WEBDOC 3/10. Pour fêter ses 20 ans, Batiactu vous propose un webdocumentaire exclusif : "20 ans pour construire l'avenir." Découvrez le troisième épisode, consacré à la transition environnementale du secteur, principale révolution de ces décennies. "Du vert au durable."

10 experts, dix thèmes, le tout en dix épisodes, pour tout comprendre sur les évolutions passées et à venir du secteur de la construction, du bâtiment et du cadre de vie : Batiactu vous propose de retracer les "20 ans pour construire l'avenir" qu'ont représentés les années 2001 - date de naissance de votre média - à 2021, sous le format pédagogique du webdocumentaire.

 

 

Troisième épisode de la série, "Du vert au durable" revient sur les principales étapes de la transition environnementale du secteur ayant échelonné ces décennies, marquées notamment par un durcissement progressif des réglementations. Notre experte : Anne-Lise Deloron, ancienne directrice adjointe du Plan bâtiment durable et actuelle coordinatrice interministérielle de la politique publique de rénovation énergétique des bâtiments auprès du ministère de la transition écologique*.

 

Découvrez ci-dessous le troisième épisode de notre webdocumentaire :

 

Ses prémices ont été ressenties dès les années 80, consécutivement aux chocs pétroliers, et les premiers rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) ou encore le rapport Brundtland des Nations-Unies, qui consacre la notion de développement durable dans le développement de l'économie, ont accéléré la prise de conscience de l'impérieuse nécessité de lutter contre le changement climatique et ses effets sur notre planète. Depuis vingt ans, cela s'est traduit par des engagements mondiaux lors des grand-messes internationales que sont les COP : notamment le protocole de Kyoto en 1997, puis les Accords de Paris en 2015 lors de la COP21, qui se sont fixés pour objectifs de limiter le réchauffement planétaire à 1,5°C et d'atteindre la neutralité carbone à horizon 2050...

 

Le secteur du bâtiment étant l'un des principaux consommateurs d'énergie et émetteur de gaz à effet de serre, cette ambition, peu à peu traduite en textes législatifs et réglementaires, l'a poussé ainsi à opérer sa principale révolution des dernières décennies : sa transition environnementale.

 

Les premiers pas : une transition énergétique

 

Les années 2000 en France sont celles du 'verdissement' des bâtiments : de premiers labels apparaissent sur le modèle des certifications qualité, comme la Haute qualité environnementale, la HQE, une initiative privée née en 2004 et fondée sur un référentiel de 14 cibles à atteindre. Le Bâtiment 270 situé à Aubervilliers (93), mis en exploitation en 2005 par Icade, a ainsi été l'un des premiers à recevoir la certification NF Bâtiments Tertiaires/Démarche HQE®.

 

Mais les débuts sont difficiles : pour ses détracteurs, le 'vert' s'affiche souvent seulement au sens propre, en façade ou toiture, pour en faire un argument commercial. Des voix s'élèvent, comme celle de l'architecte Rudy Ricciotti, qui critique en janvier 2006, "la fourrure verte, futur opium de l'urbain" qu'est selon lui HQE, alors qu'il reçoit le Grand prix national de l'architecture. Reste que la révolution est en marche, les intentions s'affinent, les voix s'élèvent et l'objectif d'une transition qui sera d'abord énergétique, se traduit alors en innovations et réglementations.

 

Entre 2000 et 2020, les consommations énergétiques moyennes sont ainsi passées d'entre 300 et 400 kWh/m² /an à 50 kWh/m²/an

 

Les réglementations thermiques se succèdent (RT2000, RT2005) tandis qu'en parallèle, des labels poussant les exigences apparaissent, encourageant les innovations et l'emploi des énergies renouvelables, comme le Label Bâtiment Basse Consommation (BBC). Ce dernier fixe la consommation maximale du bâtiment à 50 Kwh/m²/an et veut réduire au maximum les déperditions thermiques (isolation, étanchéité à l'air, ventilation et suppression des ponts thermiques). La RT 2012 en reprendra les grandes lignes.

