CONJONCTURE. En cette fin du mois d'août 2019, les grands groupes du BTP publient leurs résultats semestriels. Bouygues, Eiffage ou encore Colas affichent des chiffres d'affaires en hausse, malgré des résultats nets en perte de vitesse. L'actualité leur reste tout de même favorable, et les perspectives demeurent optimistes. Certains dirigeants sont aussi revenus sur la "surchauffe" des chantiers en région parisienne. Détails.

La météo du premier semestre 2019 aura été limpide pour les majors du BTP. En cette fin du mois d'août, les grands groupes publient leurs résultats financiers à mi-parcours de l'exercice budgétaire en cours, et les chiffres témoignent d'une consolidation de leur activité.

 

De bons résultats... et du mouvement chez Bouygues

 

Pour commencer, les activités construction du groupe Bouygues affichent un chiffre d'affaires de 13,39 milliards d'euros, soit une hausse de 11% sur un an. Le résultat opérationnel courant de l'entité Bouygues Construction a progressé de 6 millions d'euros sur 12 mois, pour finalement s'établir à 179 millions d'euros. Celui de Bouygues Immobilier se rétracte de 49 millions d'euros, tombant à 29 millions au total. Depuis le début de l'année, cette tendance serait due à la très faible activité en immobilier d'entreprise et à la hausse du coût des travaux consécutive au pic de réservations de logements enregistré par le marché en 2017. Le carnet de commandes globales se stabilise à un niveau élevé, avec 33,8 milliards d'euros inscrits à fin juin 2019 : en France, les activités de construction de Bouygues sont cependant en retrait de 4% à 14,5 milliards d'euros ; le carnet de commandes de Bouygues Construction s'établit pour sa part à 8,7 milliards, en baisse de 2%, mais intégrant toutefois l'obtention du contrat de réalisation du nouvel écoquartier Issy Coeur de ville pour un montant de 258 millions (voir encadré).

 

Chez Bouygues Immobilier, le carnet de commandes se chiffre à 2,2 milliards, ce qui représente une chute de 14% par rapport à 2018. Le groupe privé explique cette situation par la baisse du marché résidentiel et le décalage de projets en immobilier d'entreprise, qui devraient pour leur part aboutir au quatrième trimestre 2019. Sur la scène internationale, le major reste en revanche ancré sur des marchés porteurs : le carnet de commandes atteint ainsi 19,2 milliards à la fin juin 2019, toutes activités construction confondues, en augmentation de 8% en comparaison à la même période un an plus tôt. On notera que Bouygues Construction a décroché un contrat de construction d'une tour de bureaux à Hong-Kong pour un montant de 89 millions d'euros. Au global, l'international représente 61% du carnet de commandes de Bouygues Construction et de Colas à la fin juin 2019, contre 57% en juin 2018. Enfin, le groupe Bouygues souffre des mauvaises performances de l'industriel Alstom, dont il détient environ 30% du capital : le bénéfice net de cette branche d'activité a fondu de 50% en un an.

 


Un nouveau directeur financier chez Bouygues et un contrat à 258 millions d'euros

 

A l'occasion de la présentation de ses résultats semestriels 2019, le groupe Bouygues a annoncé que son actuel directeur général délégué et directeur financier, Philippe Marien, va faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er octobre prochain. Après une carrière de presque 40 ans au sein de l'entreprise privée, Philippe Marien, âgé de 63 ans, sera remplacé par Pascal Grangé, qui vient de la filiale construction du groupe. La nomination d'un second directeur général adjoint chargé de l'innovation et du risque a en outre été annoncée, en la personne de Gilles Zancanaro.

 

Par ailleurs, Bouygues a remporté le contrat de réalisation du nouvel écoquartier Issy Coeur de ville à Issy-les-Moulineaux, dans les Hauts-de-Seine. Pour un montant de 258 millions d'euros, le groupe va donc participer à la construction de ce quartier intégralement piéton représentant plus de 100.000 m² à aménager, mêlant logements, bureaux, commerces et écoles. Dans un communiqué, le major précise que le promoteur Altarea Cogedim "a attribué à Bouygues Bâtiment Ile-de-France et Bouygues Energies & Services, filiales de Bouygues Construction, un contrat de 258 millions d'euros pour la construction du nouvel écoquartier (...)".

 


Colas décroche nombre de marchés mais creuse son endettement

 

Quant à Colas, son chiffre d'affaires à la mi-2019 enregistre +9%, atteignant ainsi 5,8 milliards d'euros. Dans le détail, la part France passe de 2,8 à un peu plus de 3 milliards entre le premier semestre 2018 et le premier semestre 2019, soit une hausse de 8%, tandis que la part international passe de 2,5 à 2,7 milliards dans le même laps de temps, ce qui représente une augmentation de 10%. Le résultat net part du groupe s'améliore, passant de -129 à -102 millions d'euros (+27%). En revanche, l'endettement financier net de Colas continue à se creuser, passant de 1,3 à 1,5 milliard d'euros, soit une dégringolade abyssale de 241 millions d'euros.

 

Par segments d'activité, les routes affichent un chiffre d'affaires de 5,1 milliards d'euros, en hausse de 10%. Le marché hexagonal profite d'un certain dynamisme et permet au chiffre d'affaires de la France métropolitaine d'enregistrer +13%. A l'échelle européenne, le chiffre d'affaires de Colas pour les travaux routiers bénéficie d'une légère progression de 3%, grâce aux marchés britannique et irlandais. En Amérique du Nord, la hausse de l'activité est de 16%, avec une croissance notable aux Etats-Unis mais une stabilité au Canada. Dans le reste du monde (donc l'international hors Europe et Amérique du Nord), le chiffre d'affaires des routes se rétracte de 1%, avec une activité qui recule en Afrique mais qui progresse en Asie-Pacifique.

