FORMATION PROFESSIONNELLE. Les phénomènes de transition écologique et de transformation numérique, couplés à deux années de crise sanitaire et économique, ont rebattu les cartes du marché du travail. Dans la dernière édition de son guide, le Centre d'information et de documentation jeunesse analyse notamment ces répercussions sur l'emploi du BTP, entre mise en place de la nouvelle réglementation environnementale, métiers en tension et massification de la rénovation énergétique.

Les phénomènes de transition écologique et de transformation numérique, déjà à l'oeuvre avant la survenue de la pandémie de Covid, ont indéniablement été renforcés par ces deux dernières années de crise sanitaire et économique. Les cartes du marché du travail s'en sont trouvées rebattues, comme en témoigne la 8e édition du guide du Centre d'information et de documentation jeunesse (CIDJ), intitulé "Ces secteurs qui recrutent".

 

 

Par le biais de cet outil destiné aussi bien aux professionnels qu'au grand public, l'association analyse 400 métiers répartis dans 50 secteurs d'activité, eux-mêmes répartis dans "six grands domaines porteurs", dont font notamment partie la transition écologique, l'industrie et le commerce. Pour réaliser cette synthèse, les auteurs se sont basés sur des enquêtes et études statistiques provenant, entre autres, de la Dares (Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques), de l'Insee (Institut national de la statistique et des études économiques), de certains Opco (opérateurs de compétences), de fédérations professionnelles ou encore de cabinets de conseil.

 

Attentes

 

En premier lieu, le CIDJ estime que la crise du Covid a permis de (re)mettre en lumière des filières et métiers déjà existants, tout en accélérant le déploiement des technologies numériques. Des secteurs comme le bâtiment et les travaux publics ont toutefois été perturbés - et le sont encore aujourd'hui - par les difficultés d'approvisionnement en matières premières et de recrutement, alors même que les postes à pourvoir ne manquent pas. Après un cru 2020 déjà qualifié d'historique, les chiffres de l'apprentissage pour 2021 ont en outre battu un nouveau record, redorant le blason de la formation professionnelle en alternance dans nombre de secteurs. Certes, les aides à l'embauche des jeunes n'y sont pas étrangères, mais cela témoigne malgré tout d'une appétence renouvelée des apprentis pour les métiers manuels.

 

Évidemment, généraliser le constat ne serait pas pertinent : "La situation des jeunes sur le marché du travail n'est pas uniforme", relève la directrice générale du CIDJ, Sophie Bosset-Montoux, en introduction du guide. "Leurs perspectives d'insertion diffèrent fortement selon leurs diplômes ou niveaux de qualification, leur sexe, leur situation de handicap." Les attentes des salariés de demain ont aussi été influencées par la pandémie : "Les enquêtes confirment qu'ils sont à la recherche d'un emploi 'porteur de sens' et attentifs à l'impact social ou environnemental des actions menées par les entreprises. Idem en matière de management, qu'ils espèrent 'plus souple et plus responsabilisant'."

 

Des jeunes déjà bien présents

 

Est-le cas dans le secteur de la construction ? D'après le guide de l'association, qui cite l'Observatoire des métiers du BTP, la filière compte 1,5 million de salariés et 157.000 intérimaires à temps plein. En croisant les chiffres des différentes organisations représentatives, on constate que le métier le plus répandu est celui de maçon (116.800 personnes), suivi par les postes d'encadrement, comme les chefs de chantiers et les conducteurs de travaux (73.000), les peintres (53.000) et les menuisiers (49.500). Les effectifs sont à l'inverse beaucoup plus faibles pour les soliers moquettistes (3.000), les grutiers (2.500) et les tailleurs de pierre (1.100). Dans les travaux publics, les travaux routiers (84.500 personnes), le terrassement (44.600) et les travaux électriques (42.300) sont les trois premiers segments en termes d'effectifs.

 

La filière reste dans son ensemble confrontée à de nombreuses tendances, positives ou négatives. L'Île-de-France reste notamment la première région en termes de recrutements, du fait de la construction des 68 gares et 200 kilomètres de voies ferrées du Grand Paris Express, qui nécessite d'ailleurs tous les niveaux de formation, de la conception à la réalisation. Au niveau national, trois métiers connaissent cependant d'importantes difficultés d'embauches : les charpentiers bois, les couvreurs et les géomètres. Les jeunes sont malgré tout déjà parvenus à se faire une place dans le secteur, dans la mesure où les moins de 30 ans représentent 30% des ouvriers non qualifiés du gros-oeuvre, 33% de ceux du second-oeuvre, 16% des techniciens et agents de maîtrise et 19% des cadres.

