CONJONCTURE. Les tendances étaient prévisibles mais la Banque de France les confirme avec la publication d'une série de notes conjoncturelles : frappée de plein fouet par le confinement sanitaire et la crise économique liés au Covid-19, l'économie française plonge au 1er trimestre 2020. Et le secteur de la construction n'y échappe pas, au moment où le nombre de défaillances d'entreprises s'améliorait pourtant.

Avec la série de notes conjoncturelles qu'elle publie en ce 8 avril 2020, la Banque de France confirme malheureusement que nous pouvons bel et bien parler de crise économique engendrée par le virus Covid-19, et même de récession pour l'économie française. L'institution, qui a été obligée de modifier sa méthodologie et ses calculs habituels pour établir ces enquêtes de conjoncture, a donc interrogé par téléphone 8.500 entreprises entre le 27 mars et le 3 avril derniers, "avec des taux de réponse très satisfaisants en dépit du contexte". Elle a ainsi pu estimer la perte d'activité globale et par secteur d'activité due au confinement sanitaire : à l'échelle nationale, le Produit intérieur brut (PIB) subit une perte d'environ 6%, pendant que l'activité du bâtiment s'est grandement dégradée à cause de la mise à l'arrêt de nombreux chantiers depuis l'annonce des premières mesures gouvernementales. En comparaison au mois de février 2020, le solde d'opinion des chefs d'entreprises du secteur sur l'évolution de l'activité est de -133 en mars, tous corps de métiers confondus. Il est de -128 pour le gros oeuvre et de -131 pour le second oeuvre.

 

 

Sans surprise, les entreprises s'avouent particulièrement inquiètes sur l'état de leur trésorerie : la dégradation est de mise pour tous les secteurs d'activité et son intensité varie suivant les filières et les types de structures, mais les PME s'avèrent très exposées. En conséquence, les entreprises ont augmenté leurs demandes de crédits de trésorerie sur la période : 17% des PME (soit 10 points de plus à la fin mars) et 22% des ETI (12 points de plus) affirment avoir récemment déposé une demande en ce sens.

 

Les carnets de commandes du bâtiment plongent, ceux des travaux publics résistent

 

Au mois de mars, le coronavirus a fait s'effondrer de 75% l'activité de la construction, d'après la Banque de France. Le secteur de l'énergie, de l'eau et des déchets subit pour sa part une chute de 15%, tandis que les activités financières et immobilières reculent de 12%. En moyenne, les activités d'architecture et d'ingénierie ont subi quant à elles 3 jours de fermeture exceptionnelle, avec un solde d'opinion pour l'évolution de leur activité de -88. Sur "une semaine-type de confinement", la perte d'activité globale pour l'économie tricolore est estimée à -32%. "Si l'on regroupe [...] l'industrie manufacturière, la construction et les services marchands non-financiers (qui représentent ensemble 55% du PIB), la perte d'activité représente environ la moitié du niveau normal", note la Banque de France. Sachant que "chaque quinzaine de confinement entraîne une perte de PIB annuel proche de -1,5%".

 

Dans le bâtiment, les carnets de commandes ont retrouvé en mars leur niveau bas de la fin 2015, avec un solde d'opinion de -5 (après +26 en février). L'opinion des chefs d'entreprises du secteur s'élève à -1 pour l'évolution des prix des devis et à -9 pour celle des effectifs. Et l'activité pourrait bien encore plonger en avril, "avec une grande incertitude quant à l'ampleur du repli" : les prévisions tablent sur un solde d'opinion de -91.

 

Même constat du côté des travaux publics : l'activité y a fortement chuté (-55) au 1er trimestre 2020 par rapport au 4e trimestre 2019, avec une réduction des effectifs à la clé (-6). Seul point positif : les carnets de commandes, dont le solde d'opinion est de +11. Les prix des devis se sont rétracté de -3 sur les trois premiers mois de l'année, et les perspectives pour le prochain trimestre se chiffrent à -4. Toujours d'après les chefs d'entreprises, la chute de l'activité serait encore plus conséquente au prochain trimestre (-78), avec une nouvelle contraction des effectifs (-15).

 


"Il faut remonter au 2e trimestre 1968, marqué par les évènements du mois de mai, pour retrouver une baisse trimestrielle de l'activité du même ordre de grandeur. Le PIB avait alors chuté de -5,3%, avant de rebondir de +8,0% au 3e trimestre 1968", explique l'institution dans sa note de conjoncture. "On peut également comparer l'épisode actuel à la baisse d'activité observée lors de la crise financière de 2008."

 


Le point sur les défaillances d'entreprises en début d'année

 

Autre publication de la Banque de France parue ce jour, les défaillances d'entreprises comptabilisées en janvier 2020. A cette date, le nombre de procédures engagées a diminué de 8,5% par rapport à janvier 2019, tous secteurs d'activité confondus : le cumul sur 12 mois s'est élevé à 49.790 dossiers, 3.382 pour le seul mois de janvier 2020. La construction fait partie des secteurs bénéficiant des baisses les plus importantes : 779 défaillances en janvier 2020, après 866 en décembre 2019, 10.809 sur la période de janvier 2019 à janvier 2020, soit une baisse de 9,3%.

 

Les activités immobilières se portent également très bien, avec seulement 87 procédures en janvier, après 129 en décembre, 1.578 entre janvier 2019 et janvier 2020, ce qui représente une diminution de 5,7%.

 

Par types d'entreprises et tous secteurs d'activité confondus, on notera que les micro-entreprises ont enregistré 3.180 défaillances en janvier 2020 (-8,4% par rapport à janvier 2019), 47.050 en cumul sur un an. Les très petites entreprises ont été 123 à s'engager dans des procédures en janvier (-12,3% en comparaison à la même période un an plus tôt), 1.591 en cumul sur 12 mois. Grande forme également chez les petites et moyennes entreprises, avec respectivement 64 et 23 dossiers en janvier (soit des baisses respectives de 6,5% et 0,3%), 785 et 330 depuis un an. Enfin, les ETI et grandes entreprises n'ont totalisé que 5 défaillances entre janvier 2019 et janvier 2020. Et pour le mois de février 2020 ? "Selon les données encore provisoires de février, le cumul des défaillances diminuerait de 10,1% par rapport à fin février 2019", précise la Banque de France.

 

 

Et qu'en pense Coface ?

 

La Banque de France et le groupe Coface, spécialisé dans l'assurance-crédit, ont synchronisé leurs publications relatives aux défaillances d'entreprises. Pour l'année 2020, les dégâts économiques s'observeront probablement aux quatre coins du globe : "Dans tous les cas, ces arrêts (ou quasi-arrêts) de production et de consommation devraient dégrader la trésorerie et les marges des entreprises, si bien que le nombre de défaillances d'entreprises devrait augmenter fortement", souligne Coface dans son baromètre conjoncturel mondial du 1er trimestre. "Coface anticipe une hausse de celui-ci de 25% cette année dans le monde (contre seulement 2% en 2019 et initialement prévu pour 2020 en janvier dernier)."

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