Les sociétés d'intérim comptent parmi les plus gros employeurs du bâtiment et des travaux publics. Le point sur ce secteur avec Thierry Labbé, directeur de la branche BTP chez Védior Bis, premier réseau français d'intérim dans la construction.

Que représente l'intérim en France ?

L'intérim représente en France un marché de 18,8 milliards d'euros, tous secteurs confondus. La construction est un secteur particulièrement important pour l'intérim puisqu'il présente environ 3,15 milliards d'euros. Sur ce secteur, on retrouve les trois grands leaders de l'intérim en France (NDLR : Manpower, Adecco et Vedior Bis) qui représentent près de 70% du marché. Sur le secteur du BTP, Vedior Bis est le premier réseau avec 138 points de vente.

Comment se porte le secteur ?

Globalement, l'intérim subit actuellement la conjoncture et le secteur industrie souffre particulièrement. Mais, le BTP est un secteur relativement épargné. Il faut reconnaître qu'un des problèmes fondamental dans le BTP est la pénurie de personnel qualifié. Près de 120.000 jeunes sont formés aux métiers du bâtiment chaque année et il y a entre 40 et 50.000 offres non pourvues.
Bref, on ne forme pas assez de jeunes. Dans ce contexte, l'intérim peut être une formidable opportunité. Les entreprises d'intérim ont en effet une obligation de formation bien plus grande que les entreprises classiques. En partenariat avec de nombreux organismes de formation agréés, nous avons donc mis au point des formations spécifiques aux métiers du BTP, qualifiante de surcroît.
Il faut rappeler que le BTP est l'un des rares secteurs à pouvoir offrir très rapidement des postes à responsabilité. En 5 ou 6 ans d'intérim, on peut devenir un très bon professionnel. Malheureusement, ce secteur souffre encore d'une image ancestrale qui ne correspond pourtant plus à la réalité. Beaucoup de choses ont changé ces dernières années dans le bâtiment, et il faut le faire savoir.
Un exemple parmi tant d'autres, la sécurité. La profession a fait beaucoup d'effort dans ce domaine.

Et vous,en tant qu'intervenant majeur dans le BTP, quels efforts avez vous fait pour améliorer la sécurité sur les chantier ?

Nous avons toujours été particulièrement attentifs aux problèmes de sécurité. Parce qu'ils doivent s'habituer à chaque mission à des conditions nouvelles, les salariés en intérim sont plus exposés aux accidents et aux maladies professionnelles. On compte 10 à 15 % d'accidents du travail en plus chez les intérimaires que chez les permanents.
Cette situation nous a conduit à multiplier les initiatives pour réduire les risques d'accidents. Nous avons par exemple monté un partenariat avec la CRAM de Nantes pour la réalisation d'une plaquette pour sensibiliser les entreprises à ce problème et les aider à mettre en place une politique de prévention des risques pour les intérimaires, dès leur arrivée sur un chantier nouveau.
Nous avons également signé une convention de partenariat avec l'OPPBTP pour améliorer la prévention des risques chez les intérimaires en s'appuyant sur l'expertise et le réseau de cet organisme. Cela va de la formation des chefs d'agence à l'analyse d'accident en passant par des sessions de sensibilisation au cours desquelles ont fait prendre conscience à nos intérimaires des risques qu'ils encourent pour eux et pour les autres en leur apprenant les bons réflexes.

Qui a recours à l'intérim ?

Le mécanisme du recours au travail temporaire est bien ancré chez les majors du BTP et un peu moins chez les artisans. Jusqu'à maintenant, ces derniers avaient surtout recours à l'intérim pour palier à des absences. Mais je constate que la situation évolue et de plus en plus souvent, ces petites entreprises s'appuient sur l'intérim pour répondre à la demande croissante et réduire leurs délais.

Comme toutes les entreprises du BTP, petites ou grandes, vous devez être confronté à un problème de recrutement.

C'est exact, c'est pourquoi nous travaillons beaucoup sur la fidélisation. Nous avons par exemple mis en place des programmes CLEF (Charte, Liberté, Emploi, Formation). Les intérimaires qui le souhaitent s'engagent à suivre une formation adaptée en alternance et nous à leur trouver un employeur quasiment toute l'année quand ils ne sont pas en période de formation.
Toujours dans le but de fidéliser notre personnel nous avons mis au point un système de parrainage. Nous organisons également tous les ans, les "intérim d'or" dont le but est de promouvoir la création d'entreprise par des salariés intérimaires. Sur les quatre lauréats distingués cette année, deux viennent du bâtiment. Il s'agit de Mongi Khedidi qui, à 43 ans, a créé une entreprise d'électricité à Toulouse et de Florian Seguin, 29 ans, qui a monté son entreprise de métallerie et de ferronnerie d'art à Besançon. Les choses ont beaucoup évolué. Avant, l'intérim c'était la précarité, aujourd'hui, c'est l'intégration.

J'imagine que ces efforts de fidélisation ne sont pas suffisants pour résoudre le manque de main d'oeuvre dans le secteur. Envisagez-vous de recourir à des intérimaires immigrés ?

Il est vrai que dans le BTP, les salariés immigrés peuvent présenter une part importante de la main d'oeuvre, entre 20 et 30%. Pour nous, comme pour les entreprises du BTP, le recours à des salariés immigrés est une pratique habituelle depuis de nombreuses années. Néanmoins, la priorité reste de former davantage de jeunes qui sont les plus touchés par le chômage, et qui aspirent, tout naturellement à s'insérer dans la vie professionnelle. Pour cela, la possibilité d'évolution rapide, alliée à un nouveau créneau qui leur permet de rester en contact avec la nature sont des atouts importants. A cet effet, j'ai créé une division Espaces verts qui permet aux jeunes de travailler dans des métiers qui correspondent à leurs attentes de respect de l'environnement et du cadre de vie. Cela dit, j'ai mis en place récemment une filière de recrutement au Portugal. Mais dans ce cas précis, les besoins d'adaptation et de formation sont encore plus importants car les entreprises de BTP sont plus avancées techniquement que leurs consoeurs européennes et utilisent des matériels plus pointus.

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