NUCLÉAIRE. Les ministères de l'Economie et de la Transition écologique ont reçu un rapport recommandant la construction de plusieurs réacteurs de nouvelle génération à partir de 2025 afin de maintenir les compétences de la filière industrielle. Des conclusions qui auraient embarrassé Nicolas Hulot, farouche opposant de l'atome. Au point de le faire démissionner ?

Selon le quotidien Les Echos, Bruno Le Maire et Nicolas Hulot ont confié une mission d'expertise à deux spécialistes du nucléaire. Et le rapport qu'ils ont reçu au cours de l'été n'aurait pas satisfait le ministre de la Transition écologique et solidaire : il préconise en effet de lancer la construction de six réacteurs de type EPR au cours de la prochaine décennie, ceci afin de maintenir les "capacités industrielles de la filière nucléaire". L'ex-ministre avait pourtant fustigé, au mois de juin 2018, une "dérive" de cette industrie. Enfonçant le clou, au moment de l'annonce de son départ du gouvernement, il a dénoncé à l'antenne "cette folie inutile économiquement, techniquement, dans laquelle on s'entête". Rappelons qu'à son arrivée au gouvernement, Nicolas Hulot avait déclaré vouloir rapidement éteindre jusqu'à 17 réacteurs !

 

 

De nombreux EPR déjà prévus dans le monde

 

Les deux auteurs du rapport ne sont pas novices puisqu'il s'agit de Yannick d'Escatha, un ancien administrateur général du CEA et actuel conseiller du président d'EDF, et de Laurent Collet-Billon, un ex- de la Délégation Générale à l'Armement. Très précis dans le calendrier souhaité pour donner des perspectives à toute la filière, ils recommandent de couler les premiers bétons en 2025 pour une entrée en service en 2035, avec deux ans d'écart entre chaque réacteur. Un plan qui semble idéal pour EDF, dont le président-directeur général Jean-Bernard Levy, réclame déjà le lancement d'un deuxième EPR en France. Et cela alors que la construction du premier de la série, à Flamanville, a connu une succession de déboires, de retards et de surcoûts.

 

 

Mais EDF, qui a repris les activités réacteur d'Areva, s'est lancée à corps perdu dans l'aventure de ces réacteurs de nouvelle génération. Outre Flamanville 3, l'industriel français est impliqué dans la construction d'Olkiluoto 3 en Finlande, de Taishan 1 & 2 en Chine plus bientôt deux réacteurs à Hinkley Point en Grande-Bretagne et de six autres à Jaitapur en Inde ! Des chantiers qui connaissent tous des contretemps et des difficultés, peut-être justement à cause d'une perte d'expertise depuis l'achèvement de la précédente génération de centrales nucléaires, dans les années 1980. La révélation de ce rapport pourtant classifié, au lendemain de la démission du ministre de la Transition écologique et solidaire, amène un éclairage nouveau sur sa décision et sur les lobbies à l'œuvre au moment où les discussions autour de la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) des périodes 2018-2023 et 2024-2028 sont en cours. Lors de l'élection présidentielle, la Société française d'énergie nucléaire (Sfen) rappelait que l'exploitation d'un réacteur nucléaire EPR était prévue pour durer entre 60 et 80 ans. La France ne sortirait donc pas de l'atome avant 2100…

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