LOGEMENT SOCIAL. Alors que le Congrés HLM prend fin, le modèle français du logement social élevé en thème principal de cette 80e édition n'aura pas été ébranlé par de nouvelles annonces ministérielles.

Plus de peur que de mal ? Au cours de ce 80e Congrés HLM, le chiffon rouge de la "financiarisation" du logement social a été régulièrement brandi par de nombreux acteurs du mouvement HLM. Le 26 septembre 2019, alors que le rideau se baisse sur la grand-messe annuelle des bailleurs sociaux, les Congressistes ont adopté à l'unanimité, moins une voix, la résolution pourtant sur le modèle de financement du logement social.

 

En référence à un rapport commandé à l'IGF et au CGEDD sur la diversification des sources de financement, le comité exécutif de l'Union sociale pour l'habitat a affirmé qu'il n'était "ni utile ni souhaitable" de faire entrer des intérêts privés dans le capital des bailleurs sociaux.

 

Dès son arrivée au Congrès, le 24 septembre, le ministre du Logement Julien Denormandie a tenté d'éteindre le début d'incendie, affirmant que le rapport allait à rebours de cette "financiarisation", avec pour symbole le déplafonnement des revenus issus du capital des bailleurs sociaux. Un constat partagé par une source ayant pu consulter ce document commandé par le gouvernement.

 

300 milliards d'euros de dettes d'ici 20 ans

 

Ayant annulé sa présence au Congrès HLM suite au décès de l'ancien président Jacques Chirac, le Premier ministre Edouard Philippe, qui devait clôturer l'événement annuel, a affirmé qu'il se ferait "le garant du modèle français que tout le monde nous envie" dans une lettre lue par Julien Denormandie.

 

Si l'incendie semble pour l'instant circonscrit, les instances dirigeantes du monde HLM garderont un œil sur les fumerolles. Pour certains participants au Congrès, le débat sur la financiarisation ne doit pas bloquer toute réflexion sur le modèle de financement du logement social. "Il ne faut pas s'interdire de regarder ailleurs", estime auprès de Batiactu le sénateur (LR) Philippe Dallier, auteur d'un récent rapport sur le financement du logement social.

 

"Il y a des investisseurs étrangers qui regardent le logement social, qui sont prêts à le financer sur le long terme (...) ils ont parfois beaucoup de liquidités à placer dans des investissements considérés comme sûrs. Il faut les regarder, ne pas les balayer d'un revers de la main", observe-t-il, alors que la Banque des territoires estime que d'ici 20 ans, les bailleurs sociaux auront accumulé 300 milliards d'euros de dettes.

 

La vente HLM, début de financiarisation ?

 

Entre les deux piliers du financement que sont la Caisse des dépôts et Action Logement, "je comprends que certains bailleurs aient été tentés de se financer auprès de banques à taux fixe, sur des taux très corrects et parfois plus bas que ceux du livret A", relève Philippe Dallier. Dans un point presse, Marianne Louis, directrice générale de l'USH, a elle-même admis que le logement social "ne pouvait reposer que sur la Banque des territoires et Action Logement, mais aussi sur les collectivités et des actionnaires locaux".

 

Pour ceux qui gravitent autour de ce secteur, il faut donc bien définir le terme même de financiarisation. Pour l'heure, la ligne rouge est fixée à l'entrée d'investisseurs privés au capital de sociétés HLM, à l'exception des Entreprises sociales pour l'habitat (ESH) dont les statuts le permettent. "Cela ne pourrait de toute façon pas fonctionner, car la demande de rendement serait incompatible avec la réalité du logement social", juge le sénateur Dallier.

 

Reprenant des propos attribués au Premier ministre Edouard Philippe, "il faut désensibiliser le logement aux aides publiques", le président de Procivis Yannick Borde estime que "le monde HLM devra se poser tôt ou tard la question de son modèle économique". Le secteur bancaire ou le montage d'émissions obligataires pourraient être des pistes de réflexion, en les adossant à des financements majoritaires de la Caisse des dépôts. "Là où les fonds spéculatifs pourraient trouver un intérêt, c'est dans les zones les plus tendues où il y a une vraie demande en logements", craint-il. Et d'interroger si "la vente de HLM ne serait pas un début de financiarisation du secteur".

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