INTERVIEW. La députée LREM Marjolaine Meynier-Millefert, co-animatrice du Plan de rénovation énergétique de l'habitat, a livré à Batiactu sa réaction au départ de Nicolas Hulot et à l'arrivée de François Rugy à la tête du ministère de la Transition écologique et solidaire. L'occasion aussi de faire le point sur les objectifs et les moyens de sa structure.

Lundi 27 août 2018, Nicolas Hulot a pris tout le monde de court - à commencer par l'exécutif - en annonçant sa démission. Au micro de France Inter, l'ancien animateur télé a notamment déclaré : "On veut rénover 500.000 passoires thermiques. Or, on a baissé de moitié les moyens pour rénover ces bâtiments. Je sais déjà, au moment d'acter ce plan de rénovation, que l'on ne pourra pas atteindre les objectifs". Une claque pour le président de la République et le Premier ministre, dont la politique environnementale et énergétique est ainsi remise en cause. Pendant plus d'une semaine, s'en sont suivi des tractations pour trouver un successeur à Nicolas Hulot. Mardi 4 septembre, Emmanuel Macron et Edouard Philippe ont finalement choisi François de Rugy, jusque-là député LREM de Loire-Atlantique et président de l'Assemblée nationale, pour reprendre le poste de ministre d'Etat, ministre de la Transition écologique et solidaire.

 

 

Batiactu a fait le point sur ce mini-remaniement gouvernemental, et sur les changements qu'il implique, avec la députée LREM de la 10e circonscription de l'Isère, Marjolaine Meynier-Millefert, par ailleurs à la tête du Plan de rénovation énergétique de l'habitat, aux côtés du président de Qualibat, Alain Maugard. L'occasion également pour la parlementaire de livrer son analyse du rôle et du fonctionnement de sa structure, et de se pencher sur les objectifs fixés et les moyens alloués. Entretien.

 

Batiactu : L'actualité politique a été particulièrement chargée ces derniers jours, entre la démission surprise de Nicolas Hulot et l'arrivée de François de Rugy au ministère de la Transition écologique et solidaire. Que retenez-vous des motifs invoqués par Nicolas Hulot pour expliciter son départ ?

Marjolaine Meynier-Millefert : Je partage l'avis de Nicolas Hulot concernant le Plan de rénovation énergétique de l'habitat. Mais à vrai dire, lui-même ne l'a pas suffisamment porté de mon point de vue... C'est le problème d'avoir un Plan à équidistance de deux ministères : chaque ministre apporte son soutien de principe, mais aucun n'en fait pleinement sa priorité, ce qui pénalise finalement les arbitrages au quotidien. C'est pour cette raison que je considère personnellement que l'écologie ne peut pas constituer un ministère à part. Le gouvernement devrait se doter d'une feuille de route environnementale globale, coordonnée par le ministère de l'Ecologie. La transversalité de ce sujet devrait s'appliquer dans tout l'exécutif. Peut-être pourrait-on envisager d'attribuer des doubles tutelles aux secrétaires d'Etat, par exemple : Economie-Ecologie, Agriculture-Ecologie... et pourquoi pas aussi Finances-Ecologie, car il y aurait à faire pour trouver des mécanismes financiers sur la transition énergétique. Bref, je pense qu'il y a des sujets trop transversaux dans l'environnement pour ne pas être portés directement par chaque ministère.

 

Batiactu : Etes-vous donc partisane d'un "super-ministère" qui allierait notamment les domaines de l'écologie et du logement ?

Marjolaine Meynier-Millefert : Je suis plus réservée sur cette hypothèse. Dans le cas d'un super-ministère, qui traitera tel ou tel sujet ? Il risque d'y avoir un empilement d'interlocuteurs et de structures traitant d'une multitude de sujets. L'idée de mutualiser certains services et certains budgets pour s'attaquer à certains dossiers est pertinente, mais elle doit rester cohérente et surtout efficace.

Batiactu : Où en êtes-vous de l'exécution du Plan de rénovation énergétique ? Ce changement de ministre pourrait-il impacter votre mission ?

Marjolaine Meynier-Millefert : Nous avions eu une conversation fort intéressante avec Michèle Pappalardo [directrice de cabinet de Nicolas Hulot, NDLR] avant la pause estivale au sujet du Plan de rénovation, et notre rôle de co-animateurs, avec Alain Maugard, devait être renforcé à la rentrée. De même, nos retours devaient être plus écoutés, et la nomination d'un délégué interministériel pour travailler étroitement avec nous sur ces problématiques était sérieusement envisagée. Inévitablement, la démission de Nicolas Hulot vient bousculer ce qui avait été décidé. Maintenant que François de Rugy a été nommé, il s'agit dorénavant de travailler avec le nouveau ministre de la Transition écologique.

