, d'après les chiffres du ministère de la Cohésion des territoires. "A partir du moment où vous avez une telle chute des permis de construire, cela veut dire qu'il y a une catégorie de nos concitoyens qui étaient engagés sur des travaux, et qui maintenant n'y vont plus", estime Patrick Liébus. "Mais les taux sont toujours bas, c'est cela qui est dissonant. Ce ralentissement est basé sur un principe : c'est qu'il y a une inquiétude." Pour la Capeb, les particuliers investissant dans l'immobilier ont eux aussi besoin de visibilité et de stabilité, deux facteurs qui manqueraient à l'appel au vu du contexte politique et économique actuel.

 

500.000 passoires thermiques à rénover, "sous conditions d'avoir les moyens"

 

Les sujets de négociations, voire de contestations, n'ont en effet pas manqué depuis quelques temps pour les secteurs du bâtiment et des travaux publics : du taux réduit de TVA à 5,5% à la prorogation du CITE (Crédit d'impôt pour la transition énergétique) d'un an, en passant par la suppression du taux réduit de TICPE (Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques), les artisans et entreprises semblent exaspérés. "Depuis quelques temps, on voit des tergiversations sur certaines choses : sur la TVA, il a fallu un peu discuter ; on a le crédit d'impôt, sur lequel il a fallu discuter ; on a les prêts, qui sont quand même très intéressants, mais les banques, même à des taux très bas, ont quelques réticences à autoriser des prêts à une catégorie de nos clients potentiels", explique Patrick Liébus.

 

Et c'est tout particulièrement le dossier du CITE qui cristallise les tensions du secteur : "[Le CITE] est maintenu dans la forme qu'il avait jusqu'à maintenant, c'est-à-dire qu'il est maintenu en crédit d'impôt. La prime, pour l'instant, n'est pas en place, car il y avait un problème d'organisation, de mise en œuvre, d'impact… Mais ce qu'il se passe, c'est que des catégories de travaux ont été supprimées en 2017, et cela a eu un impact en 2018. Certains travaux, les remplacements des fenêtres, ne bénéficient plus du crédit d'impôt". Les artisans du bâtiment pointent donc deux difficultés : d'un côté, le rétrécissement du champ d'application du CITE, et de l'autre, une enveloppe jugée insuffisante pour financer tous les chantiers à réaliser. "Le budget, maintenant, il est à 800 millions d'euros, c'est ce qui est annoncé […]", souligne le président de la Capeb. "Il était prévu à près d'un milliard d'euros ; il faut au moins 1,2 milliard d'euros pour arriver à atteindre les objectifs. 500.000 [rénovations énergétiques], cela peut se tenir, sous conditions d'avoir les moyens."

 

Un manque d'ambition pour la rénovation énergétique des logements ?

 

 

Avec un tel niveau de crédits publics débloqués, le secteur considère donc ne pas être en mesure de remplir la feuille de route conclue avec le gouvernement. Ce qui déteint directement sur les prévisions de croissance du bâtiment pour l'année 2018 : "La rénovation, on tourne à peu près à 2/2,5%. De la part du gouvernement, il y a eu des données avec des paramètres qui nous ont été 'proposés', si je peux dire, mais qui risquent d'être imposés : c'est d'arriver à rénover 500.000 logements qui sont en précarité énergétique. On ne les atteint jamais, on est toujours en-dessous de ces chiffres-là. Pour atteindre ces chiffres, il ne faut pas seulement avoir un discours volontaire […], il faut mettre des moyens en face".

 

Les perspectives ne sont guère plus optimistes pour le segment de la construction neuve : la Capeb table sur une progression d'environ 5% de l'activité. Un chiffre certes élevé mais décevant pour le secteur, qui met en avant les piteux résultats de l'année 2017. "On est toujours en hausse : si vous comparez 2017 par rapport à 2018, on voit qu'il y a quand même une progression", reconnaît Patrick Liébus. "Mais comme on était descendu extrêmement bas, ces progressions n'ont pas les effets souhaités. C'est une progression qui est dans une phase de ralentissement."

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