DEBAT. A l'occasion de sa journée inaugurale, la Biennale d'architecture et de paysage d'Ile-de-France a rappelé le casting des 10 architectes qui composaient l'Atelier international du Grand Paris, qui présentaient leurs propositions pour leur territoire dix ans plus tôt.

Lors de la première édition de la Biennale d'architecture et de paysage d'Ile-de-France, il était surtout question de souffler les dix bougies du projet du Grand Paris. Après une matinée consacrée au projet politique, ce 3 mai 2019, huit des dix architectes de l'Atelier international du Grand Paris se retrouvaient pour une rétrospective quant au projet de territoire.

 

Dix ans après, les esquisses des 15 équipes de l'AIGP se sont-elles concrétisées ? De Roland Castro à Jean Nouvel, en passant par Christian de Portzamparc, Antoine Grumbach et Paola Vigano, d'importants pas ont été faits avec l'avancée des travaux du Grand Paris express, ou la succession des appels à projets innovants Réinventer Paris et Inventons la Métropole.

 

Pour Roland Castro, auteur du rapport "Paris en grand" après avoir été missionné par le Président de la République, la tour Emblématik, inaugurée en début d'année est pour l'heure la seule émanation en dur de son projet "Habiter le ciel" et sa réflexion sur "le village vertical".

 

Suivre le tracé de la Seine

 

L'architecte Antoine Grumbach a toujours structuré sa réflexion sur le Grand Paris en tant qu'entité indissociable des métropoles de Rouen et du Havre, suivant le tracé de la Seine. Pour ce défenseur de l'approche "à grande échelle", d'importantes avancées ont été menées au cours de la décennie avec "la création d'un unique port Haropa, l'unification des grandes entités économiques que sont les Chambres de commerce, les différentes agences d'urbanisme qui travaillent ensuite dans une volonté de construire". Il regrette cependant "l'incapacité" du préfet nommé à la Vallée de la Seine "à créer une mission de travail avec les architectes, urbanistes et paysagistes". Un coup d'arrêt, selon lui, à l'alliance entre Paris et la Normandie en tant que nouvelle région-capitale.

 

 

A son échelle actuelle, la métropole du Grand Paris a-t-elle réussi à poser les bases d'un brouillage des frontières incarnées par le périphérique ? Pour l'architecte et urbaniste François Leclercq, alors membre du groupe Descartes, il faut surtout réfléchir à la manière dont "Paris pouvait travailler avec le lointain, par nécessité climatique et le désir des gens de participer à la dynamique d'une ville".

 

Cette vision à grande échelle, n'est, selon Djamel Klouche, "pas encore accomplie" quant à son alliance avec la vision à petite échelle. Sur cette dernière, l'architecte d'AUC estime que des concours comme Réinventer Paris et Inventons la métropole ont joué un rôle de "stimuli intéressants", mais "déconnectés d'une vision de grande échelle, et n'arrivant pas à construire une vision que tous les franciliens pourraient partager".

 

"Limiter les villes et de stopper l'étalement urbain"

 

Un constat un peu amer donc, qui se fait également ressentir dans les propos des deux lauréats français du Pritzker Jean Nouvel et Christian de Portzamparc. Pour le premier, le Grand Paris n'a pas encore réussi le pari des lisières, que l'architecte portait, à savoir de "limiter les villes et de stopper l'étalement urbain". Même constat du côté des "clusters", ces pôles de centralités imaginés par Nicolas Sarkozy, pour n'en citer qu'un, celui de Saclay. "On réalise qu'il faut convaincre les gens pour venir quelque part, mais s'il n'y a pas de plaisir, ça ne fonctionne pas."

 

Christian de Portzamparc, lui, juge que la lutte des architectes pour leur vision du Grand Paris a eu raison de la machine administrative. "Le problème est que le Grand Paris est géré par une administration qui voit les choses un peu comme dans un couloir de natation, avec un objectif figé de résultats, au lieu d'une vision holistique qui assemble les techniques et les savoirs", a-t-il déploré.

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