Le concept M-Line, de la société Geps Techno, est unique en son genre : il s'agit d'une plateforme maritime flottante - dont les dimensions dépassent celles du porte-avions Charles de Gaulle - qui concentre toutes les énergies marines renouvelables. Eolien, solaire, hydrolien et houlomoteur fonctionnent de concert pour fournir la même puissance que dix turbines géantes. Zoom sur ce titan des EMR.

Le projet Ihes, de la société nazairienne Geps Techno, consiste à concevoir et réaliser une plateforme autonome industrielle stabilisée intégrant une production d'énergie tirée de la houle (100 kW de puissance) et un système hybride de stockage (600 kWh de capacité). Un premier prototype doit être testé au SEM-REV, le centre d'essai en mer des énergies renouvelables, à partir de la fin de 2017. Mais le concept, déjà ambitieux, ne constitue cependant que la partie émergée de l'iceberg...

 

Un navire grand comme un porte-avions

 

Car la startup travaille en parallèle sur un autre projet, de grande envergure, dans lequel Ihes ne constituera qu'un élément. Son idée ? Regrouper, sur une seule plateforme maritime de grandes dimensions, différents moyens de production d'électricité. Geps Techno explique : "La technologie développée dans le projet collaboratif Ihes permettra d'alimenter en énergie des applications autonomes en mer, mais elle constitue également une des briques technologiques du projet M-Liner". Ce dernier est défini comme "une structure flottante nomade compacte, servant à produire de l'énergie électrique à partir de plusieurs sources d'énergies et à la rétrocéder à un réseau électrique terrestre". Une véritable centrale électrique des mers, en somme, qui intègre quatre sources différentes : l'éolien à axe vertical, l'hydrolien, le houlomoteur et le solaire photovoltaïque. Geps Techno poursuit : "Ce concept a été développé après un constat simple mais révolutionnaire par rapport à la démarche généralement observée dans le domaine des énergies marines renouvelables : la structure la plus adaptée pour un usage marin est un navire".

 

Exit donc le principe de plateforme sur pilotis, issu de l'exploitation pétrolière, lourde et difficile à mettre en place. Le M-Liner prend la forme d'une barge, qu'il est possible de remorquer sans faire appel à des bâtiments spéciaux (type "jack up"). Mais ses dimensions sont toutefois hors norme : il mesure 270 mètres de long et 90 mètres de large, soit plus que le porte-avions nucléaire Charles de Gaulle ! Ce dernier ne fait (que) 261 mètres de long pour 64 mètres de large au niveau de son pont d'envol. Le bâtiment de Geps Techno, dont le partenaire industriel est STX, le chantier naval qui a construit les porte-hélicoptères de la classe Mistral, est donc un géant. A son bord, le système houlomoteur occupe le centre de la structure. "Simple et robuste, breveté (…) il est basé sur un fonctionnement en circuit fermé, à partir de plusieurs compartiments", annonce la société. Les mouvements de la houle que subit le M-Liner font circuler un liquide, d'un compartiment à un autre, ce qui génère une énergie cinétique dans la structure centrale selon le principe des vases communicants. "Une turbine, disposée dans cette structure centrale, permet de capter cette énergie cinétique et de la transformer en électricité".

 

Complémentarité des ressources, simplicité du déploiement

 

Le M-Liner propose également des "dispositions brevetées pour les éoliennes et hydroliennes embarquées". Mais Geps Techno avertit qu'elle ne développera aucun de ces systèmes : le bâtiment intégrera des équipements du marché, avec "une mise en œuvre spécifique, simple et protégée, de manière à améliorer l'exploitation du gisement énergétique". Des panneaux solaires photovoltaïques viennent recouvrir l'extérieur des superstructures du navire, qui dispose également de sa propre plateforme d'atterrissage pour hélicoptère sur la plage arrière. La société met en avant que les différents moyens de production ne sont pas simplement juxtaposés mais intégrés, "chaque système contribuant à l'amélioration du rendement d'un ou plusieurs autres systèmes". Et elle vante la modularité de sa solution : "Au fur et à mesure du développement de nouveaux capteurs (éolienne, hydrolienne…) la structure modulaire et nomade du M-Liner permet d'intégrer facilement ces nouvelles sources", ceci afin d'améliorer l'efficacité et le rendement de l'ensemble. Le mix énergétique embarqué permettra notamment un lissage de la production et une mutualisation des coûts d'infrastructure. En effet, un seul câble sera nécessaire pour acheminer le courant vers le continent, et la production se fera que la mer soit d'huile par une belle journée ensoleillée, ou déchaînée, par une froide nuit de tempête. La puissance estimée de ce concentré d'EMR ? Entre 50 et 60 MW, soit l'équivalent de 10 éoliennes offshore Haliade réunies en un seul engin.

 

Les coûts d'installation et de maintenance seraient donc réduits, selon les promoteurs du projet, tandis que l'industrialisation est "déjà maîtrisée car s'apparentant très fortement à de la construction navale". Le développement opérationnel devra toutefois attendre le retour d'expérience de son petit précurseur Wavegem : les premiers géants des EMR ne prendront le large qu'au-delà de 2020.

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