OPPOSITION. Après avoir été adoptée à l'Assemblée nationale, la loi Elan est maintenant en discussion au Sénat. Denis Dessus, président de l'Ordre des architectes, se félicite dans une tribune, du travail en commission des Sénateurs, qui ont "rétabli du bon sens", portant certaines revendications du collectif Ambition Logement, selon l'architecte.

Après avoir été adopté à l'Assemblée nationale à la mi-juin, le projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan) est arrivé au Sénat. Les parlementaires de la Chambre haute sont chargés d'étudier à leur tour les différents articles composant le texte, et éventuellement de les amender. L'occasion pour les opposants au texte de se faire entendre plus fortement. Lors du passage en commissions au Sénat, le texte a déjà été modifié dans le "bon sens", selon Denis Dessus (voir tribune, ci-dessous), un des porteurs de voix du collectif Ambition Logement, qui regroupe des associations d'usagers, de protection du patrimoine et de professionnels de la construction. Ce dernier salue les avancées réalisées en commission et notamment, l'une des plus symboliques : le fait que les bailleurs sociaux restent soumis à la loi MOP et donc à l'obligation de concours.

 

Reste maintenant à ce que ces mesures tiennent lors du vote en débat public, mais surtout, comme le rappelle l'architecte Denis Dessus, le passage en commission mixte paritaire, avant le vote solennel à l'Assemblée...

 

Tribune libre : "Loi Elan, les sénateurs corrigent la copie"

 

Le projet de loi Elan, adopté par l'Assemblée nationale le 12 juin après engagement de la procédure accélérée, est arrivé au Sénat début juillet, avec un texte ne répondant nullement aux besoins des habitants, et ne portant aucun objectif, ni même réflexion, environnemental, urbanistique ou social. Il favorise les économies à court terme de l'Etat et les profits des grands groupes du BTP. C'est un retour en arrière aux pratiques des années 50 et 60, dont nous payons pourtant encore le prix.

 

Le retour du bon sens au Sénat ?

 

Les commissions du Sénat viennent d'examiner le texte et ont rétabli un peu de bon sens en supprimant certaines des pires dispositions ou en introduisant des solutions plus équilibrées. Elles ont fait, notamment la commission culture, un travail remarquable, et ont validé plusieurs propositions des architectes et du collectif Ambition Logement :

 

- Les bailleurs sociaux resteraient soumis au cadre vertueux de la loi MOP.
- Serait maintenue l'interdiction pour un bailleur social d'acquérir la totalité d'un programme en Vefa, auprès d'un promoteur privé, détournant ainsi les règles de la commande publique.
- Les dérogations permettant le recours à la conception-réalisation resteraient limitées aux bailleurs sociaux et ne seraient pas étendues aux autres maîtres d'ouvrage publics.
- L'interdiction pour les OPH d'insérer dans les contrats des clauses de paiement différé (particulièrement handicapantes pour les PME) serait maintenue.
- Le pourcentage de logements accessibles dans les constructions neuves remonterait de 10% à 30% (au lieu de 100% aujourd'hui…).
- La dérogation au recours à l'architecte pour les sociétés coopératives agricoles serait supprimée.
- Le rôle de l'ABF sur le projet de délimitation des abords des monuments historiques serait maintenu.
- En zone littorale, l'autorisation d'urbanisme serait soumise pour avis à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.
- Il resterait interdit aux bailleurs sociaux de vendre leurs logements en nue-propriété, ce qui aurait contribué à la disparition du logement social dans certaines communes.

