FINANCES LOCALES. Sur la base des premières conclusions d'une mission sur l'impact financier de l'épidémie de covid-19, le Gouvernement soumettra au Parlement un plan d'environ 4,5 Mds€ pour aider les exécutifs locaux à passer le cap et relancer l'investissement.

Le Gouvernement en est conscient : la crise sanitaire génèrera un impact financier conséquent pour les collectivités locales, notamment parce que leurs recettes liées à l'activité économique vont diminuer en 2020 et en 2021. C'est pour évaluer précisément cet impact qu'il a confié, il y a quelques semaines, au député du Gers Jean-René Cazeneuve une mission en ce sens.

 

A partir de ses premières observations, et alors qu'un troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR3) sera présenté en Conseil des ministres le 10 juin, le gouvernement a d'ores et déjà levé le voile sur une série de mesures d'urgence "exceptionnelles, et inédites dans leur ampleur". Un premier paquet qui représente une enveloppe de 4,5 Mds€, et qui pourrait être complété une fois achevée la mission de Jean-René Cazeneuve, et dès lors que seront bouclées également les discussions avec les régions, qui doivent mener cet été à des accords de partenariat sur les finances et l'investissement.

 

Compensations des recettes fiscales et domaniales

 

Le premier volet de ce plan consiste en une clause de sauvegarde sur les recettes du bloc communal. Ce "mécanisme de compensation des recettes fiscales et domaniales" pourrait mobiliser 750 millions d'euros, et concerner entre 12.000 et 14.000 collectivités, notamment les communes touristiques et ultramarines.

 

Le principe : si les recettes fiscales et domaniales en 2020 sont inférieures à la moyenne des trois derniers exercices budgétaires (2017, 2018 et 2019), l'Etat versera une dotation afin de garantir le niveau de ces ressources du territoire. Elle sera délivrée automatiquement, sans démarche spécifique à effectuer, assure par ailleurs le Gouvernement.

 

 

"Ce mécanisme n'a jamais été employé, a insisté le Premier ministre, Edouard Philippe, à l'issue d'une réunion avec les représentants des associations d'élus, le 29 mai. Parfaitement massif et inédit, c'est pour ces communes l'assurance d'un montant minimal de recettes qui est évidemment extrêmement précieux pour faire face à la crise."

 

Relancer l'investissement local

 

Edouard Philippe le reconnaît : "il est heureux que [les] 30.000 conseils municipaux [élus dès le 15 mars 2020, NDLR] soient installés, car nous le savons, le redémarrage de l'économie et la reprise d'une vie normale passent par l'investissement local, par le bon fonctionnement des services municipaux". Raison pour laquelle il était aussi important d'organiser rapidement le 2nd tour des élections municipales, le 28 juin si les conditions sanitaires le permettent, afin que les près de 5.000 conseils restants puissent être opérationnels dès l'été.

 

Afin d'aider la relance des projets locaux, le Gouvernement a par ailleurs décidé d'abonder d'un milliard d'euros supplémentaire l'enveloppe de la dotation de soutien à l'investissement local, la DSIL. Elle passe ainsi de 600 millions à 1,6 milliard d'euros. Les communes pourront utiliser cette dotation pour financer des opérations partenariales avec d'autres collectivités. Surtout, cette enveloppe est orientée vers des projets en lien avec la transition écologique. "Nous insistons pour que ces investissements soient verts, c'est-à-dire qu'ils participent à cet effort indispensable de transition écologique que nous voulons favoriser", a souligné le Premier ministre.

 

Une avance sur les DMTO

 

Du côté des départements, le Gouvernement observe que la baisse des recettes se concentre surtout sur les DMTO (les droits de mutation à titre onéreux, ou frais de notaire). Il propose donc de mobiliser une enveloppe de 2,7Mds€, afin que les départements puissent solliciter des avances sur ces produits, dans la limite de la perte estimée pour 2020 et de la moyenne des trois exercices budgétaires précédents. "Ces avances seront ensuite remboursées par les départements à partir des réserves qui seront réalisées lors du rebond", indique l'exécutif.

 

Dernier volet de cette première série de mesures : les collectivités pourront créer une annexe spécifique dans les budgets locaux, afin d'y inscrire les dépenses liées à l'épidémie de covid-19. Par ailleurs, et pour "ne pas menacer [leur] équilibre budgétaire", les exécutifs locaux auront la possibilité de lisser dans le temps - sur trois ans, a précisé le Premier ministre - certaines dépenses de fonctionnement inscrites sur cette annexe, qui pourront être financées exceptionnellement par l'emprunt.

 

Ces premières mesures étaient attendues des collectivités locales. La plupart des associations d'élus estiment d'ailleurs qu'elles vont "dans le bon sens", bien qu'elles émettent quelques réserves (lire encadré ci-dessous). Elles ne permettront pas, malgré tout, de compenser l'intégralité des pertes de recettes, estimées sur 2020 à au moins 7,5Mds€, dont 3,2Mds pour le bloc communal, et 3,4Mds pour les départements.

 

Des inconnues persistent

 

A la suite de ces annonces, plusieurs associations d'élus locaux se sont dites globalement satisfaites, estimant que les mesures avancées par Edouard Philippe allaient "dans le bon sens". C'est notamment le cas de Villes de France, de l'Association des petites villes de France, ou encore de France urbaine qui "salue une initiative qui confirme l'écoute du Premier ministre vis-à-vis des préoccupations" des territoires. Ce qui ne les empêche pas malgré tout d'émettre encore quelques réserves.

 

La première : les modalités doivent encore être précisées, et les élus locaux attendent donc la présentation du PLFR3 le 10 juin et la tenue des débats parlementaires. De plus, il semble difficile pour les associations de se satisfaire pleinement de la base de calcul du mécanisme de compensation des recettes fiscales et domaniales. S'appuyer sur la moyenne des trois derniers exercices peut conduire à "réduire significativement l'impact de cette mesure", souligne ainsi Villes de France, qui s'interroge également sur sa durée de validité : "est-ce qu'[elle] sera toujours effective en 2021, au moment où l'impact sera le plus fort" pour les intercommunalités ?

 

L'APVF, elle, aurait préféré que les dépenses exceptionnelles liées à l'épidémie de covid-19 puissent être lissées sur 5 ans, plutôt que sur 3 ans. A noter également que les petites villes demandent le relèvement des plafonds des marchés publics, actuellement fixés à 40.000 euros, pour atteindre 100.000 euros.

 

Enfin, plusieurs associations soulignent l'absence de traitement de la question du versement mobilité, et demandent à ce qu'elle fasse l'objet d'un dispositif dédié. "Il faut avoir en tête que les pertes du versement mobilité se chiffrent aux alentours de 25%, et que la chute des recettes tarifaires peut atteindre 50%", a insisté François Rebsamen, président de Dijon métropole et représentant pour France urbaine.

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