La proposition de révision de la directive de la Commission européenne sur les travailleurs détachés ne cesse de diviser ces jours-ci, confirme une source européenne. "Dix pays de l'Europe de l'Est et aujourd'hui le Danemark font front contre le projet", ajoute-elle. La réponse tant attendue de la Commission aux "cartons jaunes" des 11 états qui sera dévoilée début juillet 2016, pourrait modifier le texte de Bruxelles. Précisions.

Si la France lutte avec force contre la fraude au détachement de travailleurs, la Commission européenne aussi, mais en prenant des gants. En reconnaissant, toutefois, ce jeudi 16 juin 2016, qu'elle fait face à 11 pays de l'Europe de l'Est et du Danemark qui font front contre le projet de proposition de révision de la Commission européenne sur les travailleurs détachés.

 

 

"Un clivage clair de 11 Etats"

 

"Avec onze états dont dix de l'Est - Bulgarie, Croatie, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République Tchèque, Roumanie, Slovaquie - et le Danemark, qui ont brandi le carton jaune en mai dernier, cela rend forcément les choses plus difficiles dans les discussions, nous confirme une source européenne. La Commission a reçu des avis motivés de 11 Parlements nationaux. Ces avis représentent 22 voix sur 56, c'est-à-dire que c'est le seuil du carton jaune - procédure permettant de contester une directive -, qui est fixé à 19."

 

Rappelons que cette procédure du "Carton jaune", prévue depuis 2009, permet à un tiers des Parlements nationaux de tirer la sonnette d'alarme sur un projet de la Commission. "C'est la deuxième fois que cette procédure est utilisée sur le sujet des travailleurs détachés", nous signale-t-on.

 

"Oppositions entre syndicats et employeurs à l'intérieur des 11 Etats"

 

La réponse de la Commission européenne aux cartons des 11 états sera dévoilée au cours de la première quinzaine de juillet 2016, précise-t-elle. Tout en notant que ce "clivage est surtout entretenu par des oppositions entre syndicats et employeurs à l'intérieur des 11 Etats." Ces derniers invoquent une perte de compétitivité de leurs salariés et la "peur des pertes de parts de marchés", notamment dans les Pays de l'Est.

La durée du détachement oscille en moyenne entre trois et quatre mois

En 1996, alors que l'Union européenne ne comptait que 15 pays, les écarts de salaires entre les différents états allaient du simple au triple. "Ils vont maintenant de un à dix, et la concurrence est rude, dans le BTP surtout, signale la source européenne. Sur les 1,9 million de travailleurs détachés en Europe, "près de la moitié des détachements (43,7%) concerne ce secteur". Et la durée du détachement oscille en moyenne entre trois et quatre mois."

 

En revanche, la Commission européenne observe que la France veut renforcer impérativement son dispositif. Pour rappel : d'après le bilan du plan national de lutte contre le travail illégal 2013-2015, la France est l'un des principaux pays de l'Union européenne concernés par le détachement. Elle est le 3ème pays d'origine des salariés détachés. En 2015, on comptabilise 286.025 travailleurs détachés faisant bondir de 25% le recours au détachement par rapport à 2014. "Le bâtiment-travaux publics (BTP) reste alors le premier secteur concerné (27% des déclarations)", confirme la source européenne.

 

"Pour l'avenir de la proposition du texte, trois hypothèses à ce jour"

 

S'agissant de cette action de lutte contre le détachement, la source européenne renvoie au discours officiel de Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne lors du dernier Congrès des maires : "Nous la menons avec un sens aigu de la situation et des priorités sociales. (…) Je sais bien que ce sujet suscite inquiétudes et polémiques en France. La Commission a fait récemment des propositions réaffirmant clairement un principe à mes yeux évident et auquel je tiens : un même travail effectué au même endroit doit être rémunéré de manière identique. Certains parlements nationaux sont très réticents, et nous l'ont fait savoir. Avant de conclure : "Mais nous allons, après avoir tenu compte des observations qui ont pu être les leurs, maintenir le texte de notre proposition."

 

 

Au Parlement européen, cette révision de la directive sur les travailleurs détachés a été confiée à une eurodéputée LR, Elisabeth Morin-Chartier. C'est elle qui planchera, avec une députée socialiste néerlandaise, sur le texte proposé par Bruxelles.

 

"Pour un lancement de la procédure législative qui peut durer deux ans, trois hypothèses sont ouvertes à ce jour : on retire la proposition ; on modifie le texte et on relance le processus législatif ; ou encore, on l'espère à Bruxelles, on maintient la proposition et le processus jusqu'au bout", conclut la source européenne.

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