RECONSTRUCTION. Au lendemain des ravages par le feu d'une partie de la cathédrale Notre-Dame, le Président de la République Emmanuel Macron a annoncé vouloir rebâtir l'édifice religieux en 5 ans. Si les professionnels de la restauration s'accordent sur une temporalité plus longue, certaines entreprises sont déjà prêtes à fournir une cartographie complète, ou une exploration par drones de la cathédrale sinistrée.

Dans un point presse tenu par le Groupement des entreprises de restauration des monuments historiques (GMH) tenu le 16 avril 2019, l'heure est déjà à l'espoir. Le co-président Frédéric Letoffé se veut rassurant : "nous disposons des moyens techniques et humains pour pouvoir assurer une parfaite restauration".

 

Siégeant à ses côtés, Gaël Hamon, dirigeant d'Art Graphique et Patrimoine, fait défiler les images numérisées de la cathédrale Notre-Dame, avant qu'elle ne soit dévorée par les flammes. "Nous avons la chance d'avoir la trace ou les traces de ce qui a disparu, un nuage de points qui nous permet de restituer en quasi intégralité les charpentes et la forêt", affirme le dirigeant d'Artgp.

 

Ce travail minutieux de numérisation 3D mené durant près de 25 ans, Gaël Hamon souhaite désormais le transmettre aux futurs acteurs de la reconstruction. "Nous agrégeons les différents éléments de numérisation, et nous pensons avoir une base de données complète d'ici une à deux semaines. Nous nous mettrons en lien avec les différentes structures, probablement le ministère de la culture, la direction régionale des affaires culturelles", affirme le dirigeant d'Artgp à Batiactu.

 

Le flair du BIM

 

Pour Emmanuel Di Giacomo, responsable du développement de l'écosystème BIM en Europe pour Autodesk, l'existence de nuages de points sur la structure intérieure est une bonne nouvelle. A partir de cette visualisation 3D, une maquette numérique pourrait permettre, par exemple, de reconstruire "la forêt" à l'identique, en définissant les mesures des éléments de charpente, et leur quantité exacte.

 

Un scan laser de l'édifice sinistré apporterait également son lot de renseignements : "réaliser des analyses de la déformation de la structure, voire même les responsabilités en identifiant les zones particulièrement touchées, et d'affiner les hypothèses liées à l'accident", détaille Emmanuel Di Giacomo.

 

Le BIM serait-il capable de livrer une première approche de l'incendie qui a touché Notre-Dame ? "Un scan laser pris sur un amoncellement de matériaux va mettre en évidence la montée en température, la déformation de la structure, et de faire des analyses avec des variations de couleurs. Il pourrait même simuler la zone du départ de feu, ou l'endroit exact où la charpente est tombée", répond Emmanuel Di Giacomo.

 

Découvrir les zones fermées au public

 

La réalité virtuelle pourrait également intervenir, mais davantage dans une visée mémorielle. C'est le cas du documentaire réalisé par le média Targo. Entre novembre 2018 et janvier 2019, "nous avons filmé les coulisses de ce lieu inaccessible, la méthode de la stéréoscopie (ndlr - une image pour chaque œil) nous permettait de réaliser un film en 360° qui respectait la profondeur et les volumes de la cathédrale", rappelle Victor Agulhon, co-fondateur de Targo.

 

Explorant les combles fermés au public, "les images pourraient tout à fait servir au travail de mémoire ou à la levée de fonds, plaide Victor Agulhon, après le drame, on voit que la valeur de ces images est encore plus grande, et que nous pouvons réfléchir au souvenir de ce lieu par une expérience immersive".

 

Dans ce documentaire qui est peut-être l'un des derniers témoignages visuels des combles de Notre-Dame, "on entend Mgr Patrick Chauvet (ndlr-recteur de la cathédrale) dire qu'il cherche encore à lever 60 millions d'euros pour la restauration, on voit des morceaux de pierre tomber à ses pieds, et on se rend compte de la fragilité de l'édifice", confie le directeur général du média spécialisé en réalité virtuelle.

 

Œil déporté

 

Désormais sinistrée, la cathédrale Notre-Dame de Paris est encore en cours de sécurisation par les pompiers. Des professionnels de la restauration et des architectes des monuments historiques rappellent la stabilité précaire de l'édifice, sous le poids des charpentes carbonisées et gorgées d'eau. Dans ce contexte, les drones pourraient être d'une grande aide aux pompiers et aux différents métiers de la restauration du patrimoine.

 

Un besoin bien perçu par le centre de formation aux métiers du drone civil Télépilote, qui indique dans un communiqué que les portes de son institut sont grandes ouvertes aux artisans restaurateurs et aux Pompiers de Paris. A propos des soldats du feu parisiens, le directeur général Vincent Goleau s'avoue toujours surpris que ces derniers ne soient pas formés au télé pilotage.

 

"Le fait d'avoir un œil déporté sur un bâtiment, cela permet de favoriser une zone de travail en particulier, des points d'accroche, c'est un outil complémentaire en matière de sécurité", indique-t-il à Batiactu. L'usage du drone serait d'autant plus pertinent, "sur un bâtiment historique, où chaque pas peut-être délicat quand on voit l'état de la pierre", juge ce dernier.

 

Au-delà de la phase de sécurisation de l'édifice, les drones pourront également être nécessaires en temps de restauration, en tant qu'outil de modélisation à disposition des artisans, "cela donne un visuel direct sur la structure, et une possibilité d'observer chaque pierre par photogrammétrie".

 

 

 

 

actionclactionfp