REFLEXION. Le Syndicat national du béton prêt-à-l'emploi (SNBPE) a organisé un déjeuner-débat autour du thème "La nature en ville, comment accélérer la dynamique ?", en se basant sur un rapport du Conseil économique, social et environnemental consacré au sujet. Au-delà des préconisations émises par l'assemblée, l'architecte Vincent Callebaut a complété le propos en livrant son analyse.

Dans le cadre de son cycle "Prospections et réflexions", le SNBPE a organisé un déjeuner-débat autour du thème "La nature en ville, comment accélérer la dynamique ?" réunissant plusieurs spécialistes, dont l'architecte Vincent Callebaut et Patrick Bernasconi, président du Conseil économique, social et environnemental (Cese), car c'est sur la base d'un rapport de cette assemblée spécifique que les échanges se sont tenus. "En tant que troisième assemblée constitutionnelle de la République, nous rassemblons 80 organisations nationales de différents corps et métiers", a tenu à rappeler en préambule Patrick Bernasconi pour souligner l'intérêt de la structure qu'il préside. "Je me réjouis que le Cese fasse l'objet d'un plus grand nombre de saisines gouvernementales qu'auparavant, mais il doit encore s'ouvrir davantage au monde et aux Français. C'est pourquoi, suite à la réforme de notre assemblée voulue par Emmanuel Macron, tout projet de loi devra dorénavant recevoir un avis du Cese, ce qui nous confèrera un rôle plus central dans la fabrique de la loi."

 

 

50% de la population mondiale vivra en ville en 2050

 

Souvent présenté comme une assemblée de la société civile, mais n'ayant pas de poids législatif ou juridique, le Cese se penche donc sur des sujets et problématiques divers, afférant à la vie publique quotidienne. "La nature en ville" constitue l'un des thèmes ayant fait l'objet d'un rapport, et donc d'un certain nombre de préconisations, réparties en 5 axes (voir encadré ci-dessous). Il s'agit ici de s'interroger sur les possibilités de "renaturer" la ville tout en répondant aux besoins des citoyens : comment réconcilier les hommes avec leur écosystème, et plus largement, comment concevoir les "fertile cities", qui se présentent comme des villes denses mais durables et connectées ? "L'habitat, ce n'est pas seulement le logement. L'habitat est vivant et doit être harmonieux avec son environnement, c'est pourquoi il passe par la transition écologique", explique Dominique Allaume-Bobe, ingénieure agronome et membre de la section environnement du Cese. "A l'horizon 2050, on estime que 50% de la population mondiale sera citadine, et qu'elle produira un tiers des émissions de gaz à effet de serre. Il faut donc lier les caractéristiques des matériaux aux enjeux environnementaux."

 

"Prendre le meilleur de la nature avec le meilleur des villes"

 

Voilà pour la théorie, mais qu'en est-il de la mise en pratique ? Vincent Callebaut, architecte spécialisé dans l'urbanisme et l'architecture biomimétiques, a alors présenté son concept d'"Archibiotic" (néologisme regroupant les termes Architecture - Biotechnologies - Tic, pour technologies de l'information et de la communication). Concrètement, ce procédé consiste à mettre au point une architecture responsable, autrement dit recourant à des matériaux durables et recyclables, et mettant en avant les énergies renouvelables. Le béton peut jouer un rôle essentiel dans la construction urbaine d'aujourd'hui et de demain selon Vincent Callebaut, qui insiste par ailleurs sur "la symbiose entre la vie rurale et la vie urbaine", permettant de "prendre le meilleur de la nature avec le meilleur des villes". "Il y a un déni du changement climatique aujourd'hui", assène l'architecte belge. "Dans nos projets, nous devons transformer la contrainte en opportunité, le déchet en matériau. Nous devons parvenir à transférer la qualité de vie de la campagne à la ville. Quand on sait qu'à Paris, on comptabilise 5,6 m² d'espaces verts par habitant, ce qui est très faible par rapport à d'autres capitales européennes, on se dit qu'il y a encore beaucoup de choses à faire…"

 

"Avoir le bon matériau, au bon endroit et au bon moment"

 

Pour tenter de répondre aux problématiques de notre monde moderne, Vincent Callebaut a déjà travaillé sur des projets, certes utopiques mais ambitieux : ses projections intègrent la nécessité d'accueillir des réfugiés climatiques, dont le nombre ira crescendo dans les prochaines années ; l'architecte a également imaginé des cités flottantes et amphibies, qui incarneraient le concept d'économie circulaire, le but étant d'utiliser un minimum de matériaux ; des villes endommagées pourraient également être rebâties en réutilisant les gravats présents sur place… Les idées ne manquent pas.

 

Le mot de la fin est revenu à Bénédicte de Bonnechose, présidente de la Filière Béton : "Notre profession est un acteur majeur de l'acte de construire, elle ne cesse d'innover et de proposer des produits conçus pour des solutions éco-constructives et éco-performantes". Mais pour pouvoir répondre aux enjeux actuels et futurs - urbanisation, déplacements de populations, préservation de l'environnement, consommation des ressources naturelles… - , il faudrait "construire plus, mieux et moins cher en ayant le bon matériau, au bon endroit et au bon moment".

 


Les préconisations du Cese sur la nature en ville

 

* Axe 1 : Donner toute sa place à la nature dans les politiques publiques, du national au local

 

- La prise en compte de l'érosion de la biodiversité doit être présente dans l'article 1 de la Constitution, au même titre que l'enjeu climatique dont l'inscription est prévue dans le cadre de la révision constitutionnelle.

