INTERVIEW. Edouard Barthès, président de Symbiote, syndicat de la rénovation énergétique "tous métiers confondus", expose à Batiactu les actions à mener pour massifier la rénovation du parc, afin d'atteindre notamment l'objectif de neutralité carbone en 2050.

Batiactu : Qu'est-ce que Symbiote, le syndicat de la rénovation énergétique, que vous avez créé ?

 

Edouard Barthès : Je suis président du groupe EBS, qui globalise la chaîne technique liée aux problématiques d'efficacité énergétique, des certificats d'économie d'énergie (CEE) aux travaux d'isolation. Le syndicat est né en 2018 d'une exaspération, car sur le marché du CEE et des aides à la rénovation énergétique en général, nombres d'acteurs qui s'y sont greffés et ne font pas correctement les choses. Avec Eric Besson, ancien ministre chargé de l'Industrie, de l'Énergie et de l'Économie numérique, Fabio Rinaldi, président de Bigmat France, et Bernard Bourigeaud, fondateur d'Atos, nous avons voulu regrouper la profession, non pas par branche mais par secteur, celui de la rénovation énergétique, pour interagir auprès des pouvoirs. Symbiote existe donc de manière complémentaire aux nombreuses organisations par métiers, ainsi qu'aux grandes organisation, qui sont sur des sujets plus régaliens.

 

Symbiote a trois missions : fédérer la profession de la rénovation énergétique, créer un centre de formation au diplôme RGE (reconnu garant de l'environnement) et à l'utilisation des aides, du mécanisme CEE aux aides régionales, en passant par le CITE (crédit d'impôt transition énergétique), MaprimeRénov pilotée par l'Anah, etc. pour monter en compétence, et enfin, interagir avec l'administration pour encadrer un marché de la rénovation trop atomisé. Il faut mettre en place une maitrise des acteurs et de la chaine pour éviter les défauts et, in fine, la suppression des aides. Nous voulons nettoyer la profession, sortir les opportunistes et pérenniser les aides qui permettent d'améliorer la performance du parc de bâtiments.

Comment améliorer le marché de la rénovation énergétique et atteindre, notamment, les objectifs de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) qui prévoit, en ce qui concerne le bâtiment, la décarbonation complète des parcs résidentiel et tertiaire en 2050 ?

E.B. : Il faut d'abord donner de la visibilité aux acteurs. Et pour cela, il faut pérenniser sur le long terme les aides telles que MaprimeRénov, ainsi que les CEE, aujourd'hui limités et prolongés par à-coups. Il faut également mieux contrôler l'entrée sur le marché pour les acteurs. En étudiant en profondeur les sociétés, en complexifiant l'obtention de la qualification RGE, et en améliorant les contrôles (par exemple, que l'entreprise ne soit plus prévenue des chantiers contrôlés). Enfin, il faut demander des garanties financières plus importantes pour assurer la pérennité des entreprises, et contrôler le travail détaché, en un mot mieux encadrer la chaîne entière pour exclure les opportunistes et donner de la visibilité aux clients et aux pouvoirs publics.

 

"On est sur le bon chemin, un nettoyage a été fait"

 

La situation est-elle si dramatique ?

E.B. : Cela va beaucoup mieux. On est sur le bon chemin, un nettoyage a été fait. Sur les CEE par exemple, les délivrances sont plus exigeantes, et on a un encadrement des visites techniques.
Sur les travaux financés à 100%, comme l'isolation des planchers : oui il y a eu des fraudes et des arnaques, mais plus de 500.000 logements ont été rénovés, et ce sont des clients qui n'auraient pas fait les travaux sans le dispositif.

 

En revanche, le coût de l'énergie est aujourd'hui trop bas, il ne joue pas assez un rôle déclencheur de la décision de rénover. On n'y coupera pas : il faudra mettre des contraintes réglementaires plus fortes sur l'isolation des logements, en interdisant par exemple à terme certaines classes énergétiques.

La crise du coronavirus va-t-elle changer la donne ?

E.B. : Il y a un avant et un après coronavirus. On le voit, les comportements sont en train de changer : recherche de local, de qualité, prise de conscience écologique sont de plus en plus présents. Cette crise nous freine ponctuellement mais ça va accélérer les prises de conscience pour changer nos façons d'être et de faire.

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