Batiactu : S'agissant du Plan de rénovation énergétique, quel point d'étape pouvez-vous faire de votre copilotage de cette structure ?

Marjolaine Meynier-Millefert : Mon analyse rejoint ce que j'ai dit précédemment sur la transversalité des thématiques environnementale et énergétique. Dans le Plan de rénovation, il y a toujours un domaine qui s'impose aux autres : le prisme du logement est plus fort chez Jacques Mézard, le prisme de l'écologie était plus fort chez Nicolas Hulot... C'est évidemment logique, mais le but est d'arriver à une coordination entre tous les ministères compétents. En outre, on assiste parfois à un manque de bon sens : par exemple, pourquoi le budget de l'ANRU [Agence nationale de rénovation urbaine, NDLR] n'est-il pas intégré au budget du Plan de rénovation, alors que les objectifs poursuivis par les deux structures sont les mêmes ? Il manque une vision périphérique sur certains sujets.

 

"On assiste parfois à un manque de bon sens : par exemple, pourquoi le budget de l'ANRU n'est-il pas intégré au budget du Plan de rénovation, alors que les objectifs poursuivis par les deux structures sont les mêmes ?"

Batiactu : Quelles seraient alors les améliorations à apporter ?

Marjolaine Meynier-Millefert : Globalement, le Plan de rénovation énergétique n'a pas la place qu'il devrait avoir. Il demande une vaste coordination auprès d'un grand nombre d'acteurs, il nécessite une forte présence dans les territoires, et il requiert beaucoup d'investissements, dans tous les sens du terme. C'est pourquoi le rôle des deux coordinateurs, Alain Maugard et moi-même, avait été réévalué, car il était jusqu'à présent trop marginal. Il nous faudrait davantage de pouvoir décisionnel et de moyens, car nos retours ne sont pas toujours entendus. Nous pourrions être plus écoutés si notre structure bénéficiait d'effectifs supplémentaires.

 

Je pense que nous devrions passer d'un fonctionnement incitatif auprès des particuliers et des professionnels, à un fonctionnement de recherche active et coordonnée des dossiers concernés par la rénovation énergétique. Car les acteurs attendent qu'on leur apporte directement les solutions. Notre fonctionnement doit donc être davantage rationnel : il nous faut partir du terrain. D'autant que la filière bâtiment est à 100% d'accord sur les objectifs bas carbone, elle est même un moteur du changement. Il est donc temps que le Plan de rénovation entre dans sa phase opérationnelle.

 

 

"Je pense que nous devrions passer d'un fonctionnement incitatif auprès des particuliers et des professionnels, à un fonctionnement de recherche active et coordonnée des dossiers concernés par la rénovation énergétique."

Batiactu : Dans ces conditions, comment percevez-vous la nomination de François de Rugy au ministère de la Transition écologique et solidaire ? Et comment souhaitez-vous travailler avec lui sur ces sujets ?

Marjolaine Meynier-Millefert : J'estime que François de Rugy a la carrure pour assumer ce poste. C'est audacieux de sa part d'avoir accepté cette mission, ce qui prouve sa conviction et son engagement sur les questions écologiques. De plus, il connaît les règles du jeu politique, certainement plus que Nicolas Hulot, et c'est également quelqu'un de pragmatique. J'espère donc que la nomination de François de Rugy va porter ses fruits sur le long terme, et qu'elle s'inscrit dans une réflexion élargie. Je vais prendre rendez-vous avec le nouveau ministre dès que possible pour discuter avec lui de tous ces sujets, et avoir des réponses concrètes.

 

"J'espère que la nomination de François de Rugy va porter ses fruits sur le long terme, et qu'elle s'inscrit dans une réflexion élargie. Je vais prendre rendez-vous avec le nouveau ministre dès que possible pour discuter avec lui de tous ces sujets, et avoir des réponses concrètes."

 

La prochaine étape du Plan de rénovation doit être celle de la mise en œuvre, malheureusement interrompue par le départ de Nicolas Hulot. Les flottements relatifs aux arbitrages budgétaires doivent quant à eux être tranchés. Pour que le Plan fonctionne, sa structuration a intérêt à être renforcée, avec des équipes plus complètes et une volonté politique affirmée. Le lancement de la marque "Faire", le 10 septembre prochain, est une preuve que les choses avancent, mais nous devons aller encore plus loin et passer à la vitesse supérieure. Nicolas Hulot n'a pas su utiliser les outils à sa portée, il n'a pas su jouer avec les règles établies du jeu ; or on ne peut s'en affranchir. François de Rugy endossera certainement mieux ce rôle. Dans tous les cas, le Plan de rénovation constitue le principal enjeu du moment. Il n'y a plus qu'à lancer la machine !

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