TENDANCE. Les friches industrielles, casernes abandonnées et autres lieux délaissés connaissent aujourd'hui un regain d'intérêt : des collectifs, associations ou ateliers d'architectes les transforment en lieu de loisirs ou d'activité pour des périodes courtes. Zoom sur cet urbanisme éphémère qui explore une nouvelle façon d'imaginer la ville, grâce à l'Institut d'Aménagement et d'Urbanisme.

Que faire de grands hangars vides ? D'un hôpital désaffecté ? Ou d'une caserne abandonnée située en centre-ville ? Lorsque l'usage définitif du site n'est pas encore déterminé ou que le programme immobilier tarde à se réaliser, il est possible d'utiliser les lieux de façon temporaire, pour éviter qu'ils ne soient dégradés. Cette tendance est appelée "l'urbanisme transitoire" par l'Institut d'Aménagement et d'Urbanisme (IAU) qui publie une étude sur le sujet, sous-titrée "Optimisation foncière ou fabrique urbaine partagée". L'IAU a analysé plus de 70 projets franciliens, menés depuis 2012, afin de mieux comprendre les mécanismes qui font le succès de telles opérations.

 

 

Ces occupations provisoires, encadrées, sont les héritières des squats, spontanés et autogérés, voire auto-construits. Mais ces opérations en "sont la version légale et non contestataire", qui acceptent leur durée déterminée, à l'inverse des squats "qui revendiquent ouvertement de rester ou de changer la destination future des lieux". Autre différence notable : la place de l'habitat y est très faible, là où les squats répondent plus fréquemment à la pénurie de logements abordables et accessibles à certaines catégories de populations fragilisées. L'Institut souligne l'impact du phénomène des friches culturelles, et du rôle majeur joué par le monde artistique dans le réinvestissement de bâtiments vacants : "A partir des années 1970, dans toute la France, de nombreux bâtiments d'activités, industriels ou militaires, sont réinvestis pour des usages culturels. Ainsi, le Théâtre du Soleil s'est installé sur le site de la Cartoucherie à partir de 1971, dans le bois de Vincennes, initialement destiné à un stade nautique puis à un Marineland avant d'être régularisé assez rapidement par la ville de Paris". Citons également le cas des Frigos, bâtiment frigorifique parisien (13e arr.) datant de 1921, désaffecté puis loué à des artistes depuis les années 1980, ou celui de la Friche de la Belle de Mai, à Marseille, une ancienne usine de la Seita fermée en 1992 et voulue comme "un espace culturel évolutif".

 

Une nouvelle option d'aménagement des territoires

 

 

L'IAU note : "L'urbanisme transitoire touche aujourd'hui les milieux institutionnels de l'aménagement après un long et lent processus permettant de passer d'un urbanisme très planificateur et top-down, dans la lignée de la reconstruction des grands ensembles, à un urbanisme plus local dans les années 1980 et les processus successifs de décentralisation, et plus concertés, depuis les années 1990". Les initiatives s'inscrivent donc désormais dans un cadre juridique contractualisé, avec une régularisation des occupations temporaires qui permet d'en faire des outils d'aménagement des territoires à titre expérimental. Il s'agit donc d'espace de liberté dans la ville où s'inventent de nouvelles façons de faire, sortie de la standardisation des zones bâties. Avantage supplémentaire : l'utilisation transitoire permet d'éviter des coûts de gardiennage et valorise même les lieux. Une source de motivation pour certains acteurs privés.

 

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