ÉCONOMIE CIRCULAIRE. Et si le béton était entièrement recyclable ? L'entreprise Poullard répond par l'affirmative avec l'offre Granudem, qui repose exclusivement sur des matières premières issues de chantiers de déconstruction. Explications avec Stéphane Poullard, directeur de la société familiale et précurseur dans cette démarche vertueuse.

C'est dans l'air du temps : le recyclage du béton dans le béton est un sujet qui mobilise nombre d'acteurs de la filière, notamment dans le cadre du projet Recybéton, lancé en 2012. Mais certains sont partis plus tôt et sont allés plus loin, à l'image de l'entreprise Poullard, implantée en Eure-et-Loir, qui propose aujourd'hui un béton 100 % recyclé. Stéphane Poullard, qui dirige la société fondée par son père en 1978, nous explique : "Nous avons commencé à travailler sur le sujet en 2010, en réfléchissant à un procédé de production de granulats qui intègrerait des matériaux issus de déconstructions. Il a été question de forme des granulats, de propriétés recherchées… Les travaux sur la formulation d'un béton ont été menés avec Calcia pour le ciment et avec le Centre d'études et de recherches de l'industrie du béton (Cerib)".

 

 

Des blocs entiers de béton, récupérés sur les chantiers, sont donc broyés, criblés puis lavés, afin de retourner à l'état de sable et de graviers de différents calibres. L'usine qui produit le Granudem est implantée au nord de Chartres et dispose d'une centrale à béton, permettant de produire à la demande différentes formulations selon l'utilisation voulue : VRD (bordures, voiries, réseaux, drainage), gros œuvre (fondations, poteaux, poutres, dalles), second œuvre (mortier, enduit dégrossi, chapes) ou espaces verts (allées, maçonneries, pavés). Le directeur de l'entreprise Poullard reprend : "Le process mis en place permet de produire du béton 'tout venant', c'est-à-dire qu'il n'est pas destiné aux ouvrages d'arts ni aux hautes performances. Il est donc basique, C20/25 ou C25/30 nous assurant de plus gros volumes". Côté gisement, la société estime pouvoir récolter entre 30 et 40.000 tonnes de gravats par an.

 

Des performances intéressantes qui devraient encore être optimisées

 

 

Mais comment l'entreprise Poullard est-elle parvenue à dépasser le taux d'incorporation de 30 % considéré comme étant le maximal admissible avant de dégrader les performances du béton ? "Nous pouvons atteindre les 100 % de recyclage, les caractéristiques restent les mêmes qu'un béton classique C25/30. La résistance au feu est même meilleure, tout comme celle aux cycles de gel-dégel", nous assure le dirigeant. Le secret ? La porosité, plus élevée, du matériau qui emprisonne donc plus d'air. Inconvénient, le béton doit être plus chargé en ciment, de l'ordre de 20 kg de plus par mètre cube, et son emploi en structure armée, oblige à enrober davantage les ferraillages. "Il faut au moins une couche de 5 cm contre 3 cm pour du béton standard", nous précise Stéphane Poullard. L'empreinte écologique est donc légèrement dégradée, même si la perspective de recycler entièrement une structure en béton est prometteuse. Et les bétons obtenus peuvent être pompés et ne présenteraient aucune fissuration après maturation.

 

"En 100 %, nous pouvons aller jusqu'à du C30/37 mais non normé. Nos produits Granudem sont utilisables sur des marchés privés, pour réaliser des dallages, des planchers collaborants ou des bâtiments industriels par exemple. Nous fournissons les fiches techniques et si le bureau de contrôle est d'accord, c'est bon", nous raconte le chef d'entreprise. "Le point bloquant sont les normes qui limitent à 30 % l'incorporation dans les bétons structurels", ajoute-t-il. Mais l'entreprise travaille avec des promoteurs précurseurs afin d'obtenir des ATex au travers de différentes opérations pilotes. "Nos granulats sont normés CE2+. Mais nous n'avons pas la prétention de remplacer le granulat naturel évidemment. Juste de valoriser des milliers de tonnes qui normalement sont juste mises sous les voiries". La société cherche aujourd'hui des partenaires industriels, afin de discuter d'un déploiement sur d'autres régions françaises, sous brevet. Elle annonce également avoir encore de gros travaux à faire sur la formulation, afin d'améliorer encore ses caractéristiques, peut-être en incorporant du laitier de haut fourneau. Depuis 2016, Poullard propose de la production à la commande, en vrac ou en big bag, de sables et graviers recyclés, avec des livraisons possibles de béton prêt à l'emploi directement par camion toupie sur 40 km à la ronde, autour de leur site. Mais l'entreprise familiale espère tirer pleinement profit de l'expérimentation E+C- qui prend en compte l'empreinte carbone des matériaux de construction et valorise le réemploi ou le recyclage.

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