Des candidats à la présidentielle proposent de faire sortir la France du nucléaire dans les 20 ans. Mais combien coûterait cette mesure ? L'Institut Montaigne, un think tank libéral, avance un chiffre colossal que réfutent les partisans de cet abandon de l'atome civil. Décryptage.

Six ans après la catastrophe de Fukushima, le réseau "Sortir du nucléaire" est plus que jamais actif dans l'Hexagone avec tout un programme d'actions à mener au printemps 2017. Mais quel serait le coût d'un abandon total de l'énergie nucléaire pour la France ? L'Institut Montaigne s'est penché sur cette question qui fait partie du programme électoral de deux candidats à l'élection présidentielle : Benoît Hamon (Parti Socialiste) et Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise). Le think tank chiffre cette mesure à 217 milliards d'euros sur 20 ans (soit plus de 10 Mrds €/an), pour parvenir à un mix énergétique sans nucléaire à l'horizon de 2035 environ. Un premier pallier serait franchi en 2025, en conformité avec les objectifs de la Programmation pluriannuelle de l'énergie fixés par Ségolène Royal, qui ramèneront la part de l'électronucléaire de 75 à 50 %.

 

 

L'Institut Montaigne explique que cette sortie "induira des coûts directs, dont le chiffrage dépendra du calendrier, largement incertain, de fermeture des réacteurs et du mix de substitution visé" et "des coûts indirects, de perte de compétitivité de nos entreprises, de perte d'image de la filière nucléaire". Ces derniers ne sont pas estimés dans le cadre de l'exercice prospectif. Mais les experts qui ont planché sur le sujet, évaluent à plus de 25 Mrds € l'indemnisation qui devra être versée à EDF. Rappelons que pour la fermeture de la centrale de Fessenheim, le conseil d'administration de l'électricien national a validé une partie du protocole d'indemnisation et évalue le manque à gagner à près de 500 M€ pour deux réacteurs d'une puissance cumulée de 900 MW. L'exercice prospectif évalue ensuite à 13 Mrds € l'adaptation du réseau électrique à des formes alternatives de production d'électricité (un investissement que sera de toute façon réalisé). Ces EnR nécessiteront 179 Mrds € d'investissements, "le nucléaire devant être remplacé en partie par des technologies renouvelables moins compétitives en termes de coûts de production".

Gros démontage ou Grand carénage ?

Outre l'impact économique, la note souligne que la sortie du nucléaire aurait "un coût environnemental non négligeable". Tout comme la filière le soutenait dans son Livre blanc, les centrales fournissent un courant décarboné dont le tarif, pour les consommateurs, est largement inférieur à ceux pratiqués chez nos voisins européens. L'abandon de l'atome remettrait potentiellement en cause les engagements français en termes de réduction des gaz à effet de serre, pris lors de la signature de l'Accord de Paris. Et l'Institut fait également valoir qu'un tel choix ferait "peser un risque sur la sécurité d'approvisionnement énergétique" du pays. Le coût du démantèlement des centrales et du stockage des déchets radioactifs pose également question, particulièrement au regard du volume à enfouir sur le site de Bure.

 

 

Mais quelle est l'alternative ? EDF plaide, pour sa part, pour un maintien en exploitation le plus longtemps possible des installations, afin d'augmenter leur rentabilité. La ministre de l'Environnement a déjà validé l'allongement de la durée de vie des centrales au mois de février 2016, en la portant de 40 à 50 ans, et Jean-Bernard Levy, le pdg d'EDF espère même qu'elle soit repoussée à 60 ans pour les réacteurs les plus récents, dont le futur EPR de Flamanville qui doit entrer en service à la fin de 2018. Son extinction n'interviendrait donc pas avant 2078 ! L'opération dite de "Grand carénage", de mise en sécurité des centrales, indispensable à la poursuite de leur exploitation en toute sûreté, a été évaluée à 5,6 Mrds € sur 14 ans par la Cour de comptes. Mais ce montant est largement disputé : l'Union européenne le chiffre entre 10 et 25 Mrds €, tandis que l'Autorité de sûreté nucléaire (ASB) française la jauge à 40 voire 50 Mrds €. C'est l'option choisie par deux autres candidats à l'élection présidentielle : Marine Le Pen et François Fillon, qui entendent maintenir la filière industrielle qui emploie 220.000 personnes dans le pays.

 

Ce sont les résultats sortis des urnes le 7 mai 2017 qui donneront finalement l'orientation à la politique énergétique française.

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