ÉCONOMIE DURABLE. Ecoconception des bâtiments, allongement de leur durée de vie, valorisation des déchets et instauration de circuits courts, autant de pratiques qui commencent à émerger dans le monde de la construction. L'OID publie un rapport qui analyse les enjeux économiques de l'économie circulaire dans l'immobilier et qui recense les outils et bonnes pratiques.

L'économie circulaire dispose d'une feuille de route et la loi de Transition énergétique pour la croissance verte fixe d'importants objectifs de recyclage et de valorisation à la filière de la construction. Aussi, l'Observatoire de l'Immobilier Durable (OID) s'intéresse-t-il à la façon de faire entrer les investisseurs et gestionnaires de patrimoines dans cette boucle vertueuse. Une étude publiée ce 4 septembre 2018 analyse les différentes actions possibles et énumère les outils déjà à disposition des professionnels du secteur afin qu'ils parviennent à suivre les bonnes pratiques.

 

 

La première étape de l'économie circulaire est associée à la conception des bâtiments. Il semble nécessaire, pour l'OID, de penser l'ensemble des phases de leur existence au moyen d'analyses du cycle vie (ACV). Cet outil multicritères tient compte de l'ensemble des impacts environnementaux d'une construction, depuis l'extraction des matières premières jusqu'à leur élimination. Il s'appuie notamment sur les FDES pour les matériaux et les PEP pour les équipements. Le rapport ajoute : "D'un point de vue financier, la vision circulaire amène à ne plus se concentrer en priorité sur les dépenses d'investissements initiaux (Capex) en portant une plus grande attention sur les dépenses d'entretien et d'exploitation (Opex) dont 80 % des montants sont déterminés dès la conception". Ainsi, en plus de l'ACV il est possible d'établir un coût global du bâtiment qui permet d'affiner le projet et d'améliorer sa rentabilité, notamment en maintenant dans le temps la qualité de ses composants à un niveau constant. L'OID évoque le label Cradle to Cradle (C2C) appliqué au bâtiment, où chaque matériau est considéré comme une source de matière première. La fin de vie et la démontabilité sont anticipées faisant du bâti "une banque viable". Préfabrication et modularité seraient deux pistes privilégiées, y compris grâce à l'impression 3D, permettant une fabrication zéro déchet.

 

Plusieurs vies en une seule

 

Une fois le bâtiment construit, l'enjeu sera d'allonger sa durée d'utilisation tout en l'adaptant à des usages nouveaux. L'OID pointe la différence existant entre la vétusté de la structure et l'obsolescence d'usage. Cette dernière nécessite une évolution pour répondre à de nouvelles attentes. Le document détaille : "La densité des zones urbaines et l'artificialisation des sols poussent à réinventer et à transformer les immeubles anciens et les friches". Là encore, la clef réside dans la conception d'un ouvrage réversible capable de passer de tertiaire à logements, tout en minimisant l'ampleur et le coût des adaptations. De quoi permettre aux bailleurs de suivre les besoins de leurs clients et de les fidéliser en intégrant des services additionnels de maintenance. Une solution qui demande toutefois un surcroît d'investissement initial qui rallonge d'autant le temps de retour. Le modèle circulaire incite d'ailleurs à privilégier la rénovation/réhabilitation à la déconstruction/reconstruction. Quitte à recourir à l'urbanisme transitoire dans des espaces vacants. Des occupations éphémères qui peuvent suivre des rythmes saisonniers et permettre d'expérimenter des solutions nouvelles.

 

Pour tous les chantiers, l'objectif sera de réduire les quantités de déchets produits et d'en valoriser un maximum, afin de limiter le recours à l'élimination. La maîtrise d'ouvrage devra fixer des objectifs ambitieux dans le Cahier des clauses techniques et particulières (CCTP) et au travers des contrats avec la maîtrise d'œuvre et les entreprises intervenantes. Collecte, tri et traçabilité seront les maîtres-mots. Le réemploi direct de composants semble également prendre de l'importance, avec l'aide de plateformes de mise en relation. L'OID évoque tout de même que cette pratique "est source de casse-têtes logistiques tels que la coordination des plannings de chantier, le stockage des matériaux, le transport, etc." et que les produits de la construction devront subir des tests afin de garantir le respect des normes de sécurité ou de santé. Faute de quoi un risque assurantiel pourrait émerger : "L'emploi de matériaux inconnus constitue un pari périlleux pour le maître d'ouvrage qui est redevable de la garantie décennale et des recours en dommage-ouvrage". Les nouvelles pratiques devront donc viser à maîtriser ces risques et améliorer la confiance entre les acteurs, peut-être avec la création de nouveaux postes dédiés.

 

Synergies et bonnes volontés

 

 

Sur la question de l'approvisionnement énergétique des constructions, l'Observatoire suggère la mise en place de synergies entre acteurs d'un territoire. Il est donc question de récupération de chaleur fatale d'un procédé industriel ou de biogaz d'une unité d'épuration. Une logique qui s'appliquera également au sein même du bâtiment, avec la récupération de chaleur sur l'air extrait ou dans les eaux grises. La mixité fonctionnelle des espaces pourra permettre de gommer un décalage existant entre pics de consommation et d'approvisionnement. Le tout sera de s'inscrire dans une boucle locale d'énergie renouvelable afin de limiter l'empreinte carbone des lieux. Cette idée de mutualisation se retrouve aussi au niveau de la logistique, des services (salle de sport, crèche) et du foncier. Selon le modèle d'économie de la fonctionnalité, "désormais, ce n'est plus la propriété des biens qui est proposée mais son usage". L'OID avance même le concept de chronotopie, qui consiste à alterner les fonctions d'un même espace en fonction des heures de la journée où des espaces de restauration se transforment en zones de coworking par exemple. L'impact de ces organisations sur la qualité du travail semble avoir été peu étudié, mais cette optimisation serait sans doute bénéfique aux occupants. Même la politique des achats devrait s'orienter vers le durable, via l'adhésion à des chartes volontaires favorisant, ici aussi, les circuits courts et l'usage de fournitures plutôt que leur possession.

 

L'Observatoire conclut sur la mobilisation des parties prenantes en vue d'une réduction des impacts environnementaux de leurs activités, dans le cadre d'une politique de RSE. Des guides de l'occupant et baux verts constitueront des supports adéquats tout comme des campagnes et ateliers de sensibilisation pourront être nécessaires. Le rapport note que les méthodes ludiques ("nudge") ont le vent en poupe et que le phénomène des MOOC touchera également les acteurs de l'immobilier. Enfin, il fait remarquer que, depuis 2016, l'Etat propose des partenariats public-privé sur des projets d'économie circulaire innovants sous la forme d'Engagements pour la croissance verte, des contrats non contraignants mais qui font remonter les besoins du terrain et permettent une analyse circulaire. Les pistes sont donc très nombreuses pour l'ensemble de la filière immobilier.

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