 

Les autres spécialités de Colas affichent quant à elles un chiffre d'affaires de 800 millions d'euros au premier semestre 2019, en recul de 1% en comparaison à l'année précédente. Le ferroviaire, autre segment important de l'activité du groupe via son entité Colas Rail, bondit certes de 17%, mais est néanmoins contrebalancée par celle de Spac (réseaux), qui chute de 12%. A noter : Colas a cédé son entité Smac à OpenGate Capital, d'où une contribution de l'activité étanchéité égale à celle enregistrée au premier trimestre 2019, soit 100 millions d'euros. Globalement, le carnet de commandes de Colas s'élève fin juin 2019 à 9,9 milliards d'euros, en hausse de 4%, avec 3,6 milliards pour la France métropolitaine (+9%) et 6,3 milliards pour l'international et l'Outre-Mer (+5%). Le groupe estime par ailleurs que la bonne forme de son activité routes devrait compenser l'impact de la cession de Smac dans les mois à venir.

 

 

L'activité génie civil d'Eiffage s'envole de 57,5% en France

 

Du côté d'Eiffage, l'heure est aussi aux bonnes nouvelles. Le numéro 3 tricolore du BTP a profité d'une hausse de 11,6% de son chiffre d'affaires durant les six premiers mois de l'année 2019, pour atteindre les 8,54 milliards d'euros. Parallèlement, le groupe a vu son bénéfice net grimper de 33,6% sur un an, atteignant les 290 millions d'euros.

 

"Le semestre confirme la dynamique de croissance et est marquée par des succès majeurs dans les concessions", a déclaré Benoît de Ruffray, président-directeur général d'Eiffage, lors de la présentation des résultats. "La croissance des résultats du premier semestre et la bonne tenue du carnet de commandes confortent nos perspectives de progression de l'activité pour 2019", a abondé le directeur financier d'Eiffage, Christian Cassayre.

 

En effet, la branche Travaux engrange 14%, à plus de 7,1 milliards d'euros, pour un chiffre d'affaires de 4,9 milliards en France (+14,3%) et environ 2,2 milliards à l'international (+13,2%), dont 5,8% - 113 millions - dus aux acquisitions de 2018 opérées en Suisse (Eiffage Suisse) et aux Pays-Bas (Kropman). Le groupe souligne que l'Europe pèse dorénavant 26% du chiffre d'affaires de sa branche Travaux, concentrant une majeure partie du développement à l'international du major. L'activité de la branche Construction progresse de 10% pour atteindre un peu plus de 2 milliards d'euros (+8% en France et +15,9% à l'international). L'activité immobilière du groupe concentre 2.534 réservations de logements contre 2.237 au premier semestre 2018. La branche Infrastructures voit son chiffre d'affaires croître de 21,1% à 3 milliards d'euros, avec une hausse marquée de 29,4% dans l'Hexagone et une, moins spectaculaire, de 7,5% à l'international, dont 5,2% en Europe. En France, la route enregistre +14,3%, le métal +9,1%, pendant que le génie civil s'envole de 57,5%, grâce à la montée en puissance des chantiers du Grand Paris Express. La branche Energie Systèmes profite d'une augmentation de 8,6% de son activité, à 2,1 milliards d'euros, dont 3,8% en France, et 21% à l'international. Enfin, la branche Concessions enregistre une croissance timide de 1,3%, à plus de 1,4 milliard d'euros.

 

Les perspectives pour le reste de l'exercice 2019 demeurent positives pour le groupe Eiffage, qui met en avant le carnet de commandes (14,9 milliards d'euros, +3%) de sa branche Travaux, lequel devrait assurer plus d'un an d'activité à ses équipes. De plus, le major mise sur sa désignation dans plusieurs opérations de concessions : le 13 juin 2019, le ministère de la Transition écologique a choisi le groupement composé d'Eiffage (mandataire) et d'APRR (entité du groupe dédiée aux autoroutes) comme "concessionnaire pressenti unique" pour la concession de la fameuse Route Centre-Europe Atlantique (RCEA, surnommée la "route de la mort" pour son caractère dangereux), d'une durée de 48 ans. Et le 12 juillet dernier, le groupement Eiffage (majoritaire) - Aéroport Marseille-Provence a été sélectionné pour gérer la concession de l'aéroport de Lille et ce, pour une durée de 20 ans.

 


Trop de chantiers en région Île-de-France ?

 

Lors de la présentation des résultats semestriels du groupe Eiffage ce jeudi 29 août 2019, plusieurs dirigeants de l'entreprise privée ont déploré une "surchauffe des travaux publics" en Île-de-France, un phénomène déjà souligné par les professionnels de la construction et qui contribuerait à augmenter les coûts des travaux. "Le Grand Paris crée une tension et une pression sur les ressources (...) dont le bâtiment souffre beaucoup", a indiqué Christian Cassayre, cité par l'AFP. Les chantiers du Grand Paris Express, notamment, tendent à renchérir les prix des matériaux, le coût de la main-d'oeuvre et les tarifs des matériels, des grues aux pompes en passant par les compresseurs. Une hausse des coûts qui bien souvent se répercute sur les prix pratiqués par les entreprises sous-traitantes, et donc, par ricochet, sur les contrats des grands opérateurs. "On savait il y a deux ans que ça allait monter mais ça monte plus fortement qu'on pouvait croire", a reconnu le PDG d'Eiffage, Benoît de Ruffray. Il a insisté sur une "surchauffe des travaux publics et de toute la commande publique" en région parisienne, allant même jusqu'à parler d'une "concentration de l'activité sur les grandes métropoles" du pays, telles que Lyon, Bordeaux ou Nantes.

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