PRODUCTION DE LOGEMENT. La commission chargée de "lever les freins à la construction neuve de logements" vient de rendre une première série de recommandations, d'ordre budgétaire. Compensation de l'exonération de taxe foncière pour les HLM, libération de foncier par la multiplication des opérations d'aménagement et réforme structurelle de la fiscalité sont mises en avant.

Au lendemain de la présentation du budget 2022, une première salve de propositions, d'ordres financier et fiscal, viennent d'être rendues publiques par la commission Rebsamen. Le maire (PS) de Dijon avait été missionné, au printemps, par le Premier ministre, pour élaborer un panel de mesures pour libérer la construction de logements, alors que les chiffres de la construction, dans le secteur libre comme le secteur social, montraient, depuis des mois, et déjà avant la crise sanitaire, un essoufflement certain.

 

 

Premier constat de la commission Rebsamen : celui d'une crise de l'offre de logements "concentrée dans les zones tendues". D'un point de vue national, la chute brutale des autorisations, liée à la crise sanitaire, a certes été résorbée. Mais cette tendance globale "masque un net décrochage dans les zones tendues, où se concentrent pourtant la plus grande partie des besoins à satisfaire". D'après le rapport, les autorisations de construire en zones A bis, A et B1, les plus tendues, sont en recul de 14% par rapport au niveau moyen de l'année 2018. À l'inverse, elles sont en augmentation de 22% dans les zones B2 et C. Et ce décrochage des territoires tendus s'observe autant dans le secteur libre que social.

 

 

La suppression de la taxe d'habitation a "dévalorisé l'acte de construire" pour les maires

 

Pour les auteurs, la dévalorisation de l'acte de construire est notamment financière, d'où la nécessité de mesures concrètes de soutien envers les maires. La raison : la "dégradation des marges financières laissées aux maires pour accueillir des populations nouvelles", provoquée, notamment, par la suppression de la taxe d'habitation. En effet, "bien qu'elle ait été compensée 'à l'euro près' pour le stock", celle-ci "a réduit les recettes fiscales associées à chaque nouveau logement, en particulier, mais pas seulement, dans le parc social".

 

Face à cette diminution des recettes communales associées à l'accueil de nouveaux habitants, la commission formule quatre recommandations. La première consiste à créer un contrat local pour le logement, conclu entre l'Etat et les communes et intercommunalités. "Cet outil permettra, dans les territoires les plus tendus, d'objectiver les besoins en logements, de les comparer, en toute transparence, aux constructions réalisées et de soutenir financièrement les maires bâtisseurs".

 

Compensation intégrale de l'exonération de taxe foncière des bailleurs sociaux

 

Trois mesures sont ensuite recommandées pour renforcer le lien fiscal entre la commune et ses habitants. La première et principale proposition consiste à compenser intégralement l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) applicable au logement locatif social. Cette mesure, très attendue et réclamée depuis plusieurs années par le mouvement HLM, avait été évoquée, la veille encore, par Emmanuelle Cosse, présidente de l'USH.

 

Les bailleurs sociaux mais surtout les collectivités devront néanmoins se satisfaire d'une mesure "d'une durée limitée et dans un objectif de relance". La présidente de l'USH s'était félicitée par avance de ce que l'exonération, elle, soit maintenue : parmi les mesures discutées figurait en effet, au départ, la possibilité de transformer cette exonération en crédit d'impôt, aux conséquences financières très différentes. Or l'exonération constitue selon elle "une mesure très forte de soutien à l'investissement des bailleurs" puisqu'elle représente une aide "supérieure à celle des aides à la pierre du Fnap". A noter que le logement locatif intermédiaire serait également concerné par cette compensation intégrale.

 

Enfin, pour renforcer le lien fiscal entre la commune et ses habitants, la commission recommande, pour les logements libres, de "réduire le décalage entre l'arrivée des nouveaux habitants et la perception des nouvelles recettes fiscales", en donnant aux communes la possibilité de supprimer l'intégralité de l'exonération de TFPB sur les logements neufs.

 

Mobiliser le foncier, via les opérateurs publics et le fonds friche

 

Au-delà des réticences locales, le deuxième obstacle à la construction concerne la rareté du foncier. Un sujet constamment évoqué, au long des débats organisés par la ministre du Logement, Emmanuelle Wargon, intitulés "Habiter la France de demain", notamment. La commission formule plusieurs propositions à cet égard. Un premier ensemble de mesures "vise à accélérer la cession de foncier public pour le logement". Ce sujet, dont les promoteurs disent qu'ils "n'en entendent plus parler" et la ministre dit "que c'est très compliqué vu que chaque ministère, et c'est normal, a sa propre stratégie" de valorisation de son foncier, pourrait redevenir un levier de la production de logements s'il était porté politiquement.

 

 

Un second ensemble de propositions visent à "favoriser les opérations d'aménagement, productrices de foncier". La pérennisation du fonds friches, récemment annoncée par le président de la République, "devra être assortie d'objectifs et de moyens ambitieux pour les territoires tendus", prévient François Rebsamen. Les moyens d'actions des établissements publics fonciers (EPF) et d'aménagement (EPA) "gagneraient également à être renforcés et mieux mobilisés".

 

 

Besoin d'une réforme fiscale structurelle pour lutter contre la rétention foncière

 

En troisième lieu, il est recommandé de "favoriser la mobilisation du foncier pour un usage temporaire". Et plus précisément "d'étendre jusqu'à 5 ans la durée d'implantation en-deçà de laquelle une opération de logement ou d'hébergement temporaire est dispensée de formalités d'urbanisme".

 

Enfin, la commission "ne peut que réaffirmer le besoin d'une réforme fiscale structurelle permettant de lutter contre la rétention foncière". Devant le constat, largement documenté, d'après les auteurs, d'un besoin de "rééquilibrage global de la charge fiscale du flux (les transactions) vers le stock (la détention des terrains)", la commission, qui ne nie pas "les impacts redistributifs importants", estime que ce rééquilibrage est "incontournable à moyen terme si l'on souhaite atteindre l'objectif d'une allocation efficace du foncier, cette ressource étant appelée à devenir de plus en plus précieuse dans le cadre de lutte contre l'artificialisation des sols".

 

Un second tome du rapport sera publié à la fin du mois d'octobre. Soit juste après les conclusions du cycle de consultations de la ministre Emmanuelle Wargon. Il devrait traiter des thématiques et des propositions "qui n'étaient pas susceptibles de concerner le processus budgétaire et qui n'ont pu être expertisées à ce stade". Il s'agit en particulier des questions liées à la simplification du droit de l'urbanisme et à la dématérialisation des procédures, annonce la commission.

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