DISCUSSIONS. Le Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique s'est réuni pour étudier les projets de textes encadrant la nouvelle réglementation environnementale. A la suite de quoi le secteur rassemblé demande des "ajustements importants" et le retour de la "co-construction" de la norme.

La RE2020, telle que proposée par le Gouvernement, fait craindre au secteur une "aggravation de la chute de la construction neuve dès 2021". Dans un communiqué commun, fait assez rare pour être mentionné, l'USH (bailleurs sociaux), la FPI (promoteurs), le Pôle Habitat FFB (constructeurs et promoteurs), la FFB, la CAPEB (artisans), l'UNSFA (architectes), la Fédération Cinov (ingénieurs) et l'AIMCC (produits de construction) demandent, le 18 décembre, "des ajustements importants" pour "garantir une trajectoire soutenable vers la neutralité carbone à l'horizon 2050". C'est la veille, lors de la réunion du CSCEE (Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique), que le secteur a pu discuter les projets de textes, dévoilés il y a dix jours par Batiactu.

 

 

Ils jugent ainsi que les projets de textes déclinant la RE2020 présentent une méthode de réduction des émissions de gaz à effet de serre élaborée de manière "unilatérale". Il en est de même s'agissant de la méthode de calcul du confort d'été, "qui n'a jamais été testée", mais aussi du point cardinal de cette nouvelle réglementation : le "fort renforcement des seuils de calcul conventionnel de besoin bioclimatique et de consommation énergétique".

 

Des décisions politiques "habillées a posteriori au niveau scientifique"

 

Gérard Sénior, référent politique technique de l'Unsfa, qui siège au CSCEE, contacté par Batiactu, déplore une réglementation qui met à bas "un an et demi de travail, de discussions et d'expérimentations", dans le cadre notamment de l'expérimentation E+C-. "Il y a un virage à 180 degrés qui est pris, sur injonctions politiques, et qui va déstabiliser tout le secteur". Pire, la RE2020 telle qu'envisagée découlerait de "décisions politiques, habillées a posteriori au niveau scientifique" : il s'agit, explique-t-il, de développer le bois, pour la construction, et l'électricité, pour le chauffage.

 

Ainsi, le choix de l'analyse du cycle de vie (ACV) dynamique, afin de favoriser le bois, va "à l'encontre de tout ce qui se passe au niveau européen", alors que la méthodologie d'ACV statique, testée et affinée dans le cadre de l'expérimentation E+C-, "respectait le consensus" en la matière. Quant aux seuils carbone pour le chauffage, ils ont été "pensés pour favoriser l'électricité". "On ne voulait plus du gaz en maisons individuelles alors on a mis un seuil inatteignable", explique l'expert. Ce dont ne s'est d'ailleurs pas défendue la ministre Barbara Pompili lors de la présentation de la RE2020.

 

 

L'Unsfa demande donc, d'une part, l'abandon de l'ACV dynamique, "absolument pas fiable et sur laquelle aucun consensus scientifique n'a été trouvé au niveau européen", et d'autre part, que la réglementation fixe des objectifs et "laisse les professionnels faire leurs choix pour les atteindre". "Aux concepteurs de marier, combiner les techniques, pour trouver des solutions", défend Gérard Sénior.

 

Pas d'évaluation de l'impact économique des nouvelles normes

 

Autre grief porté par le Bâtiment : l'absence d'étude sérieuse de l'impact pour le secteur. Les signataires dénoncent des textes qui "n'apportent pas les éléments d'objectivation nécessaires à l'évaluation de la soutenabilité des performances annoncées, notamment sur le volet de la maîtrise des coûts et des impacts sur les filières constructives et industrielles", principale crainte des constructeurs, on peut le comprendre, mais aussi, donc, des bailleurs sociaux, du principal syndicat d'architectes, et des fédérations d'artisans, d'ingénieurs et des industries de matériaux.

 

 

"À défaut d'ajustements importants, elle risque de provoquer une rupture majeure et critique pour l'offre de bâtiments, l'activité et les emplois du secteur", insistent les signataires. Ils demandent "une trajectoire partagée" et un calendrier de mise en œuvre "progressif et adapté", qui intègrent "maturité des solutions disponibles, soutenabilité économique et temporalité des projets", qui permettent à la filière "de stimuler les innovations pour répondre à coûts maîtrisés aux objectifs poursuivis", et qui "garantissent in fine aux occupants confort, bien-être et économies". Les organisations du secteur demandent enfin la poursuite de "l'esprit de co-construction qui a prévalu depuis l'origine de la réforme".

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