MOBILISATION. Suite aux récentes annonces gouvernementales sur la prolongation d'un an du CITE et la suppression du taux réduit de TICPE, la gronde s'intensifie : les artisans et entreprises du bâtiment et des travaux publics, ainsi que les industriels et producteurs de matériaux, alertent l'exécutif et les parlementaires sur les conséquences économiques de telles décisions. Et formulent plusieurs propositions au passage.

Les professionnels montent au front. Après que le gouvernement ait annoncé la prolongation d'un an du CITE (Crédit d'impôt pour la transition énergétique) et la suppression du taux réduit de TICPE (Taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques), les artisans et entreprises du bâtiment et des travaux publics ont publié plusieurs communiqués à destination de l'exécutif et des parlementaires, pour les alerter sur les conséquences économiques de ces décisions budgétaires. En effet, d'après la profession, de tels arbitrages pourraient impacter lourdement une activité déjà chancelante, comme l'indiquent les derniers indicateurs de la construction et des infrastructures.

 

 

Des objectifs impossibles à atteindre avec la version actuelle du CITE

 

Sur le CITE d'abord, la Capeb (Confédération des artisans et petites entreprises du bâtiment) souhaite convaincre les parlementaires d'adopter des aménagements au dispositif, qui "n'est pas satisfaisant" dans sa version actuelle du projet de loi de Finances 2019. "Le report d'un an de la transformation du CITE en prime n'est pas un bon signal envoyé aux particuliers", souligne l'organisation, qui ajoute "[déplorer] également que les menuiseries et chaudières à fioul aient été sorties du dispositif au 30 juin 2018". Pour la Capeb, il n'est pas envisageable d'atteindre les objectifs de consommation énergétique affichés par le gouvernement (de l'ordre de 50 kWh/m²/an) ni de rénover 500.000 passoires thermiques chaque année si les menuiseries ne sont pas réintroduites dans le CITE.

 

Les artisans veulent réformer et refinancer le CITE

 

C'est donc en ce sens que le président de la confédération, Patrick Liébus, veut interpeller Joël Giraud, député LREM des Hautes-Alpes et rapporteur général de la commission des Finances de l'Assemblée nationale. En amont des débats parlementaires sur le PLF 2019, la Capeb formule par ailleurs quelques propositions : d'abord, la ré-augmentation des crédits affectés au CITE pour 2019 à hauteur de 1,2 milliard d'euros (actuellement établis à 800 millions, après avoir atteint 1,7 milliard dans le PLF 2018) ; ensuite, l'alignement des dispositifs fiscaux relatifs au CITE sur la durée du quinquennat, et la réintroduction des menuiseries, des portes donnant sur l'extérieur, des chaudières à fioul à haute performance énergétique, des systèmes d'aération et de ventilation dans le périmètre du CITE.

 

Par ailleurs, les artisans demandent la mise en place d'un accompagnement des particuliers qui se lancent dans des travaux de rénovation, ce qui pourrait se traduire par un diagnostic énergétique offert à la fin du chantier. Cette procédure serait financée par les CEE (Certificats d'économie d'énergie), et pourrait être complétée par une majoration du plafond actuel du Cite pour les particuliers souhaitant poursuivre leurs projets de rénovation énergétique : pour un couple, ce plafond passerait de 16.000 à 24.000 €, et de 8.000 à 16.000 € pour une personne célibataire. Le but étant ici d'encourager les particuliers à réaliser des travaux complémentaires dès l'année suivant la première tranche de travaux, alors que le dispositif actuel tendrait plutôt à les en dissuader.

 

TICPE : une baisse d'environ 60% de la marge des entreprises TP

 

Autre motif de grogne dans le BTP : la suppression du taux réduit de TICPE sur le gasoil non-routier (GNR). Dans la foulée de la Fédération régionale des travaux publics d'Ile-de-France, c'est au tour de la Fédération régionale des travaux publics Auvergne - Rhône-Alpes (FRTP Aura) de monter au créneau en brandissant la menace qui pèserait sur la profession en cas d'application de cette mesure : "une augmentation d'impôts de près de 500 millions d'euros (…)". Le secteur "comprend l'objectif de nouvelles rentrées fiscales recherché par le gouvernement afin de financer les investissements, notamment dans les infrastructures", mais il "regrette que cette mesure n'ait fait l'objet d'aucune concertation et impacte si durement les entreprises devant bénéficier de ces futurs engagements financiers".

 

Les entreprises de TP expliquent que le litre de gazole passerait ainsi de 1 à 1,50 € et ce, dès le 1er janvier 2019. Ce qui engendrerait une baisse d'environ 60% de leur marge, une situation fatale pour les plus petites structures. Les antennes régionales de la FNTP (Fédération nationale des travaux publics) insistent sur les répercussions qu'une telle situation aurait sur les marchés en cours et à venir : une hausse des coûts serait alors inévitable, et les volumes d'investissements des collectivités territoriales dans les infrastructures s'étioleraient. De fait, la profession demande en toute logique le maintien du taux réduit de TICPE sur le GNR. Après que Bruno Cavagné (président de la FNTP) a adressé un courrier à Gérald Darmanin, le ministre de l'Action et des comptes publics, la FRTP Aura a de son côté interpellé tous les parlementaires de la région Auvergne - Rhône-Alpes.

 

 

Dans le bâtiment, le son de cloche est identique : Patrick Liébus a fait part à Joël Giraud "du sentiment d'injustice et d'incompréhension" des artisans suite à cet arbitrage budgétaire, qui risque de concerner "un grand nombre d'entreprises", touchées par une hausse de la fiscalité. "Sentiment d'autant plus injuste que les entreprises du secteur ferroviaire et du secteur agricole continueront de bénéficier de mesures dérogatoires", persifle la Capeb dans un communiqué.

 

Idem chez les industriels et producteurs de matériaux : ce jeudi 4 octobre, c'est au tour de l'Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction - Unicem - de faire entendre son mécontentement, aux côtés de l'Union nationale des producteurs de granulats (UNPG), du Syndicat français de l'industrie cimentière (Sfic) et de l'organisation Minéraux Industriels-France. Les fabricants font "part de leur incompréhension à la lecture du PLF 2019", rappelant que l'emploi du GNR "est obligatoire dans l'industrie extractive" depuis 2011. Selon la profession, la suppression du taux réduit impliquerait un triplement de la TICPE pour les industriels, faisant passer le prix de l'hectolitre de 18,82 € à 64,76 €. Au final, le coût pour les entreprises du secteur se chiffrerait à plus de 100 millions d'euros. L'Unicem ajoute que, 80% de ses structures adhérentes étant des PME et TPE, "cette augmentation brutale et soudaine serait extrêmement lourde de conséquences, alors même que le secteur se relève d'une crise sans précédent et que la reprise dans le bâtiment est beaucoup plus faible qu'annoncée". Considérant que les carriers "[n'ont] toujours pas retrouvé [leur] volume d'affaires avant-crise" et qu'une telle décision constituerait un "nouveau coup dur", l'organisation demande conséquemment au gouvernement le maintien de l'exonération fiscale sur la TICPE.

actionclactionfp