CONCEPTION. Cet avenir passe, pour les professionnels du secteur et les ingénieurs, par une plus grande prise en compte des performances thermiques et acoustiques des immeubles de bureaux. La tour Saint-Gobain, en construction à La Défense, en est un exemple concret.

Ce 19 septembre 2019, une conférence était organisée par l'AICVF (Association des ingénieurs en climatique, ventilation et froid), Ecophon, Plafometal, Eurocoustic et Saint-Gobain, au siège du groupe de matériaux de construction, à La Défense, sur le thème : "Comment concilier performance acoustique et performance thermique dans les nouveaux environnements de bureaux ?". A l'heure où les préoccupations des dirigeants et des bureaux d'études se focalisent de plus en plus sur le bien-être des salariés au sein de leur lieu de travail, des exemples concrets permettent d'illustrer les avancées dans ce domaine, tout en les conciliant avec des impératifs économiques et avec les enjeux climatiques. La tour Saint-Gobain en fait partie : construite par Vinci dans le quartier d'affaires parisien, le futur édifice ambitionne de regrouper les différents corps de métiers du groupe de matériaux de construction dans un environnement innovant.

 

 

"C'est d'abord un projet immobilier", assure Thomas Peranzi, chef de projet immobilier chez Saint-Gobain, qui a participé à la conception du bâtiment aux côtés des autres acteurs du chantier. "Les espaces ouverts sont inconfortables et rendent la concentration des collaborateurs difficile. Mais sur les 39.000 m² de la future tour, il n'y aura pas un seul bureau individuel. On a vraiment cette volonté de coller au travail collaboratif, et nous serons attentifs à avoir des espaces ouverts d'environ 25 postes de travail maximum." Pour rappel, la future tour Saint-Gobain doit accueillir quelque 2.700 collaborateurs. Les concepteurs ont tenu à garantir une taille humaine aux espaces ouverts, puisqu'un plateau comptera au maximum 145 personnes.

 

Des espaces multiples et flexibles, dépassant les seuils réglementaires de confort et d'acoustique

 

C'est en fait toute l'organisation matérielle et logistique des 27 étages de l'édifice qui a été pensée et repensée par le maître d'ouvrage, le maître d'oeuvre et les bureaux d'études techniques. "Nous avons fait un profilage d'activité des différentes équipes pour connaître les besoins des collaborateurs", poursuit Thomas Peranzi. "Cela nous a amenés à avoir soit des espaces sédentaires, soit des espaces flexibles." Le recours au "flex-office" permettra ainsi de moduler les locaux en fonction des nécessités des services, laissant la possibilité de transformer des espaces de bureaux en salles de réunion, et vice-versa. Mais les concepteurs ont également souhaité que les salariés puissent transposer la configuration de leur logement avec celle de leur lieu de travail : "On essaye de véhiculer l'image d'un appartement, avec une pièce pour chaque besoin : chacun a son poste de travail, avec des règles de vie définies par 'quartier'. Ainsi, les salariés ont un espace dédié pour chaque activité de la journée. La multiplicité des espaces doit procurer bien-être et confort. Nous voulons aussi utiliser le projet de la tour Saint-Gobain pour avoir un retour d'expérience de nos collaborateurs."

 

Le groupe de matériaux de construction a néanmoins voulu aller au-delà des seuils réglementaires de confort et d'acoustique. La température des espaces de travail sera de fait comprise entre 21°C et 24°C tout au long de l'année, avec une plage élargie autorisée de 19°C à 26°C. De plus, les performances des équipements acoustiques ont été scrutées à la loupe, et les bureaux ont été disposés perpendiculairement à la façade de manière à obtenir un confort visuel lié à l'éclairage naturel. Ensuite, le soufflage d'air neuf sera de l'ordre de 38 m3 par heure et par personne, contre la norme de 25 m3 par heure et par personne telle qu'établie dans le Code du travail. Enfin, les postes de travail sont implantés de sorte à tenir compte du dispositif de ventilation, qui consistera en un soufflage basse vitesse au sol le long de la façade.

 

"Le fait d'avoir des vitesses d'air très faibles permet de diminuer les niveaux de bruits"

 

Il aura fallu 6 ans de travail aux équipes de la maîtrise d'ouvrage, de la maîtrse d'oeuvre et des bureaux d'études pour surmonter les contraintes thermiques et acoustiques, aidés en cela par le BIM, la maquette numérique ayant en effet couvert toutes les étapes du processus de conception. "Un partenariat avec tous les acteurs du projet qui a permis une véritable cohérence de l'environnement", assure Thomas Peranzi. L'objectif, une fois la tour livrée, sera de réaliser un suivi des retours des collaborateurs et des mesures techniques. Car pour parvenir à atteindre les performances souhaitées, les ingénieurs et techniciens ont eu recours à un panel de solutions complémentaires et innovantes pour assurer la flexibilité des lieux mais aussi le bien-être des salariés. Par exemple, les plafonds sont réversibles pour permettre le transfert d'air dimensionné spécifiquement pour les salles de réunion, et les cloisons sont équipées d'un système de modularité toutes les deux trames. Les équipements présents dans les bureaux produiront quant à eux un niveau de bruit de l'ordre de 35 dB.

 

 

Les équipes ont par ailleurs choisi un système de ventilation par déplacement d'air, ainsi qu'un traitement thermique par plafonds rayonnants chaud/froid. "Ce concept a été retenu pour améliorer l'ambiance dans la zone de vie", explique Alain Jouan, ingénieur CVCD chez le groupe d'ingénierie Artelia. "Le fait d'avoir des vitesses d'air très faibles permet de diminuer les niveaux de bruits." Une centrale de traitement d'air équipera en outre chaque étage, soit 27 unités au total. "La distribution aéraulique se fera par le sol en faux-plancher, avec la présence de grilles d'aération dans les cloisons", poursuit Alain Jouan. "Vu le nombre de niveaux, nous avons fait le choix d'éléments standardisés pour garantir la modularité des bureaux transformables en salles de réunion." Le raccordement des terminaux CVC s'effectuera par des gaines souples absorbantes.

 

Ce qui a été choisi et ce qui sera appliqué pour la tour Saint-Gobain est donc un exemple des évolutions techniques qui attendent le secteur des bâtiments tertiaires à l'heure où les enjeux humains, économiques et environnementaux peuvent se retrouver dans la conception de lieux plus sains, dans tous les sens du terme.

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