RÉACTIONS. L'annonce par Nicolas Hulot de l'éventuelle introduction d'un bonus-malus à la vente de logements (ou touchant à la taxe foncière) est très mal accueillie par les acteurs du secteur. Ce dispositif ne serait "pas efficace" et viendrait trop tôt.

La stupeur et la colère. Ce sont les émotions ressenties par plusieurs acteurs de l'immobilier et de la construction lorsqu'ils ont entendu Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, ressortir l'idée d'un bonus-malus sur la performance énergétique des logements. Il serait appliqué sur la taxe foncière ou au moment de la vente d'un bien. "Ce dispositif n'est pas dans le plan de rénovation énergétique, mais il est toujours à l'étude et dans les semaines qui viennent, on tranchera sur le meilleur dispositif", avait expliqué le ministre. "Je ne veux pas l'imposer mais moi j'y suis plutôt favorable."

 

Des propos qui ont déclenché l'incompréhension du côté de la Fédération française du bâtiment (FFB). Car une telle mesure "pénaliserait avant tout les territoires déjà en difficulté, où le coût d'une rénovation énergétique équivaut à une part très importante du prix d'un logement", peut-on ainsi lire dans un communiqué de presse du 3 mai 2018. "Dans l'immédiat, de tels coups de barre ont une conséquence prévisible et catastrophique pour l'activité et donc l'emploi : ils vont renforcer l'attentisme des acteurs, ménages comme professionnels. Avec un grand perdant : la transition écologique", ajoute Jacques Chanut, président de l'organisation.

 

"Comment instaurer un bonus-malus alors que le thermomètre (le DPE) est cassé ?"

 

Même sentiment d'incompréhension et de colère du côté de l'Union des syndicats de l'immobilier (Unis). "Cette annonce a lieu le lendemain même de la présentation du plan de rénovation, qui n'évoque pas ce sujet", regrette Géraud Delvolvé, délégué général du syndicat, contacté par Batiactu. Pour lui, il serait absurde de mettre en œuvre une telle mesure, puisque le "thermomètre" permettant d'évaluer la performance énergétique des logements est cassé. "Le diagnostic de performance énergétique doit être réparé, et le label RGE mérite d'être renforcé : tant que nous n'avons pas les outils permettant de jauger la performance des logements et la qualité réelle des travaux, comment pourrait-on instaurer un bonus-malus de ce type ?", questionne Géraud Delvolvé.

 

 

L'Unis n'est pas, en principe, contre le procédé ; mais le tempo du Gouvernement ne serait pas le bon. "Si ces propos de Nicolas Hulot constituent une sorte de ballon d'essai, un avertissement à l'attention des vendeurs et des acquéreurs, pour dire : 'Les prix ont atteint des niveaux beaucoup trop importants, les acquéreurs n'ont donc plus de budget pour payer des travaux, or il faudra bien que quelqu'un paie un jour', cela nous convient. Mais passer à l'acte maintenant serait la pire des solutions."

 

Les loyers se stabilisent depuis deux ans

 

Autre argument avancé par les professionnels, le niveau des loyers actuels. La FFB rappelle ainsi qu'il est en voie de stabilisation depuis deux ans, ce qui a tendance à diminuer la rentabilité des travaux effectués par les propriétaires. "L'observatoire Clameur a même alerté sur l'effondrement du taux d'efforts d'entretien des bailleurs", ajoute Géraud Delvolvé. "Et j'ajoute qu'avant d'instaurer un bonus-malus, il faudrait déjà simplifier le système d'aides financières auxquelles ont droit les propriétaires pour les travaux de rénovation."

 

D'autant plus que divers plans et projets de loi viendront modifier le paysage : le plan de rénovation énergétique, le projet de loi Elan et la réforme de la copropriété. "Pourquoi ne pas, en effet, transformer le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) en prime ou retoucher l'éco-PTZ ? Mais, une fois de plus, ce sont des signes d'instabilité fiscale...", regrette Géraud Delvolvé.

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