FRONT COMMUN. Courrier au Président, tribune dans la presse, pétition sur Internet… les architectes usent de tous les outils à leur disposition pour montrer leur opposition à la version actuelle de la loi Logement dite "Elan", qui doit être examinée au Parlement à partir du 20 février 2018. Brigitte Métra, qui fait partie des signataires de la tribune, explique à Batiactu les fondements de cette mobilisation des professionnels.

"Nous en sommes à 1.380 signataires aujourd'hui entre la tribune, la pétition sur Internet et les courriels", annonce Brigitte Métra, architecte fondatrice de l'agence Métra+Associés et signataire d'une tribune publiée en ligne. Elle distingue d'illustres noms, comme Jean Nouvel, Rudy Ricciotti, Roland Castro ou Dominique Perrault, mais insiste sur l'ampleur du mouvement : "Le CNOA s'est mobilisé, puis une lettre a été envoyée au Président de la République. Les enjeux sont d'une taille qui dépasse le cadre de l'Ordre". Pour la membre de l'Académie d'architecture, la suppression des concours d'architectes pour les programmes de logements sociaux est une erreur : "C'est fragiliser un domaine, celui du logement social de qualité. Car la bonne architecture ne fait pas perdre d'argent, bien au contraire".

 

 

Pour Brigitte Métra, il s'agit donc d'un "faux argument que celui de la perte de temps et d'argent dans les concours". Elle explique : "Stop à la recherche de rentabilité ! Le privé qui représente aujourd'hui 80 % des constructions, a pris le pas sur le public qui a donc tendance à s'aligner sur une logique de produits financiers. Mais c'est une perte de qualité. Le patrimoine, mal conçu, sera impossible à rénover". L'architecte a donc signé, comme nombre d'autres membres de la profession, une tribune qui dresse le constat d'une situation qui, selon eux, s'aggrave d'année en année. Le texte note d'abord que les inégalités spatiales et territoriales se creusent, avec des centres villes de métropoles où même les classes moyennes ont du mal à se loger et que les populations les plus modestes sont repoussées de plus en plus loin. Il soutient ensuite l'argument de la qualité perdue des logements neufs : "Sur les 10 dernières années, un 3 pièces a perdu de 15 à 20 % de sa surface, soit l'équivalent d'une pièce. Les cuisines, éloignées des façades, n'ont plus d'éclairage direct ni de ventilation naturelle ; elles sont intégrées à un 'séjour' trop réduit".

 

Une autre politique pour le logement et le foncier

 

 

La tribune passe ensuite sur les charges d'entretien qui explosent du fait de cette non-qualité. Des travaux d'entretien prématuré doivent être lancés 5 ou 10 ans après la construction d'immeubles pour des malfaçons ou des vices cachés. Ce qui précarise encore les acquéreurs, engagés dans des remboursements de prêts longs. Le texte évoque : "Ainsi, le logement ne peut être assujetti aux seules logiques du profit. Le législateur ne doit pas créer les conditions qui fabriquent aujourd'hui les quartiers dégradés de demain". Et les professionnels appellent le gouvernement à mettre en œuvre une autre politique du logement en France. Ils formulent trois vœux.

 

Le premier est que l'Etat soit garant du maintien de la qualité architecturale des logements par le biais de procédures d'achat public transparentes et équitables. Il s'agit donc de conserver les dispositions de la loi MOP qui serait, à en croire des bruits de couloirs entendus par Brigitte Métra, "menacée de suppression dans son ensemble". Ensuite, que l'Etat s'engage dans la rénovation du bâti existant au-delà de la seule question thermique. Les architectes souhaitent une politique de rénovation plus globale, incorporant des aspects de qualité d'usage (à l'image de ce que propose le Club de l'Amélioration de l'Habitat) ou d'insertion urbaine. Enfin, que l'Etat soutienne une politique foncière novatrice, en encourageant des montages qui limiteraient cette charge dans le coût du logement. La tribune conclut : "Notre pays est envié dans le monde pour la qualité de son patrimoine, de son architecture 'expression de la Culture' selon l'article 1 de la loi sur l'Architecture de 1977, et de sa politique du logement". Les professionnels de la filière souhaitent donc que les débats sur la loi Elan permettent de valoriser leur excellence et de sensibiliser les acteurs chargés de la commande publique à une architecture plus durable et qualitative.

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