RÉINVENTER PARIS. Porte de Pantin, dans le Nord-est parisien, un équipement inédit va voir le jour, de l'autre côté du périphérique. La Cité universelle, portée par GA Smart Building et dessinée par le tandem Studio Montazani-BEA, porte une programmation mixte à dominante handisport. Les critères de l'accessibilité ont été poussés "à fond".

Face à la Philharmonie de Paris s'érigera bientôt un nouvel objet architectural emblématique, issu de l'appel à projets Réinventer Paris et coconçu par les agences d'architecture Baumschlager Eberle Architekten et Studio Montazami. Un concept unique, imaginé par Ryadh Sallem, sportif de haut niveau en parasport. En un seul lieu, la Cité universelle rassemblera une salle omnisports pouvant accueillir des compétitions internationales, un hôtel 4 étoiles, des espaces de travail, un commerce, des salles de consultation médicale et une préfourrière.

 

La particularité du bâtiment : il est "exclusivement réservé à tous", défendent les porteurs de projet, le 28 septembre, lors d'une visite du site. Conçu pour accueillir toutes les formes de handicap, le lieu vise à "attirer et faire se rencontrer tous les publics (sportifs, actifs, visiteurs, habitants du quartier), en normalisant la différence".

 

 

L'accessibilité, au bénéfice de tous

 

L'objectif est simple : "prouver que la conception universelle d'un bâtiment améliore la qualité de confort et d'usage pour tous". La Cité universelle est ainsi "un lieu qui crée du lien" : entre différents publics, mais aussi entre deux territoires. Son implantation dans le 19e arrondissement de Paris n'a rien d'un hasard. Hier un délaissé urbain bordant le périphérique, le site a vocation à devenir destination, dans un dialogue avec la Philharmonie de Paris, située à quelques dizaines de mètres, de l'autre côté de la voie rapide.

 

Le maire de Pantin, Bertrand Kern, qui soutenu le projet en mettant en relation Ryadh Sallem avec le groupement candidat, puis en votant en sa faveur, présent pour la visite, a salué un projet qui "contribue à changer l'image" de sa ville. "C'est une excellente nouvelle, car il est temps de recréer de la beauté à l'entrée de Paris, et ce projet y participe".

 

De la pénurie d'équipements handisport et d'hébergements accessibles

 

"L'offre d'équipements, y compris d'hébergement, pour les athlètes handicapés est très faible à Paris", rappelle Ryadh Sallem, qui décrit des compétitions où les délégations étrangères accueillies sont dispersées dans des dizaines d'hôtels, vu le peu de chambres adaptées disponibles. De ce fait, les compétitions ne peuvent souvent avoir lieu que l'après-midi, le temps d'aller chercher tous les participants.

 

C'est pourquoi, en plus d'une salle omnisports de 3.000 m2 comptant 20% de places accessibles, "soit 10 fois plus que la norme", le bâtiment comprendra une centaine de chambres, entièrement accessibles. Conçue pour accueillir des équipes paralympiques avec des circulations et des vestiaires adaptés aux fauteuils de sportifs très larges ainsi que des stockages dédiés, elle prévoit des places pour les spectateurs en situation de handicap réparties dans tous les gradins sans zone dédiée. Le handicap ne se limite pas aux personnes en fauteuil : l'accessibilité se traduit par des places facilitées, élargies à proximité́ des escaliers, équipées de main courante et d'accoudoirs abattables, à l'attention des personnes âgées, en surpoids, ou encore malvoyantes.

 

"Signalétique limpide, cheminements amples et sereins"

 

Pour la première fois à Paris, l'intégralité des 109 chambres de l'hôtel seront accessibles. 24 seront élargies, et 4 pourront accueillir des personnes lourdement handicapées : tétraplégiques, insuffisants respiratoires, myopathes.

 

Mais c'est l'ensemble du bâtiment qui a été pensé pour limiter les distances de circulation, faciliter la desserte des ascenseurs, supprimer l'intégralité des seuils intérieur et extérieur, et offrir une orientation claire grâce à des portes bien contrastées, une signalétique limpide, des cheminements amples et sereins, expliquent les équipes, visiblement très enthousiastes, de GA Smart Building. Son président, Sébastien Matty, estime que "le projet transforme notre approche de l'immobilier, en nous encourageant à penser dès le tout début de la réflexion l'accessibilité de tous".

 

24h sur 24, sept jours sur sept

 

Pour les architectes, également présents, l'autre dimension véritablement universelle du bâtiment, c'est sa mixité d'usages : "sa capacité à réunir plusieurs fonctions à la fois, en toute indépendance". Avec la Cité universelle, l'idée était de créer "la ville des courtes distances pour ses utilisateurs comme pour tout citoyen", explique Orash Montazami, fondateur du studio éponyme. "Les avantages sont évidents : la création d'un lieu, utilisé 24 heures sur 24, sept jours sur sept, grâce à la connexion entre l'hôtel, le sport, les bureaux et les commerces".

 

Anne Speicher, associée de l'agence Baumschlager Eberle Architekten, vante "l'agilité du bâtiment", qui, "dans un même instant, sera espaces de travail, coworking, hôtel, pôle santé, et équipement sportif d'envergure, avec la possibilité d'interchanger les usages et fonctions si on le souhaite".

 

Une mixité d'usages qui a obligé à innover dans les modes constructifs

 

GA Smart Building, le promoteur de la Cité Universelle, sera également le futur constructeur du bâtiment. Sébastien Matty décrit "un projet exceptionnel" pour ses équipes. À sa connaissance, "aucun bâtiment au monde ne rassemble une telle mixité d'usages et d'utilisateurs. Cette unicité nous pousse à inventer de nouveaux modèles, et de nouvelles manières de travailler".

 

Cette mixité fonctionnelle poussée a obligé le constructeur à "inventer une mixité constructive", avec une infrastructure en pont au-dessus de la salle omnisports, et des plateaux bois-béton bas carbone dans les étages.

 

Les avantages du hors-site

 

Le hors-site, marques de fabrique de GA Smart Building depuis les années 60, s'appliquera à tout le bâtiment : éléments de structure et de façade, menuiseries extérieures, systèmes de traitement d'air, planchers bois. Ainsi, les 109 salles de bain de l'hôtel, ainsi que tous les blocs sanitaires des espaces de bureaux, arriveront sur le chantier déjà assemblés, carrelés, câblés, avec la tuyauterie et les luminaires en état de marche. Il suffira alors aux ouvriers de brancher les différentes connexions sur place.

 

En numérisant grâce au BIM, et en produisant en avance chaque pièce du bâtiment, le constructeur "peut évaluer avec précision les matériaux prévus, et donc éviter les erreurs, mais aussi réduire considérablement les nuisances de chantier : moins de bruit, moins de poussière, moins de déchets". Enfin, parce que chaque phase de la construction est millimétrée, il réduit considérablement le délai et les aléas du chantier.

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