TRANSITION. Baisser les coûts de production du biogaz, professionnaliser la filière ou simplifier la réglementation, voici les axes du plan de libération des énergies renouvelables portant spécifiquement sur la méthanisation. Sébastien Lecornu a présenté ce 26 mars 2018 les quinze conclusions du groupe de travail qui planchait dessus depuis plusieurs mois. Découvrez-les.

Le gouvernement a lancé différents groupes de travail sur les filières énergétiques renouvelables qui rendent leurs conclusions de façon séquentielle. Après l'éolien terrestre, qui a publié ses conclusions au mois de janvier 2018, et avant le photovoltaïque dont les travaux viennent de débuter, c'est au tour de la méthanisation de bénéficier de différentes propositions visant à intensifier son déploiement sur le territoire. Le ministre de la Transition écologique et solidaire déclare : "Les conclusions du groupe de travail méthanisation proposent des nouveaux outils qui doivent permettre de développer des revenus complémentaires aux agriculteurs, de professionnaliser la filière et d'accélérer la réalisation des projets (…) tout en faisant baisser les coûts de production du biogaz".

 

Installé le 1er février dernier, sous la présidence de Sébastien Lecornu, secrétaire d'Etat auprès de Nicolas Hulot, le groupe de travail a donc formulé une quinzaine de propositions différentes, issues de ses commissions. Elles portent sur le soutien public à apporter à la filière, l'utilisation du biogaz dans le secteur des transports, le raccordement aux réseaux des installations, la simplification de la réglementation, les solutions de financement ou l'acceptation locale des projets. Pour donner aux agriculteurs les moyens de compléter leurs revenus, un appel d'offres portant sur des projets avec injection dits "atypiques" sera lancé. Il portera spécifiquement sur des projets n'entrant pas dans le cahier des charges classiques et visera à accroître la production de biogaz sur des sites déjà existants, qu'il s'agisse d'extension, d'adaptation, de transformation d'une installation pour qu'elle puisse injecter sur le réseau ou encore de mutualisation d'un point d'injection entre plusieurs installations.


A la croisée des mondes de l'environnement, du transport, des déchets et de l'agriculture

 

L'Etat s'engage à simplifier les règles de soutien tarifaire en mettant en place un complément de rémunération pour les installations de puissance intermédiaire (entre 500 et 1.000 kW), plutôt que de passer par des appels d'offres trop lourds pour cette taille de projets. La facilitation à l'accès au crédit est également prévue : le ministère de l'Agriculture et de l'alimentation a annoncé qu'il consacrera 100 M€ du Grand Plan d'Investissement à financer un fonds de garantie au bénéfice des projets agricoles. La filière fait aujourd'hui face à des difficultés d'obtention de prêts bancaires en raison d'une exigence d'un taux minimal de fonds propres et de garanties trop élevées. Il est également prévu que les digestats sortent de leur statut de déchets pour sécuriser l'approvisionnement des agriculteurs. Une norme adaptée sera élaborée pour ces matières fertilisantes, à la manière de celle existant pour les composts dans le code Rural. Concernant l'utilisation du biogaz, le gouvernement propose qu'elle soit rendue possible pour les engins agricoles et qu'un soutien financier soit mis en place pour les méthaniseurs alimentant des véhicules lourds (bus, camions), afin de souligner leur contribution à la décarbonation des transports. L'intérêt sera de développer un usage local direct au biométhane, là où les réseaux de gaz sont hors de portée.

 

Afin d'accroître la compétence des professionnels, des formations seront proposées à l'ensemble des acteurs, pilotées par le ministère de l'Agriculture. Ils seront sensibilisés au respect d'une charte de bonnes pratiques, notamment en termes de limitation des nuisances et d'instauration d'un dialogue local avec les riverains. Une démarche de qualité sera initiée s'appuyant sur des guides, labels, certifications et normes, à laquelle tous les membres de la chaîne de valeur (investisseurs, porteurs de projets, bureaux d'études, équipementiers, opérateurs) pourront souscrire. Un portail national de ressources renforcera la connaissance du public sur la méthanisation et son intérêt pour la collectivité en termes de réduction des impacts carbone, d'économie circulaire ou d'emploi.

 

Verdir le gaz tout en créant de l'emploi

 

Enfin, pour accélérer les procédures et faire baisser leur coût, l'Etat prévoit de réduire les délais d'instruction de moitié (de 12 à 6 mois) et d'augmenter le seuil applicable à la déclaration des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) : il passera de 60 tonnes/jour à 100 t/j. Un régime assoupli qui sera étendu à l'ensemble de l'activité de méthanisation, même en dehors de l'agriculture. A l'image des autres filières, un guichet unique sera créé pour recevoir tous les dossiers réglementaires relatifs aux méthaniseurs (agrément sanitaire, ICPE/IOTA), désigné par les préfets. Concernant la réglementation sur l'eau, les installations soumises à l'enregistrement ou la déclaration ICPE n'auront plus besoin de présenter d'étude d'impact ni d'enquête publique. Pour élargir le gisement potentiel des plus grands sites, les mélanges d'intrants deviendront possibles, qu'il s'agisse de déchets agroalimentaires, de boues de station d'épuration (fortement méthanogènes) ou d'autres biodéchets, moyennant une traçabilité accrue et des règles d'épandage plus strictes pour le digestat. Le gouvernement espère ramener les coûts de production de 100 €/MWh à 80 €. Le groupe de travail propose la création d'un "droit à l'injection" dans les réseaux de gaz naturel, afin que les gestionnaires effectuent les investissements nécessaires au raccordement si l'installation se situe à proximité d'un réseau existant.

 

 

Sébastien Lecornu conclut : "La méthanisation est une filière prometteuse qui crée de l'emploi, permet de verdir une partie du gaz que nous consommons et qui stabilise le revenu agricole". Il s'agit donc d'une "technologie aux bénéfices multiples". A l'occasion de la révision de la Programmation pluriannuelle de l'énergie, il est prévu que de nouveaux objectifs de production de biogaz soient fixés pour le moyen (2023) et le long terme (2030). Le secrétaire d'Etat s'est déclaré réjoui de voir les solutions présentées déjà largement soutenues par les acteurs du secteur.

 

La filière gaz en France :
Le gaz naturel représente, aujourd'hui, 20 % environ de la consommation d'énergie en France. La loi de Transition énergétique pour la croissance verte prévoit un objectif de 10 % de gaz d'origine renouvelable en 2030, soit l'équivalent de 12 Mt de CO2 évitées par an. La filière du biogaz ne compte, pour l'instant, qu'à peine plus de 400 installations de méthanisation, dont 230 dans des fermes. Environ 80 nouvelles unités ont été inaugurées en 2017, démontrant une évolution rapide.
L'objectif de production pour 2018 a été fixé à 1,7 TWh réinjectés dans les réseaux. En 2023, ce chiffre sera porté à 8 TWh. La puissance de cogénération prévue à ces mêmes échéances sera de 137 MW puis 237-300 MW.

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