 

Toujours plus d'apprentis mais toujours peu de femmes

 

Les effectifs d'apprentis n'ont cessé d'augmenter depuis plusieurs années : +5% en 2018, +5% en 2019 et +7% en 2020. Les CAP (certificats d'aptitude professionnelle) représentent 60% des effectifs, les BP (brevets professionnels) et titres complémentaires 15%, les BTS (brevets de technicien supérieurs) 10% et les Baccalauréats pro 8%. La filière affiche toutefois un taux important d'abandon en cours de formation, de l'ordre de 27% contre 13% dans les autres secteurs d'activité. Les acteurs se mobilisent par le biais de dispositifs comme les "15.000 jeunes bâtisseurs" de la Fédération française du bâtiment (FFB), qui ambitionne de former des jeunes issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

 

Il reste par ailleurs toujours difficile pour les femmes de s'insérer dans un milieu résolument très masculin : seulement 11,8% des salariés du secteur sont des femmes, dont 1,3% sur les chantiers. "Mais 8,1% travaillent dans l'encadrement des chantiers : 21% sont ingénieures et 13% conductrices de travaux", nuancent les auteurs du guide.

 

 

Sur le plan de l'emploi, le BTP n'en demeure pas moins attractif dans la mesure où il propose tous types de contrats : apprentissage, professionnalisation, intérim, CDD (contrats à durée déterminée) et CDI (contrats à durée indéterminée). "Plus de 67% des projets de recrutement [étaient] envisagés en CDI en 2021", ajoute le CIDJ, renvoyant à une enquête de Pôle Emploi. Au-delà de l'intérim dont le poids reste toujours très important dans le secteur, la mise en place en 2020 du "CDI apprenant" a aussi tenté de résoudre les tensions de 17 métiers, du conducteur d'engins à l'électricien en passant par le plombier/chauffagiste et le tuyauteur/soudeur.

 


Quels sont les métiers recherchés et les métiers émergents dans le BTP ?

 

L'Observatoire des métiers du BTP a identifié 18 métiers en tension dans le bâtiment : serrurier-métallier, plâtrier-plaquiste, couvreur, métiers de l'encadrement, maçon, installateur d'équipements thermiques et climatiques, charpentier, fonction études, menuisier, plombier, peintre, solier moquettiste, carreleur, électricien, conducteur d'engins, étancheur, grutier et tailleur de pierre.

 

Dans les travaux publics, ce nombre tombe à 12 : canalisateur, métiers de l'encadrement, charpentier, études, grutier, étancheur, mécaniciens d'engins de chantier, constructeur de routes, conducteur d'engins, constructeur en ouvrage d'art et monteur de réseaux électriques.

 

Avec le boom de la rénovation énergétique, des nouveaux métiers sont également promis à un bel avenir : conseiller en rénovation énergétique et écoconstruction, ingénieur en efficacité énergétique, économiste du bâtiment, artisans de la rénovation énergétique, ingénieur
"smart building", "BIM modeleur" et "BIM manager".

 


Tendances de fond

 

Quoi qu'il en soit, les perspectives d'embauches s'avèrent "particulièrement importantes" du fait de plusieurs marchés très dynamiques, comme la rénovation énergétique, la construction bois ainsi que (plus inattendu) le développement de la filière piscine-spa - la France est le 1er marché européen et le 2e mondial derrière les États-Unis. Avec les 6,7 milliards d'euros débloqués par le plan France Relance pour rénover logements, locaux professionnels et bâtiments publics, et l'entrée en vigueur de la Réglementation environnementale 2020, les segments de la rénovation thermique et de l'écoconstruction ne devraient pas s'ennuyer, particulièrement pour les systèmes de chauffage et de production d'eau chaude sanitaire.

 

L'électrification tous azimuts des bâtiments, de l'industrie et des infrastructures remplira aussi les carnets de commandes de la filière électrique. La RE2020 implique également pour la filière bois de se retrousser les manches pour relever le défi. Attendue au tournant par les pouvoirs publics qui ont déjà débloqué des enveloppes de soutien, notamment par le biais d'appels à projets, elle compte aussi sur le "plan ambition bois-construction" de l'UICB (Union des industriels et constructeurs bois et biosourcés), lequel mise sur "75.000 emplois d'ici cinq ans et 60% des entreprises" qui augmenteront leurs effectifs.

 

De la place pour les jeunes diplômés

 

Pôle Emploi prévoit pour l'ensemble du secteur 217.600 projets de recrutements "dont plus de 20% en Île-de-France (44.000), devant Auvergne-Rhône-Alpes (26.500)". Sur ce total, les entreprises tablent sur 67% d'embauches en CDI, les ouvriers qualifiés arrivant largement en tête (101.500) devant les ouvriers non qualifiés (59.000).

 

Les jeunes diplômés devraient réussir à s'y faire une place. Les prévisions de l'Apec (Association pour l'emploi des cadres) envisagent ainsi que 12.350 postes pourraient être pourvus, "7.570 dans les travaux de construction spécialisés et 4.780 dans le bâtiment, génie civil et matériaux de construction". Les débouchés varient en fonction des critères d'âge et d'expérience : "17% de jeunes avec moins d'un an d'expérience et 27% de 1 à 5 ans d'expérience seront recrutés dans le bâtiment ; les travaux de construction spécialisés recherchent 15% de jeunes avec moins d'un an d'expérience et 28% de 1 à 5 ans".

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