ÉCONOMIE. Si la crise du Covid n'a visiblement pas aggravé le phénomène des délais de paiement, l'Administration reste malgré tout très prudente sur l'évolution de la situation. Un bilan des sanctions prises en la matière au cours de l'année dernière montre que la pratique reste encore largement répandue.

Dans le domaine des délais de paiement, la tension s'est légèrement réduite mais la prudence reste largement de mise. Dans son premier baromètre consacré au phénomène, le comité de crise qui a été mis sur pied au printemps 2020 par Bercy, la Médiation des entreprises, la Banque de France et la Médiation du crédit, note une "accalmie" lors du mois de novembre 2020, assortie néanmoins d'une "détérioration" en comparaison à l'année 2019. Ce sondage, réalisé par l'institut BVA auprès de 600 entreprises, montre qu'environ 80% des dirigeants interrogés estiment que les délais de paiement sont revenus au même niveau qu'il y a un an, avant le déclenchement de la crise du Covid.

 

 

Les TPE-PME toujours en première ligne face aux mauvaises pratiques

 

Les pratiques qui avaient été pointées du doigt par le comité lors du premier confinement sanitaire ont effectivement bien "reculé" avant de repartir à la hausse durant le deuxième confinement : 16% des chefs d'entreprises ont affirmé constater un allongement des délais de paiement en novembre par rapport à octobre. Si Bercy estime que les acteurs économiques sont sortis de la "zone d'alerte", la situation n'est pas pour autant revenue à la normale, puisque 13% des entreprises déclarent observer un allongement des règlements reçus durant novembre dernier, en comparaison à la même période un an plus tôt.

 

"Cette détérioration semble plus particulièrement imputable aux difficultés de paiement rencontrées par les PME en général et notamment celles de moins de 10 salariés", souligne le ministère de l'Économie. "Ce sont également les PME qui sont principalement responsables de ces retards, les structures de moins de 250 salariés pour 81% des sondés, et celles qui ont moins de 10 salariés pour 54% des répondants." Ce qui pourrait s'expliquer par le fait qu'un grand nombre d'entreprises comptent dans leurs clients ou leurs fournisseurs une majorité de TPE-PME, particulièrement dans les secteurs d'activité frappés de plein fouet par la crise. "Le respect des délais de paiement est un enjeu essentiel pour les petites et moyennes entreprises", insiste justement Alain Griset, le ministre chargé des PME. "Cela est vrai en temps normal où elles sont déjà affectées par des retards de paiement importants et cela est bien évidemment exacerbé du fait du contexte économique actuel", confirme-t-il.

 

Dans le détail des pratiques sobrement présentées comme "non-coopératives", le comité note qu'elles se concentrent à hauteur de 9% sur l'émission de bons de commandes après la réalisation de la prestation, 8% sur un délai excessif dans la validation du travail réalisé, et 8% sur la modification unilatérale de fait d'un des éléments du contrat. Tous ces comportements ont connu une recrudescence en novembre par rapport à octobre pour un tiers des entreprises interrogées, l'aggravation des délais pour valider le travail effectué arrivant même en tête des remontrances, avec 42% des sondés qui le déplorent. En définitive, ce premier baromètre rassure sur "l'absence de crise de grande ampleur" mais alerte cependant sur "une situation problématique persistante", surtout pour les plus petites entreprises. Pour le comité, "chaque modification du contexte (confinement) peut donner lieu à une résurgence" des mauvaises pratiques.

 

Plus de 30% des entreprises ont payé "une fraction non-négligeable de leurs factures au-delà des délais légaux"

 

 

Dans le même temps, un bilan des sanctions prises à l'encontre des délais de paiement a été publié par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), et prouve que les contrôles - et les amendes - ne cessent de croître. Ses services ont vérifié les bonnes pratiques de 900 établissements en 2020, dont 35 entreprises publiques et 278 sociétés ayant bénéficié d'un Prêt garanti par l'État (PGE). Car cette mesure-phare de la batterie d'aides déployée par le Gouvernement en mars dernier a avant tout été pensée pour résoudre les difficultés de trésorerie des entreprises : "Si toutes les entreprises sont tenues de respecter les délais légaux de paiement, il est tout particulièrement important de vérifier que tel est bien le cas de celles bénéficiaires d'un PGE", note la DGCCRF. "Ce dispositif de soutien vise notamment à aider les entreprises à régler leurs fournisseurs dans le respect des délais légaux afin d'éviter une transmission des incidents de paiement à l'ensemble de l'économie."

 

Résultat des contrôles effectués l'année dernière, tous secteurs d'activité confondus : environ le tiers des entreprises ont payé "une fraction non-négligeable de leurs factures au-delà des délais légaux". Quand des manquements ont clairement été identifiés, 40% des procédures se sont soldées par un avertissement, 20% par des injonctions et 40% par des amendes administratives. Celles-ci se sont élevées à 182 en 2020, représentant un total de 29,9 millions d'euros.

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