 

En matière de construction neuve, ces vingt dernières années, "quelques étapes structurantes doivent illustrer le chemin", explique ainsi Anne-Lise Deloron-Rocard."La première, c'est la RT2000 (…) : avec l'arrivée du confort d'été, le regard change, différentes dynamiques sont inclues, déjà en matière de thermique du bâtiment, mais aussi, différentes préoccupations, qui nous permettent d'ouvrir un peu la focale d'analyse du bâtiment." La seconde étape marquante est, bien sûr, l'organisation du Grenelle de l'Environnement, en 2007 : "si aujourd'hui le secteur du bâtiment est aussi mature en matière d'enjeux énergétiques et environnementaux, c'est parce que les filières du bâtiment, de l'immobilier et de l'énergie aujourd'hui se comprennent et ont appris à travailler ensemble." Une démarche innovante par la méthode : toutes les parties prenantes sont réunies autour de la table pour, non seulement faire un état des lieux, mais surtout, "pour conduire collectivement un chemin pour définir des objectifs et un plan d'actions pour le réaliser." Le Plan bâtiment grenelle, qui prendra ensuite le nom de Plan bâtiment durable, s'inscrit dans cette continuité. "Ce couple Grenelle de l'environnement, naissance du Plan bâtiment durable, a été un moment fort en termes de méthodes, pour prendre conscience de la dimension énergétique et environnementale du secteur."

 

 

De la transition énergétique à la transition environnementale

 

Dans la filiation du Grenelle également, c'est ensuite bien sûr cette grande étape de la RT 2012, avec la consécration des exigences BBC dans la réglementation, et donc une performance énergétique maximale en consommation fixée à 50 Kwh/m²/an : "c'est la réglementation thermique qui fixe les objectifs ambitieux portés par le Grenelle de l'environnement. C'est la réglementation dont on a dit, avec elle, on ne construira plus jamais comme avant," rappelle Anne-Lise Deloron-Rocard.
Dernière étape marquante, ce passage de la RT 2012 à la RE2020 qui sera mise en œuvre à partir du 1er janvier 2022 : elle est, pour notre experte, "à la fois un changement d'esprit et un changement de dimension : c'est ne plus se concentrer uniquement sur la dimension énergétique, mais c'est ouvrir la dimension environnementale du bâtiment et spécialement la dimension carbone."

 

"Avec un regard sur le poids carbone de l'ouvrage, donc avec un regard sur le poids carbone des matériaux, un regard plus accru sur les systèmes, un regard plus accru sur l'environnement du bâtiment et du bâtiment de sa construction à sa démolition, ajoute-t-elle. En somme, avec la nouvelle réglementation environnementale, nous passons d'une focale énergétique à une focale environnementale, mais nous passons aussi d'une focale instant T de la construction à une focale cycle de vie dans son entièreté du secteur du bâtiment." Ce nouvel ensemble de normes fait en effet entrer l'analyse du cycle de vie du bâtiment et encourage l'emploi des matériaux biosourcés (bois, paille…) et des énergies propres.

 

"L'essentiel du chemin, il est à faire sur la rénovation énergétique des bâtiments."

 

Mais l'enjeu du siècle se concentre sur la rénovation, qui connaît ces dernières années une accélération sans précédent, notamment depuis la crise sanitaire. Dès le Grenelle, de premières initiatives sont apparues et plusieurs dispositifs ont été mis en place afin d'encourager, former et inciter à la transition énergétique. Le label RGE, Reconnu Grenelle de l'environnement, actuel Reconnu garant de l'environnement, est ainsi lancé en 2011, auprès des artisans et entreprises spécialisés dans les travaux de rénovation énergétique ou dans l'installation d'équipements utilisant des énergies renouvelables. Des dispositifs incitatifs permettant le versement d'aides financières aux travaux sont mis en place auprès des particuliers qui emploient ces artisans labellisés RGE, comme l'éco prêt à taux zéro ou encore le crédit d'impôt à la transition énergétique (ce dernier étant remplacé aujourd'hui par la Prime rénov'), ainsi que les primes CEE, issues des certificats d'économie d'énergie et versées par les principaux fournisseurs d'énergies soumis à des obligations.

"Nous voyons bien que ces 20 dernières années, en matière de rénovation, nous avons avancé progressivement sur l'ensemble du spectre des bâtiments",
rappelle Anne-Lise Deloron-Rocard : en premier lieu, le parc tertiaire public et privé, porté par une obligation de rénovation dans la loi (dès 2012, avec la deuxième loi grenelle, confirmée par la loi Élan de 2018, qui a posé une obligation de rénovation énergétique sur le parc tertiaire public et privé), puis le parc de logements sociaux et privés, dont la rénovation connaît une "accélération fulgurante cette dernière année", grâce au plan de soutien de relance de l'économie, et "portée par une accélération là-aussi, de la pression sociétale et de l'attente des Français pour un habitat plus sain et plus sobre en énergie." De nouvelles mesures incitatives et législatives sont également apparues, notamment dans le cadre de la loi Climat et résilience voté à l'été 2021, comme l'interdiction à terme de la location de passoires thermiques. Un service public de la rénovation "France Rénov'" sera également mis en place. Tout cela conduira à toujours plus de rénovations...

