POLÉMIQUE. Les entreprises de BTP doivent-elles continuer ou non à assurer leur chantier ? Alors que la situation semble se tendre entre l'État et les professionnels, le député LREM de Gironde Benoît Simian prend clairement position, et en appelle à une application stricte des mesures de confinement pour lutter contre la propagation du coronavirus.

Batiactu : "Je ne crois pas que les activités du BTP soient essentielles", "les informations contradictoires doivent être clarifiées", avez-vous écrit sur les réseaux sociaux. Pourquoi avez-vous décidé de prendre position ?

 

 

Benoît Simian : Je suis extrêmement choqué, et même scandalisé, par la situation que vivent les entreprises de BTP. Une note du ministère de l'Intérieur indique que les chantiers doivent se poursuivre. Dans le même temps, ce 19 mars, lors des questions au gouvernement, la ministre du Travail Muriel Pénicaud explique qu'elle fait confiance au bon discernement des entreprises pour ne conserver que ce qui relève des travaux absolument nécessaires. Il n'y a pas de décision claire et cela pose problème.

Quels exemples de difficultés vous sont remontés ?

Des entreprises continuent à envoyer des salariés travailler. Sauf que moralement, dans le contexte sanitaire actuel, c'est difficilement acceptable. La situation est même ubuesque, nous ne pouvons pas avoir une France avec des règles à deux vitesses. Le risque est de légitimer dans l'esprit de certains que l'on protège les cols blancs, tandis que les ouvriers, qui exécutent des travaux pénibles et devraient être les premiers que nous protégeons, continuent à travailler. Prenons garde à ne pas générer de l'incompréhension, à ne pas diviser alors que nous avons besoin de solidarité et d'union.

 

Juridiquement aussi cette absence de clarté pose problème, car les entreprises ne sont pas éligibles au chômage partiel tel qu'il a été étendu, et car des maîtres d'ouvrage pourraient décider d'appliquer des pénalités si l'arrêt des chantiers n'est pas imposé et ne vient pas d'eux.

 

 

Juste un peu de temps pour s'organiser

 

Il y a encore quelques jours, les fédérations voulaient éviter une interruption totale de l'activité du BTP. Mais le début de la semaine, le confinement total imposé à la population, et les difficultés qui ont commencé à faire surface sur le terrain ont changé la donne.

 

L'une des difficultés tient dans l'attitude très différenciée d'un donneur d'ordres à l'autre, ce qui renforce le sentiment d'une situation déséquilibrée et délicate. Si de grands maîtres d'ouvrage réfléchissent avec les entreprises à la façon de mettre en sécurité les chantiers, afin de voir s'il est possible de les poursuivre, tous ne sont pas dans cette optique. Certains clients, notamment publics, ne veulent donc pas prendre la responsabilité d'arrêter les chantiers, car ils devraient alors verser des compensations. De l'autre côté, les entreprises ne peuvent décider d'elles-mêmes d'interrompre leurs travaux, sans prendre le risque de s'exposer à des pénalités. Certaines ont pris malgré tout pris les devants et cesser temporairement leurs activités, en brandissant en priorité absolue la santé de leurs collaborateurs.

Un bras de fer est engagé

Toutes ces raisons conduisent le secteur du BTP à demander des instructions claires, et unifiées. Et un bras de fer semble s'être engagé entre l'Etat, qui souhaite maintenir une activité économique, et les professionnels du secteur, qui réclament un arrêt de quelques jours, juste un peu de temps pour s'organiser. Le but : hiérarchiser les priorités, définir quels sont les chantiers urgents et/ou stratégiques, établir une organisation qui assurent le bon déroulement des travaux, la sécurité des travailleurs mais aussi des entreprises.

Pensez-vous que le gouvernement doive accéder à la demande des fédérations du BTP, à savoir arrêter provisoirement tous les chantiers le temps de trouver une organisation qui permettra d'assurer une activité partielle, tout en respectant les recommandations sanitaires ?

Nous devons rapidement être plus clairs et plus stricts dans l'application du dispositif de confinement, contraignant pour les citoyens, et terrible pour l'économie. Il faut aller dans le sens des propos de la ministre du Travail lors des questions au gouvernement et n'autoriser que les activités essentielles, qui relèvent des nécessités vitales, comme aller réparer une chaudière pour ne prendre qu'un exemple.

Donc, selon vous, il vaut mieux tout stopper plutôt que de maintenir un minimum d'activité économique ?

Je pense en effet qu'il est préférable d'appliquer des règles strictes et massives pendant trois semaines ou un mois, de façon à limiter le risque de propagation du virus, plutôt que de rester bloquer pendant des mois. Cette crise sanitaire entraînera dans tous les cas une crise économique importante - et peut-être même politique. Un vaste plan de relance sera nécessaire pour en sortir.

 

 

Les artisans des travaux publics montent au front

 

Dans le contexte actuel, poursuivre le travail ou non devrait être un choix des entreprises, pas une obligation. C'est en quelque sorte ce que défend la CNATP, qui représente les artisans des travaux publics et du paysage. Dans un communiqué, l'organisation professionnelle rappelle que ce choix dépend "de la capacité à assurer pleinement la sécurité des salariés", d'une part, mais aussi de "l'approvisionnement en matériaux, matériels, de l'évacuation de leur déchet…" Des difficultés que de nombreux professionnels rencontrent actuellement.

 

C'est surtout en termes de sécurité que la situation semble la plus complexe. Pour la CNATP, le respect strict des conditions sanitaires apparaît impossible à plusieurs titres : "impossibilité de se procurer gants, masques, gel hydroalcoolique ; promiscuité dans les véhicules, locaux, vestiaires, bases-vie ; partage de nombreux outils entre les salariés ; multitude de tâches à réaliser à plusieurs"… Par ailleurs, interroge l'organisation, "qui soutiendra nos entreprises lorsque l'employeur sera mis en responsabilité pour mise en danger de la vie d'autrui" ?

 

De ce fait, et comme l'ensemble de la profession, la CNATP "exige que toutes les demandes d'activité partielle soient acceptées pendant cette période transitoire. (…) Il en va de la survie de nos entreprises".

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