LOGEMENT. Nombre de professionnels et de spécialistes de l'immobilier ont participé ce 3 octobre 2019 au colloque "L'immobilier, moteur de croissances" organisé par les Notaires de France et la Banque des Territoires. Etat des lieux mais aussi propositions concrètes émanant du terrain ont dirigé les échanges : face à un avenir incertain, le secteur ne brille pas toujours par sa pertinence, surtout sur le plan fiscal.

Pour que l'immobilier soit moteur de croissances, encore faudrait-il que le carburant nécessaire lui soit administré. Voici une synthèse des échanges formulés au cours du colloque intitulé "L'immobilier, moteur de croissances", organisé ce 3 octobre 2019 par les Notaires de France et par la Banque des Territoires, et qui s'est d'abord attelé à dresser un état des lieux du marché immobilier tricolore avant de soumettre des propositions concrètes émanant du terrain. Estimant que l'immobilier constitue une source de croissance et que son développement doit à ce titre être encouragé, les professionnels réunis pour l'occasion ont rappelé que les Français se réfugient aujourd'hui, plus que jamais, dans la valeur pierre.

 

 

"Il y a un vrai problème dans la manière de faire la loi"

 

Dans un contexte économique incertain, tant dans l'Hexagone qu'à l'international, celle-ci représente toujours un élément de confiance indéboulonnable. Mais les nuages commencent à s'accumuler : les permis de construire comme les mises en chantiers diminuent, et le secteur ne brille pas toujours par la pertinence de sa politique fiscale. "Aujourd'hui, on favorise l'investissement dans des villes qui sont déjà favorisées, et on ne favorise pas celles qui en auraient besoin. On s'y prend peut-être à l'envers", note Pascal Boulanger, vice-président et trésorier de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI). "Notre stock actuel de logements est inférieur à 10 mois, alors que généralement il est supérieur à 12 mois." Les constructeurs s'alarment donc des récentes annonces gouvernementales quant aux dispositifs Pinel et du Prêt à taux zéro (PTZ), modifiés dans le projet de loi de Finances (PLF) 2020.

 

"Il y a un vrai problème dans la manière de faire la loi", déplore Albéric de Montgolfier, sénateur LR d'Eure-et-Loir et rapporteur général de la commission des Finances du Sénat. "Nous sommes amenés à voter des lois sans études d'impact !" Le sénateur a rappelé par ailleurs que le secteur du logement a été soumis à pas moins de 68 milliards d'euros de prélèvements en 2016, ce qui représente un bond de 28% en 10 ans. "L'immobilier est le seul actif à avoir des taxations tout au long de sa vie ; il s'agit de la classe d'actifs la plus taxée." Quant à l'Impôt sur la fortune immobilière (IFI), instauré en 2018 pour remplacer l'Impôt sur la fortune (ISF), le parlementaire affirme qu'il ne s'agit pas d'un bon impôt : "On taxe un actif qui contribue à l'économie réelle". "L'économiste que je suis a du mal à comprendre la logique économique", abonde Yann Tampereau, chef économiste à la Caisse des dépôts et consignations, et responsable des études économiques et financières.

 

Le logement social, figure de proue du logement à la française

 

Tandis que le recentrage du PTZ n'est pas perçu comme un signe positif, et que celui du Pinel soulève de nombreuses interrogations, les acteurs du secteur soulignent toutefois que le logement social parvient à maintenir son rôle et sa place. Représentant un quart des logements construits chaque année en France, les logements sociaux subissent certes une restructuration de leur organisation qui engendre un tassement de leur production, mais le secteur reste malgré tout dynamique. Ceci dit, les professionnels attendent beaucoup de la puissance publique, pour consolider un secteur censé revitaliser et réorganiser les territoires : "Tout ce qui ne va pas dans le sens de l'aide constitue forcément une mauvaise nouvelle", reprend Pascal Boulanger. "Que va-t-on faire de la France si on n'aide pas les ménages modestes dans les zones détendues ?"

 

Les conséquences peuvent être non seulement sociales mais aussi civiques : "La suppression de la taxe d'habitation va entraîner la suppression du lien entre le citoyen et sa commune, l'accroissement des inégalités entre les communes et une hyper-concentration de la fiscalité sur les propriétaires via la taxe foncière", souligne pour sa part Albéric de Montgolfier. "On a besoin de visibilité, de stabilité et de simplicité." Un constat que viennent nuancer les propos de Pierre Madec, économiste à l'Organisation française du commerce extérieur (OFCE) : "En France, on a un secteur du logement qui fonctionne. Il faut néanmoins faire attention en touchant au logement social, de ne pas toucher aux équilibres du logement français."

 

Les technologies numériques à la rescousse des problématiques du logement ?

 

Partant de là, quelles solutions peut-on envisager ? Pour la directrice générale de Seqens (groupe Action Logement), Nadia Bouyer, "l'immobilier ne peut pas tout, surtout en rénovation urbaine. Il faut l'appréhender dans un ensemble plus global." Ce que semble être en mesure de faire le programme Action coeur de ville, porté par le ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales : "Action coeur de ville est un label qu'il faut savoir utiliser", explique à ce sujet le maire de Châteaubriant (Loire-Atlantique), Alain Hunault. "Pour une fois, on s'intéresse aux communes moyennes dont on ne parlait pas jusqu'à présent, en les accompagnant notamment sur les questions immobilières. Parce que oui, l'immobilier ne peut pas tout, mais je dirais qu'il est à la base de tout."

 

Pour d'autres, les technologies digitales et la "nouvelle économie" peuvent permettre de relever les défis d'aujourd'hui et de demain : "Il faut accélérer l'investissement en France et en Europe pour éviter qu'on ne perde notre souveraineté sur ces questions", estime le président de Viparis et de Real Estech Europe, Bernard Michel. "Nous assistons à une révolution sociologique qui est une révolution des usages reposant sur l'économie partagée." Le numérique a effectivement un impact retentissant sur moult aspects de notre vie quotidienne, mais la question du logement demeure liée, plus largement, à celles des transports et du monde du travail, ce qui fait dire à Bernard Michel qu'il existe "un énorme besoin de simplification et de flexibilité" : "On ne peut pas empêcher les métropoles de se développer, quand on sait par exemple que la région Île-de-France représente environ 30% du Produit intérieur brut français. Dans les métropoles, on passera forcément par une densification tôt ou tard. Mais comment recréer un tissu urbain qui intègre les mobilités ?"

 

Une fracture territoriale de plus en plus criante entre la France des métropoles et l'autre France

 

 

Dans un contexte d'artificialisation galopante des sols et d'étalement urbain qui semble parfois incontrôlable, l'élu local présent à ce colloque tempère cette analyse : "Il faut avoir conscience qu'aujourd'hui en France, il n'y a pas que des métropoles. Et les fractures peuvent aussi exister dans les métropoles", selon Alain Hunault. "Il y a une vraie fracture territoriale", confirme Rozenn Le Beller, notaire dans le Morbihan et secrétaire du bureau du Conseil supérieur du notariat chargée du pôle immobilier. "Le pouvoir d'achat est au centre des préoccupations des Français. Leurs projets immobiliers sont marqués par l'anticipation de la retraite, et ils accordent une grande importance à la qualité de vie."

 

Si l'immobilier peut donc être moteur de croissance économique, c'est peut-être la cohésion des territoires qu'il devrait tirer en priorité.

actionclactionfp