COUP DE RABOT. Ce lundi 6 mai 2019, les représentants de la Fédération française du bâtiment et de la Fédération nationale des travaux publics étaient reçus au ministère de l'Economie et des Finances. Objectif : tenter de peser dans les tractations budgétaires sur une éventuelle suppression du taux réduit de TICPE pour le GNR dans le BTP. Jacques Chanut, président de la FFB, réagit auprès de Batiactu.

Et c'est reparti pour un tour. Après les représentants de la CNATP reçus à Matignon le 03 mai 2019, c'est au tour de Jacques Chanut, président de la Fédération française du bâtiment (FFB), et de Bruno Cavagné, président de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP), d'être entendus au ministère de l'Economie et des Finances ce 06 mai. Suite aux annonces du président de la République Emmanuel Macron au sortir du Grand débat national, la baisse de 5 milliards d'euros de l'impôt sur le revenu doit être compensée financièrement. Et pour cela, une des pistes avancées par le Gouvernement est la suppression de certaines niches fiscales bénéficiant aux entreprises. Parmi elles, il en est une qui inquiète particulièrement les professionnels du bâtiment et des travaux publics : le taux réduit de TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) sur le GNR (gazole non-routier), une piste déjà envisagée par la puissance publique en fin d'année 2018, avant que la révolte sociale des Gilets jaunes n'éclate.

 

 

"Le vrai sujet, c'est l'iniquité par rapport à d'autres secteurs"

 

Alors que le secteur avait déjà bataillé il y a quelques mois pour désamorcer ce dossier potentiellement explosif, le compte à rebours est-il relancé ? "Nous avons eu un premier contact avec Bruno Le Maire [ministre de l'Économie et des Finances, ndlr], qui marque l'ouverture d'une concertation sur les niches fiscales. Bruno Cavagné et moi avons fait part de l'incompréhension et des inquiétudes de la profession, même si les travaux publics sont davantage concernés que le bâtiment", explique Jacques Chanut à Batiactu. "Pour le moment, la décision n'est pas prise. Mais dans tous les cas, on nous a assuré qu'il n'y aura pas de brutalité dans la décision." L'organisation estime qu'il faudrait minimum 10 ans pour "accompagner la conversion écologique du secteur en y associant les fabricants d'engins".

 

Qui plus est, les professionnels du BTP ont tenu à attirer l'attention du ministre sur un autre point : "Le vrai sujet, c'est l'iniquité par rapport à d'autres secteurs", poursuit Jacques Chanut. "Surtout dans une période où le bâtiment subit déjà une forte tension sur les prix et des problématiques de marge. On a l'impression qu'on tape toujours sur les mêmes ! Pourquoi encore nous, après les coups de rabots sur le PTZ et le Pinel, et la transformation du CITE ?" FNTP et FFB chiffrent cette potentielle hausse de taxe à 750 millions euros, "dont 700 millions pour le seul secteur des TP, soit l'équivalent de la totalité de sa marge nette".

 

Quoi qu'il en soit, le Gouvernement comme le Parlement se laissent deux mois de réflexion pour plancher sur les niches fiscales. Les représentants de la FFB et de la FNTP, pour leur part, retourneront à Bercy vers la fin du mois de mai pour faire le point sur les tractations. "Nous avons trouvé Bruno Le Maire à l'écoute de nos préoccupations", souligne Jacques Chanut. "Mais notre message est de dire : ne tuons pas le secteur d'activité qui porte l'emploi dans le pays. Et à l'heure actuelle, nous n'avons pas d'autre réponse technique que le fioul. Il faut du temps pour trouver des solutions de compensation." Car c'est effectivement un des arguments-phares des professionnels du BTP : les matériels et engins de chantiers fonctionnant dans leur écrasante majorité au gasoil, la suppression du taux réduit de TICPE sur le GNR poserait, plus largement, un problème de transition énergétique pour des entreprises qui ne peuvent pas disposer, en l'état actuel des choses, de solutions alternatives adéquates. Et le président de la FFB de mettre en garde les pouvoirs publics sur les difficultés que pourraient alors avoir à surmonter les entreprises du secteur : "Ils en assumeront les conséquences sur l'emploi, et les conséquences politiques".

 

 

Les parlementaires écarteraient pour l'heure de modifier cet avantage fiscal

 

Malgré tout, pas sûr que ce taux réduit de TICPE pour le GNR soit véritablement exposé sur le plan politique et économique. Dans un entretien au Journal du Dimanche, la députée Olivia Grégoire, porte-parole du groupe LREM à l'Assemblée nationale, a indiqué que les parlementaires écartaient pour l'heure de modifier cet avantage fiscal. La commission des Finances du Palais Bourbon a en effet été chargée par le Gouvernement de faire des propositions d'ici la fin mai/début juin au Premier ministre Edouard Philippe, lequel effectuera par la suite ses arbitrages. De plus, Les Echos rappellent que le taux réduit de TICPE représente un coût d'un milliard d'euros pour les caisses de l'Etat, sur lesquels 700 millions bénéficieraient aux travaux publics. Par ailleurs, les allègements de charges sociales et l'exonération des heures supplémentaires annoncés par Emmanuel Macron en décembre 2018 pour tenter de calmer le mouvement social des Gilets jaunes, profitent aussi au secteur de la construction. Dans tous les cas, la FNTP considère qu'une éventuelle suppression du taux réduit de TICPE s'en ressentirait différemment chez les entreprises, en fonction de leur taille et de la composition de leurs contrats - la présence ou l'absence d'une clause de révision des prix ferait alors la différence. Comprise dans la moitié des contrats, celle-ci répercuterait alors la disparition de l'avantage fiscal sur les clients des entreprises de TP, qu'il s'agisse de collectivités territoriales ou de sociétés privées. Dans ces conditions, la solution pourrait passer par l'intégration d'une clause d'indexation des prix dans les contrats, ou encore par une réforme du fonctionnement du FCTVA (Fonds de compensation de la TVA), dont Batiactu a déjà parlé ici. Enfin, la question du budget de l'Agence de financement des infrastructures de transports de France, un autre serpent de mer du secteur, est de nouveau sur la table.

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