Le vol du Solar Impulse 2 est une aventure humaine qui se double de prouesses technologiques dans les domaines de l'électricité photovoltaïque, du stockage et la gestion de l'énergie ou celui des matériaux composites. Des avancées qui pourraient, un jour, servir dans d'autres secteurs que l'aéronautique.

Au-delà du défi physique et psychologique que va leur imposer le vol, sur une distance de 35.000 km, l'aventure Solar Impulse 2 de tour du monde en avion solaire est également un exploit technologique. "Techniquement, on a un avion qui peut voler jour et nuit et qui a une endurance pratiquement infinie. On a donc un avion qui est plutôt 'durable' côté énergie", déclare le Suisse André Borschberg, concepteur et pilote de l'appareil, qui sera relayé, derrière le manche, par son compatriote, l'aéronaute et psychiatre Bertrand Piccard. Ce dernier renchérit : "Quand on essaie quelque chose qui n'a jamais été tenté par d'autres (…) on ne peut pas savoir à l'avance quels seront les problèmes. On est devant l'inconnu et on doit trouver toutes les solutions, qu'elles soient techniques, humaines ou logistiques". Habitué des exploits aéronautiques, le petit-fils de celui qui a inspiré le Professeur Tournesol, a en effet déjà bouclé une circumnavigation en ballon, à bord de Breitling Orbiter III, en moins de 20 jours en 1999.

Une envergure de Jumbo, un poids d'auto

L'avion, monoplace, a décollé d'Abou Dhabi ce lundi 9 mars 2015, pour entamer son long périple, ponctué de douze étapes où les deux pilotes se remplaceront. Car l'habitacle, de quelques mètres carrés, est trop exigu pour apporter de l'espace et du confort à deux aviateurs. L'appareil, réalisé en fibre de carbone pour être le plus léger possible, ne pèse que 2,3 tonnes - soit le poids d'une camionnette - mais présente une envergure de 72 mètres, plus qu'un Boeing 747 ! Afin de maximiser son rendement aérodynamique, la voilure présente en effet un très grand allongement, à l'image des oiseaux de mer comme l'albatros, qui planent sur de grandes distances. De même, le profil d'aile a été conçu pour de basses vitesses, comprises entre 40 et 140 km/h. La motorisation est assurée par quatre moteurs électriques, d'une puissance unitaire de 13,5 kW (soit 17,5 chevaux), qui actionnent chacun une hélice bipale de 4 mètres de diamètre par le biais d'un réducteur limitant la vitesse de rotation à 525 tours/minute. L'ensemble présente un rendement de 94 %, un record d'efficience énergétique.

Efficience énergétique maximale

Solar Impulse
Solar Impulse © capture d'écran Solar Impulse
L'énergie, qui provient à 100 % du soleil, est captée par 17.248 cellules photovoltaïques encapsulées
SunPower, en silicium monocristallin, ultrafines (135 µm d'épaisseur). La solution présente, là encore, un rapport rendement/poids optimal. Les presque 270 m² de surface de capteurs génèreront ainsi 340 kWh/jour qui seront utilisés à bord et également stockés dans des batteries permettant de voler la nuit. La capacité de stockage, déterminante pour parvenir à franchir des océans sans escale, avoisine les 4 x 260 Wh/kg. C'est le chimiste belge Solvay qui a mis au point un électrolyte permettant d'augmenter leur densité énergétique. En tout, les 633 kg d'accumulateurs représentent le quart de la masse totale de l'avion. Et la chaleur qu'ils produiront sera récupérée, notamment afin de garantir leur bon fonctionnement par très basse température à 8.500 mètres d'altitude où le thermomètre descend sous les -40 °C. L'isolation a été particulièrement étudiée avec une mousse haute densité, tandis que le seuil de charge et la température des batteries sera constamment monitoré.

La traversée des océans, le véritable défi

Solar Impulse périple
Solar Impulse périple © Twitter Solar Impulse
L'efficience énergétique et les sciences des matériaux ont donc fait un bond grâce aux développements requis pour ce record en cours. La première étape, qui a conduit Solar Impulse 2 à Mascate (Oman), n'a duré que treize heures, afin de s'assurer du bon fonctionnement des systèmes. Le plan de vol prévoit ensuite de rallier l'Inde puis la Birmanie, la Chine avant de débuter la plus longue étape, la traversée du Pacifique, qui nécessitera pas moins de cinq jours de vol non-stop, mettant le pilote et la machine à rude épreuve. Après avoir atteint le continent américain, et fait escale à Phoenix (Arizona), l'appareil prendra la direction de New-York, où, comme le Spirit of Saint-Louis, il s'élancera pour rejoindre l'Europe (du sud) ou l'Afrique (du Nord), selon les conditions météorologiques. A noter que le centre de contrôle au sol, se situe à Monaco, où le prince Albert II est un soutien actif du projet. Fin du périple prévue dans cinq mois. Car si le gracile aéronef aux allures de libellule (de Demoiselle ?) vole longtemps, il n'est en revanche pas aussi rapide et agile que le Grand Condor des Mystérieuses Cités d'Or, un autre avion solaire de légende… Mais les rêves d'enfant finissent parfois par se réaliser.

 

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