 

Même si toutes n'ont pas été retenues à ce stade, nous constatons que l'ensemble de nos propositions a été porté par des sénateurs, et de tout bord politique, validant la pertinence, la compréhension, et le soutien de notre action de ces derniers mois.
Mais le texte qui sera présenté en séance publique au Sénat à partir du 16 juillet comporte toujours de sérieuses régressions : nouvelles dérogations à la MOP dans les grandes opérations d'urbanisme, dérogation pour utiliser la conception-réalisation pour les Crous, fin de l'obligation faites aux bailleurs sociaux (mais aussi aux Crous) de recourir à la procédure du concours pour choisir l'équipe de maîtrise d'œuvre, extension des missions des bailleurs sociaux à toutes sortes d'activités du champ concurrentiel, possibilité de passer outre l'avis de l'ABF si l'habitat est déclaré dégradé, etc.

 

La séance publique sénatoriale doit continuer le travail entrepris par les commissions et améliorer significativement le texte, mais c'est à l'Assemblée nationale que reviendra le dernier mot, car un accord en commission mixte paritaire reste très aléatoire.

 

Le logement social "à la française", accessible au plus grand nombre, en proximité avec les territoires, est le socle de la cohésion sociale nationale. C'est un modèle efficient qui n'a pas démérité, loin s'en faut. C'est le cas aussi pour la loi Mop et pour le principe d'allotissement de la commande publique de travaux, qui ont permis ces dernières années de parvenir à un record de construction de logements en France. Leur remise en cause serait d'autant plus dommageable que le gouvernement ne propose aucun nouveau cadre qualitatif pour les remplacer.

 

Quel intérêt de casser ces outils qui fonctionnent, plutôt que de continuer à les améliorer, grâce au dialogue avec tous les acteurs, pour répondre aux nouveaux enjeux sociaux, environnementaux et techniques ? Les parlementaires ont la possibilité et la responsabilité de refuser dans cette loi les facteurs de régression dénoncés par la société civile, de refuser le mal-logement de demain, véritable arme de destruction massive de la société, qui est en germe dans Elan.

 

 

Denis Dessus, président du Conseil national de l'ordre des architectes, membre du collectif Ambition Logement

 

De nombreux alinéas et articles dans le viseur des opposants à la loi Elan

 

Dans un communiqué du vendredi 06 juillet, le collectif rappellait que les organisations qu'il fédère ont "très vite manifesté [leur] incompréhension face à un projet de loi déséquilibré, obéissant à une logique strictement comptable au mépris de considérations qualitatives tant sur le plan social, que patrimonial, environnemental et architectural". Insistant sur le fait que "la production de logements ne peut se placer dans un temps court" et qu'elle représente "une grande cause permanente", Ambition Logement demande au Sénat de ne pas voter le texte en l'état, mais de l'amender. Concrètement, le collectif estime que les articles 29 et 34, autorisant la vente de logements sociaux et le bail mobilité, doivent être supprimés. De plus, l'abrogation de l'article 18 limitant le quota de logements accessibles fait partie des revendications. L'article 12 quinquies, autorisant la densification des zones d'urbanisation diffuse du littoral, devrait lui aussi être annulé, tout comme les alinéas 1 et 10 à 16 de l'article 15, ceci dans l'optique de sauvegarder les prérogatives des architectes des bâtiments de France au sein des zones protégées.

 

De même, Ambition Logement exige que soient écartés les alinéas 23 et 24 de l'article 5 autorisant les aménageurs à réaliser des bâtiments publics avec des fonds publics, tout en étant exonérés de la loi Mop. Le collectif exige aussi la modification de l'alinéa 105 de l'article 28 afin de supprimer la possibilité pour les bailleurs sociaux d'acheter en Vefa un programme entier de construction. Pour préserver l'intégrité de la loi Mop, les alinéas 149 à 151 de l'article 28 devraient également être modifiés, tandis que l'alinéa 152 de l'article 28 devrait pour sa part être supprimé, de manière à conserver l'obligation du concours d'architecture. Enfin, Ambition Logement exhorte les sénateurs à abroger, d'une part les alinéas 1 et 2 de l'article 20 pour ne pas généraliser la conception-réalisation à l'ensemble des constructions publiques, et d'autre part l'article 28 septies supprimant l'interdiction de paiement différé pour les marchés publics passés par les bailleurs sociaux.

 

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