Interopérabilité, sécurité des données, formation des professionnels, développement de solutions... le marché des bâtiments intelligents devrait décoller en Europe. Selon le cabinet Xerfi, la filière devrait se structurer rapidement, portée par la multiplication de partenariats entre acteurs. Analyse.

"Les contours du smart building se précisent", estime Guillaume Retour, l'auteur de l'étude "Le marché des smart buildings - partenariats, sécurité des données, interopérabilité : quels enjeux et perspectives pour le marché à l'horizon 2020 ?" pour le cabinet Xerfi. Au-delà d'une simple gestion technique des bâtiments de bureaux, l'expert voit une optimisation de l'utilisation des immeubles et une meilleure intégration au sein des quartiers et des réseaux, eux-aussi communicants.

 

 

Des protocoles ouverts mais sécurisés

 

Le marché européen de ces bâtiments intelligents est estimé à 2 Mrds € en 2017, un montant qui progressera dans les années suivantes. "Les exploitants de sites tertiaires seront en effet de plus en plus nombreux à plébisciter ces solutions pour réduire leurs coûts d'exploitation dans un contexte marqué par le durcissement de la réglementation thermique et la hausse des prix de l'énergie", précise-t-il. Pour profiter de cette opportunité, les acteurs devront tout d'abord relever un certain nombre de défis, identifiés par le cabinet Xerfi. Le premier sera celui de l'interopérabilité, qui "désigne la capacité d'un produit ou d'un système à fonctionner avec d'autres solutions existantes ou en phase de lancement". L'étude donne l'exemple des protocoles KNX, LonTalk ou BACNet, utilisés dans la gestion technique des bâtiments et les installations domotiques. Emmanuel François, le président et co-fondateur de l'association française Smart Building Alliance (SBA), résumait, dans le cadre d'une présentation : "Les bâtiments doivent être flexibles, modulaires, sécurisés… Et d'ici trois ans, toutes les nouvelles constructions seront connectées". La sécurité des données apparaît donc comme un autre impératif. Pour se prémunir de piratages d'objets connectés et autres cyberattaques de serveurs, les systèmes devront donc être, soit cryptés, soit reposer sur des protocoles de communication unidirectionnels.

 

Autre problématique, celle de la formation des professionnels. Xerfi note : "Seule une poignée d'organismes propose actuellement de telles offres, encore largement dispensées par les équipementiers". L'étude ne cite que deux exemples, celui de l'Institut Léonard de Vinci - un établissement privé d'enseignement supérieur situé à La Défense - et celui de l'Institut polytechnique de Grenoble. Pour acquérir de nouvelles compétences, les entreprises elles-mêmes auront plusieurs choix possible : recruter des talents, procéder à des opérations de croissance externe (acquisition de société) ou encourager l'innovation sous leur égide. Guillaume Retour donne plusieurs cas concrets : "Le leader de la construction Eiffage a créé Phosphore, un centre dédié à la prospective dans le domaine du développement urbain durable". Une émanation qui a trouvé une application dans le quartier Smartseille, en cours d'achèvement à Marseille, où les bâtiments communiqueront entre eux afin de créer une solidarité énergétique en se répartissant d'éventuels excédents de chaleur.

 

 

La co-innovation, un principe gagnant-gagnant

 

Les acteurs majeurs du bâtiment peuvent participer à la création d'incubateurs et nouer des liens avec les startups qui s'y installent. Cette fois, l'étude cite Bouygues Construction et son programme de co-innovation "Matching Up", destinée aux jeunes pousses qui développent des technologies dans la construction durable ou les quartiers connectés. Elle évoque également l'association entre Engie et Ubiant, autour du projet "Vertuoz" de suivi des consommations énergétiques par des indicateurs lumineux et pilotage par smartphone. "De l'avis des experts de Xerfi, la multiplication des partenariats participera à l'émergence de nouveaux écosystèmes d'affaires", soutient le cabinet, qui mentionne l'Alliance LoRa regroupant des opérateurs autour d'un protocole de radiodiffusion bas débit et faible fréquence (Schneider Electric, Orange, IBM). "Les promoteurs immobiliers et les équipementiers ont une belle carte à jouer pour endosser le rôle d'opérateur pivot", conclut l'étude, qui note que les premiers ont une forte puissance financière, un rôle de prescription et des liens étroits avec les utilisateurs finaux, tandis que les seconds jouissent de compétences et de fortes capacités d'innovation.

actionclactionfp