 

Des innovations

 

Du côté des matériaux, systèmes constructifs et équipements, les innovations ont suivi ces exigences d'aller vers toujours plus d'efficacité et de performance énergétiques, tandis que le numérique s'est imposé pour affiner le pilotage des équipements et permettre encore plus d'économies. Panneaux solaires, géothermie... les énergies renouvelables se font désormais de plus en plus présentes au sein des bâtiments afin de leur permettre de devenir passifs - consommant moins qu'ils ne produisent, voire positifs : consommant plus qu'ils ne produisent. Et bien sûr, la dimension cycle de vie est de plus en plus présente aussi pour les matériaux : économie circulaire, recyclage, réemploi sont désormais au cœur des préoccupations.

 

Et pour demain ? Les sujets de réflexion ne manquent pas. La RE 2020 entrera en vigueur le 1er janvier 2022. Elle constitue déjà un premier défi pour les professionnels de la construction neuve. Cette RE entre en vigueur tandis qu'un label préfigurant la prochaine réglementation est déjà sur les rails, les travaux étant pilotés par le président du Plan bâtiment durable, Philippe Pelletier. Qualité, confort et santé ne seront enfin pas les oubliés de la transition environnementale, comme en témoignent les recherches toujours plus nombreuses sur la qualité de l'air intérieur.

 

"La transition environnementale du bâtiment, si on la ramène à la notion de développement durable avec sa dimension économique écologique et sociétale, nous montre bien que notre ambition de ces vingt dernières années, cela a été de construire des bâtiments plus sobres en énergie, plus respectueux de l'environnement, mais aussi porteurs du développement d'une filière économique, d'un nouvel investissement pour les acteurs du bâtiment et de l'immobilier, et aussi porteurs d'une dimension sociale et sociétale très forte : développer une politique de bâtiments sobres en énergie, c'est aussi permettre à nos concitoyens de réduire leurs factures énergétiques, c'est permettre à nos collectivités locales de réduire leurs factures énergétiques et donc, c'est aussi agir sur cette dimension sociale et sociétale très forte pour notre pays."

 

Ce qui, pour certains, au début des années 2000 n'était ainsi qu'une mode, est devenu désormais l'affaire de tous : industriels, fabricants, maîtres d'ouvrage et maîtres d'œuvre, artisans et entreprises, architectes, professionnels de l'immobilier et investisseurs… Certes, tous ne sont pas accordés sur les moyens de parvenir à réduire les impacts du secteur sur l'environnement, mais la réglementation se fait plus stricte, les objectifs et les ambitions sont forts… et les revendications, comme les attentes des citoyens, plus que jamais présentes.

 

Retrouvez l'ensemble des épisodes en cliquant ici

 

*Notre experte : Anne-Lise Deloron-Rocard


Anne-Lise Deloron-Rocard
Anne-Lise Deloron, ancienne directrice adjointe du Plan bâtiment durable et actuelle coordinatrice interministérielle de la politique publique de rénovation énergétique des bâtiments auprès du ministère de la transition écologique © Batiactu

Anne-Lise Deloron-Rocard a été nommée, en septembre 2019, coordinatrice interministérielle du plan de rénovation énergétique des bâtiments par lettre de mission de Julien Denormandie et Emmanuelle Wargon. De 2009 à 2019, elle a été successivement responsable des relations extérieures et institutionnelles, puis directrice adjointe au Plan Bâtiment Durable (à partir de 2012).
Elle est diplômée de l'Institut d'Études Politiques de Lyon et d'un DEA de droit franco-italien ; en 2012, elle complète son parcours en étant auditrice de la première promotion de l'Institut des Hautes études de la fondation Palladio. Elle a été distinguée de différents prix : "jeune talent" des Trophées Logements et territoires 2018, distinguée parmi les 100 leaders de la ville de demain - Institut Choiseul de 2018 à 2020 ainsi que parmi les 40 jeunes de moins de 40 ans du bâtiment et de la ville - Le Moniteur en 2018. En 2021, elle est lauréate du prix des femmes de la transition énergétique.

actionclactionfp