 

 

- L'enjeu biodiversité doit être pris en compte de façon transversale dans l'ensemble des politiques publiques applicables à la ville (aménagement, logement, transport, santé, agriculture…).

 

- La politique du logement doit intégrer les objectifs de biodiversité et de nature en ville, en commençant par remettre sur le marché une partie des 3 millions de logements vacants.

 

- Les approches conjointes "biodiversité-climat" doivent être privilégiées dans les politiques urbaines. L'enjeu biodiversité et les solutions basées sur la nature doivent être partie intégrante des stratégies d'adaptation des villes au changement climatique.

 

- Une politique structurée de la biodiversité, du national au local, doit être mise en place en s'appuyant sur une nouvelle SNB [Stratégie nationale pour la biodiversité, NDLR] ambitieuse pour 2020-2030, un rendez-vous annuel du "Plan nature en ville", des stratégies régionales (SRB, le "R" pour régionales) et locales ("Plan biodiversité des villes") cohérentes.

 

- Les moyens nationaux dédiés à la biodiversité doivent être renforcés, notamment ceux de l'Agence française pour la biodiversité (AFB).

 

- Le financement de la nature en ville doit veiller à mobiliser toutes les ressources disponibles (fonds européens, appels à projets opérés par l'Ademe - Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) en complément des fonds nationaux et régionaux.

 

 

* Axe 2 : Connaître et faire connaître les bienfaits de la nature en ville

 

- La recherche en France sur la biodiversité doit être renforcée (création d'un programme de recherche dédié au MTES [ministère de la Transition écologique et solidaire, NDLR], intégration plus importante de la dimension nature en ville dans le contrat d'objectifs du MNHN [Muséum nationale d'histoire naturelle, NDLR]…) et élargie autour du lien santé et nature.

 

- La formation à l'environnement et à la nature doit être renforcée en définissant une politique publique nationale d'éducation à l'environnement et à la nature, en renforçant l'enseignement relatif à la biodiversité dans différents cursus et filières et en intégrant dans la formation initiale des métiers du bâtiment la qualité environnementale.

 

- En matière d'emplois liés à la biodiversité, l'AFB pourrait identifier les besoins liés à la nature en ville pour une meilleure insertion de la biodiversité dans les métiers et emplois, veiller à une continuité et à un parcours cohérent aux différents stades des formations et développer qualifications et certifications.

 

- Les "expériences de nature" doivent être soutenues, notamment grâce aux sciences participatives, dans les écoles, les villes, les entreprises, afin de reconnecter avec la nature une population majoritairement urbaine.

 

- L'apport des associations agréées de protection de la nature doit être davantage reconnu et soutenu par un dispositif financier pérenne au niveau national et local.

 

 

* Axe 3 : Répondre aux besoins des habitantes et habitants et accueillir une nature en ville efficiente

 

- Des espaces verts et bleus, qualitatifs et efficients pour la biodiversité, doivent être développés de manière ambitieuse (règles de remplacement des jardins supprimés, désimperméabilisation d'espaces, préservation des bois communaux…).

 

- Les villes devraient développer une gestion écologique de tous les espaces verts urbains et inciter acteurs et actrices privés à la gestion écologique.

 

- Il faut encourager davantage de nature "comestible" en ville en développant la plantation d'arbres nourriciers, en fixant des objectifs de création de jardins collectifs et familiaux et en accompagnant le développement d'une production agricole urbaine et périurbaine respectueuse de l'environnement.

 

- Les citoyennes et citoyens doivent être impérativement associés à la préparation, la conduite et l'évaluation des politiques de nature en ville, cette participation étant synonyme d'adhésion et de succès.

 

 

* Axe 4 : La nature comme élément structurant du projet d'aménagement urbain

 

- Les SCOT [Schémas de cohérence territoriale, NDLR], PLU [Plans locaux d'urbanisme, NDLR] et PLUI [Plans locaux d'urbanisme intercommunaux, NDLR] doivent intégrer les milieux naturels comme éléments structurants de l'aménagement urbain, en visant notamment, et dans la mesure du possible, une proportion autour de 30% d'espaces végétalisés de pleine terre et une renaturation compensatrice de toute destruction d'éléments naturels en milieu urbain.

 

- Toute opération urbaine devrait promouvoir le bâtiment durable à biodiversité positive.

 

- La définition et la mise en place d'une véritable politique publique pour protéger le patrimoine "sol" et assurer sa restauration est nécessaire.

 

 

* Axe 5 : La ville au cœur de la solidarité écologique des territoires

 

- Les enjeux de nature et de continuité écologique doivent être intégrés dans les documents de planification territoriale et notamment dans les futurs SRADDET [Schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires, NDLR]. Les documents existants doivent intégrer la dimension de trame nocturne.

 

- Des mesures fortes doivent être prises pour stopper l'artificialisation des terres (mise en œuvre des recommandations du Comité Economie Verte, suppression des aides les plus néfastes à la biodiversité, mobilisation des EPF [Etablissements publics fonciers, NDLR] pour le maintien des trames naturelles, fiscalité plus favorable aux espaces naturels).

 

- De nouvelles solutions pour organiser la solidarité économique ville-campagne doivent être identifiées comme la mobilisation de ressources fiscales et économiques pour rémunérer les services environnementaux rendus et encourager des pratiques agricoles respectueuses de l'environnement.

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