TRIBUNE. Suite à la démission fracassante du ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, 10 associations écologistes co-signent une tribune pour interpeller directement Emmanuel Macron et Édouard Philippe sur la politique environnementale à suivre. Extraits.

Nicolas Hulot a claqué la porte du gouvernement d'Édouard Philippe ce lundi 28 août. Pour 10 associations écologistes, il s'agit d'un signal fort que l'exécutif doit entendre. La Fondation pour la nature et l'homme (créée par Nicolas Hulot), Agir pour l'environnement, France nature environnement, Générations futures, Les amis de la Terre, Réseau sortir du nucléaire, l'Action des citoyens pour le désarmement nucléaire, l'Association pour la protection des animaux sauvages, Virage énergies et la Société nationale de protection de la nature ont donc co-signé une tribune, publiée sur le site de FranceInfo, pour alerter sur le nécessaire "sursaut" à adopter en matière de politique environnementale. Morceaux choisis.

 

"Petits arrangements et grands renoncements"

 

"L'orientation politique du chef de l'État ne laissait que peu de place à une véritable transition écologique et solidaire", attaque d'emblée le texte. "Malgré l'ambition affichée du ministre de l'Écologie, la volonté d'Emmanuel Macron de ménager la chèvre écologique et le chou productiviste n'a pas contribué à créer la condition d'une politique écologique lisible et cohérente", dénoncent les associations. Avant d'énumérer les "échecs" de Nicolas Hulot à la tête de son ministère : "De la non-interdiction du glyphosate aux multiples décisions favorables à la construction de nouvelles autoroutes, du non-choix en matière de transition énergétique à l'importation d'huile de palme, des ultimes cadeaux faits au lobby de la chasse en passant par le Ceta [l'Accord économique et commercial global, en anglais Ceta, est un traité international de libre-échange conclu entre l'Union européenne et le Canada, entré en vigueur le 21 septembre 2017, NDLR], la longue liste des petits arrangements et grands renoncements a rythmé l'année ministérielle de Nicolas Hulot."

 

 

Un bilan qui se conclut de manière acide : "Nicolas Hulot a constaté, amèrement mais honnêtement, que notre pays a hoqueté, voire régressé, en matière environnementale."


"Une écologie des mots"

 

Mais la charge de cette tribune ne s'arrête pas là : les 10 associations écolos attaquent frontalement le président de la République en fustigeant sa politique en matière d'écologie et de développement durable, jugée dérisoire : "Implicitement, le départ du désormais ancien ministre de l'Écologie révèle la superficialité de l'engagement écologique d'Emmanuel Macron, optant pour une écologie des mots, privilégiant les discours aux actes [...]." Ce qui amène le collectif à s'interroger sur la place et le rôle que doit assumer le ministre de la Transition écologique et solidaire au sein du gouvernement, face aux enjeux environnementaux et surtout aux pressions des milieux économique, financier et industriel : "Le départ précipité de Nicolas Hulot est l'occasion de requestionner la place du ministre de l'Écologie dans le dispositif institutionnel. Placé au sommet de l'ordre protocolaire, le ministre de l'Écologie est sommé de trouver des compromis entre acteurs aux intérêts profondément divergents. […] Face au ministère de l'Agriculture, à ceux de l'Économie, de l'Industrie ou de la Défense, face aux lobbies agricoles, nucléaires, à celui du BTP, face à l'orientation libérale du gouvernement Philippe, la marge de manœuvre du ministre de l'Écologie était étroite, voire inexistante."

Le sort de Nicolas Hulot était-il donc scellé dès le départ, dès la formation du gouvernement ? Le président de la République et le Premier ministre se doutaient-ils qu'il y aurait incompatibilité entre les convictions de l'ancien animateur télé et la ligne économique adoptée par l'exécutif ? Le collectif assène : "La notoriété médiatique est insuffisante face aux petits soldats du productivisme, prêts à tout pour préserver leurs acquis."


Nicolas Hulot a démissionné... et après ?

 

Ceci dit, que proposent les 10 associations, maintenant que Nicolas Hulot s'en est allé ? "Cette démission est le symptôme d'une immense incompréhension", notent-elles. "La transition écologique n'est ni une promenade de santé, ni un supplément d'âme pour politiciens sans imagination. Emmanuel Macron aurait tort de mésestimer le symbole que représente cette démission surprise." Avant de prévenir que le désormais célèbre adage du locataire de l'Élysée, le 'en même temps', ne pourrait s'appliquer en permanence, sur tous les sujets : "Emmanuel Macron ne peut continuellement à aspirer à la synthèse là où nous attendons des choix clairs, ambitieux et pleinement assumés."

 

Dès lors, quelle feuille de route adopter ? La réponse du collectif reste vague, se contentant - encore une fois - de tirer la sonnette d'alarme : "La démission de Nicolas Hulot est une invitation à changer de cap tout en osant rompre avec la facilité des Trente glorieuses et 'Cinquante' gaspilleuses. Face aux conservatismes qui s'expriment à tous les niveaux de l'Etat, la démission de Nicolas Hulot appelle un sursaut. Nul doute qu'au lendemain d'une démission qui a tant fait parler, Emmanuel Macron devra faire sien l'aphorisme de Pierre Mendès-France, 'gouverner, c'est choisir'."

Le Palais entendra-t-il le message ? Nul doute que ce collectif écolo suivra l'affaire de près.

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